L’Inde, origine des arts et des sciences


Il est courant de lire que l’arc, en tant qu’arme d’attaque et de défense, remonte à l’âge préhistorique. On prend pour cela des exemples de gravures rupestres peintes dans des grottes montrant des hommes primitifs utilisant arcs et flèches contre des animaux sauvages. Cette interprétation grossière de l’ancêtre humain fait pourtant place aujourd’hui à une autre analyse car, pour certains anthropologues, de nombreuses gravures sont plutôt l’expression d’un rite et donc d’un culte. Cela tendrait à prouver que les pseudo-primitifs avaient une certaine idée de la religiosité et avaient par conséquent une vie sociale organisée et intelligente. L’étude attentive des peuples de l’Antiquité nous donne plutôt l’image de civilisations avancées ayant toujours côtoyé des populations primitives, il en est encore de même aujourd’hui. Par conséquent, l’archerie n’a peut-être pas évolué à la manière darwinienne puisque, selon la plupart des mythologies, l’homme est né divin, avant d’involuer vers l’état matériel et primitif. Et la remontée vers Dieu est l’objet de cet ouvrage.

Une autre idée toute faite est de considérer que le Japon est le seul pays ayant utilisé l’arc en tant qu’instrument sacré à but spirituel. Il n’en est pas ainsi même si, je l’admets, la manière d’utiliser l’arc au Japon est unique. En vérité le kyûjutsu, l’archerie guerrière devenue une voie d’éveil intimement associée à la religion, n’est nullement l’exclusivité du Japon. Dans d’autres pays, l’Inde, la Chine ou la Grèce, l’arc était tout à la fois une arme sacralisée dans la main des dieux et des prêtres, et en même temps une arme redoutable utilisée par les soldats ou par les chasseurs. Par conséquent, dès son origine, l’arc fut à la fois objet sacré et arme de guerre.

Bhârat, le pays sacré des Âryas
Nous allons commencer notre étude par le sous-continent indien, considéré comme la mère de nos civilisations indo-européennes. Inutile de rappeler que l’hypothèse d’une invasion de l’Inde par des hordes d’Âryas venus des plateaux d’Iran 1 500 ans avant notre ère est désormais largement dépassée, notamment depuis la découverte de l’immense civilisation de l’Indus qui remonterait à plus de 7 000 ans av. J.-C. et dont les ruines (Mohenjo-Daro 3 et Harappa) ont démontré un très haut degré de culture à travers son urbanisation, son écriture (non encore décryptée) et un art subtil et raffiné. Je n’entrerai pas ici dans les détails, sauf en ce qui concerne la haute technologie que possédaient les Âryas et cela depuis plus de 10 000 ans. Nous verrons ainsi que l’arc a toujours tenu un rôle sacré, tant dans la mythologie que dans la vie quotidienne.

Bien que nos savants aient une version différente, la tradition des sages de l’Inde affirme l’existence d’une immense civilisation qui se serait développée en Asie et dont l’apogée se situerait vers 45 000 avant notre ère 4, thèse corroborée par des chercheurs occidentaux.

Deux Américains, Roy Chapman Andrews, chargé de mission par le musée américain des sciences, et Henry Fairfield Osborne, ont établi que l’Asie centrale a joué un rôle immense dans l’histoire. Ils estiment que le désert de Gobi fut le berceau de l’humanité. Il y a deux ou trois millions d’années, des hommes menaient une existence libre et heureuse dans cette partie du monde où, de nos jours, quelques rares Mongols végètent péniblement 5.

De cette supercivilisation sortiront toutes les nations dites indo-européennes. Au cours de milliers d’années, il y eut de nombreux croisements de races très anciennes, dont on peut retrouver des restes chez les Aïnous d’Hokkaido. Cette supercivilisation a connu plusieurs migrations dont l’une en direction de Bhârat, le nom ancien de l’Inde, où ils s’installèrent dans une région du nord qui prit le nom d’Aryâvarta, avant de progresser vers le Pendjab, en Assam, et plus tard au Bengale.

Il y a trop à dire sur l’histoire archaïque et moderne de l’Inde, mais il faut savoir que, même dans son histoire récente, c’est-à-dire vers 700 av. J.-C., des universités comme celle de Nâlandâ véhiculaient un savoir encore plus riche que celui d’Alexandrie. Taxila, par exemple, accueillait plus de 10 500 étudiants venus du monde entier pour y étudier plus de soixante matières. Leurs prêtres (brahmanes) et leurs savants (pandits) enseignèrent la plupart des grandes connaissances scientifiques en Perse, en Asie mineure, en Chine et en Égypte. Hopkins, Müller et bien d’autres savants étaient persuadés que les idées de Pythagore et de Platon provenaient des philosophies hin- doues. Du reste, ce sont ces mêmes hindous qui enseignèrent l’algèbre aux Arabes qui ensuite nous les transmirent 6. L’Inde a excellé dans les sciences, les arts et les philosophies, elle fut à l’avant-garde en ce qui concerne l’art de la guerre, et son art martial, le kalaripayat, est une preuve d’un haut niveau technique, même si cet art n’a pas progressé comme il le fit en Chine, l’Inde ayant été surtout préoccupée par la recherche intérieure. Les Âryas, 8 000 ans avant notre ère, maîtri- saient l’aéronautique (vimana vidyâ) ou l’art de voler dans les airs, et les écrits sacrés sont remplis d’exploits de héros se faisant la guerre à bord d’aéronefs pourvus d’armes terrifiantes que même Jules Verne n’aurait pu imaginer. Il ne s’agit nullement d’allégories car l’un des nombreux écrits, le Vaimanikashastra, écrit par le sage Bharadvaja, décrit assez précisément une technologie relative à la construction de machines volantes (vimana) et à leur énergie propulsive à base de mercure.

Dans la vie quotidienne des Indiens et des peuples alentour, l’arc simple et non sophistiqué était l’instrument le plus usité autant lors des conquêtes guerrières que spirituelles, ce qui apparaît dans l’une des plus anciennes écritures hindoues, le Rig Véda, VI, 75 :
Puissions-nous par l’arc conquérir les vaches et le butin, par l’arc gagner les batailles sévères !
L’arc fait le tourment de l’ennemi ; gagnons par l’arc toutes les régions de l’espace !

 

Michel Coquet 

                        
                                                                              

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 Le Kyûdô - Art sacré de l'éveil