Le salon du dessin dévoile ses plus belles feuilles

 du 27 mars au 1 avril au Palais Brongniart  -  Paris

 

Toujours aussi intimiste, toujours aussi attendu, le salon du dessin et sa sélection de belles feuilles revient au printemps sous la voûte du Palais Brongniart, avec ses 39 galeries venues du monde entier dont quatre nouveaux exposants triés sur le volet et deux qui sont de retour après quelques années d’absence. Parmi eux, la galerie autrichienne wienerroither & Kohlbacher présente de précieux dessins d’Egon Schiele et de Gustav Klimt tandis que la galerie Jacques Elbaz consacre un solo show à l’artiste contemporain Jean-Baptiste Sécheret. le galeriste allemand Martin moeller célèbre 100 ans de dessins allemands et la galerie de la Présidence expose des dessins de sculpteurs, pour ne citer qu’eux.

Cette 28ème édition accueille également deux expositions muséales où il sera possible d'admirer des dessins provenant des collections du musée Carnavalet sur le thème «Fêtes et spectacles à Paris», en attendant impatiemment sa réouverture fin 2019. Quant à la maison Chaumet, elle continuera de raconter l'histoire de ses dessins de joaillerie et confiera le commissariat de son exposition axée sur la nature au botaniste Marc Jeanson, l'un des piliers de la magnifique exposition "Jardins" présentée au Grand Palais en 2017.

Autres temps forts du salon du dessin, la remise du 12ème Prix du dessin contemporain de la Fondation d’art contemporain Daniel et Florence Guerlain et la poursuite du programme des Rencontres internationales sur les arts du spectacle.

Sans oublier la vingtième semaine du dessin, un parcours hors-les-murs très couru organisé en partenariat avec plus de 20 musées et institutions qui proposent au public des visites inédites de leurs cabinets d’art graphique.

L’INTENSITÉ DE SCHIELE LA VIRTUOSITÉ DE KLIMT


Dessin Klimt
Gustav Klimt (1862-1918), Femme à demi-nue inclinée vers la droite, 1914/15,
crayon sur papier, 35,5 x 55,6 cm,
Galerie WIENERROITHER & KOHLBACHER

 

Ce nu de Gustav Klimt sera exposé aux côtés d'un dessin d'Egon Schiele par la galerie viennoise WieneRRoiTHeR & KoHlbacHeR, qui revient au salon du dessin après plusieurs années d’absence. les deux artistes, qui avaient près de 30 ans d’écart et qui sont décédés tous les deux en 1918, avaient l’un pour l’autre une admiration et une amitié réciproques.

Klimt se passe de la couleur, à la différence d'Egon Schiele, qui accentue l'intensité du dessin grâce à l'aquarelle et à la gouache blanche soulignant ici l’angularité du coude ou de l’épaule. les longs doigts masquant les yeux montrent une femme cherchant à éviter le regard de l’artiste et le nôtre. et pourtant elle a été vue dans de nombreuses expositions dans le monde entier...

L’ÉLOGE DE LA NATURE
Si la maison Chaumet a choisi la nature comme fil conducteur de son exposition « Dess(e)in de nature », plusieurs galeries présenteront aussi des dessins sur ce thème. Martin Moeller fera un accrochage consacré à « 100 ans de dessins allemands » parmi lesquels figure Fleurs de pavot, un dessin sur papier bleu, caractéristique de Philipp Otto Runge, un des plus grands dessinateurs allemands très peu connu du public français car la plupart de son Œuvre est au musée de Hambourg. a ses côtés, Les étoiles de mer de Franz Anton Von Scheidel rappellent que l’artiste a réalisé de grands albums sur des éléments de la nature pour l’empereur d’Autriche.

La galerie Onno Van Seggelen, basée à Rotterdam, très remarquée l’an dernier pour sa première participation au salon du dessin, revient cette année avec des dessins anciens et XiXème siècle des écoles nordiques, comme ce splendide dessin Xviième siècle de Herman Saftleven représentant la Récolte de fruits.

De Delacroix à Maysey Craddock, artiste contemporaine américaine présentée par la galerie new yorkaise Rosenberg, en passant par Matisse et Marquet, les dessins présentés au salon du dessin illustrent l’éternelle source d’inspiration qu’offre la nature aux artistes. Plus connu pour ses œuvres de sujets romanesques ou orientaux, Eugène Delacroix n’a pas négligé le genre traditionnel des fleurs comme le montre ce dessin exposé par la Galerie Motte Masselink. Tout comme Henri matisse qui réalisa de très jolies aquarelles colorées en 1943 à la demande de Michel de Brunhoff, rédacteur en chef de vogue, pour illustrer son recueil « Parfums » accompagnant un texte de Paul Valéry. l’aquarelle présentée par la Galerie ab provient de cette petite série.

PARIS, ÉTERNELLE SOURCE D’INSPIRATION
En parallèle de l’exposition des dessins de la collection du musée Carnavalet-Histoire de Paris, plusieurs œuvres présentées par les exposants évoquent l’atmosphère parisienne de la fin du XiXème siècle. Luigi Loir, connu pour être le peintre de Paris, représente une vue de nuit mystérieuse. un beau travail à l’encre présenté par le galeriste belge Eric Gillis. l’artiste exprime ici l’angoisse que suscite la modernité de la ville au tournant du siècle tout en montrant également la beauté qu’elle apporte.
l’italien Serafino Macchiati, qui a vécu à Paris et étudié aux côtés du peintre futuriste Giacomo balla, illustre lui aussi la vie sociale de la société contemporaine parisienne à travers ce grand dessin présenté par la galerie américaine Pandora.

Marcel Roux est un artiste visionnaire injustement méconnu. son Œuvre gravé est composé de scènes macabres et Décadentistes dont la noirceur n’est pas sans rappeler Félicien Rops. il a puisé les sujets de ses dessins dans la littérature à l’instar de celui présenté par la Galerie Descours illustrant Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. deux scènes distinctes s’y télescopent : le rapt d’Esmeralda par Quasimodo et à l’arrière-plan, la chute de l’archidiacre Frollo dans la rivière.

Les escaliers de Sam Szafran sont des œuvres cultes. la galerie Stephen Ongpin Fine art présentera un grand dessin de l’artiste représentant l’Escalier du 54 rue de Seine. ce fils d’immigrés polonais vit depuis plus de cinquante ans dans un appartement du vieux Paris aux marches en bois usé et aux paliers carrelés noir et blanc. ayant perdu son père très jeune il est confié à « Un oncle particulièrement sadique qui avait feint de le précipiter dans la fosse de l'escalier (...). Depuis lors, tout son souci pour échapper au vertige né de cette épreuve primitive aura été de se forger des outils capables de faire front à cette Horror Vacui fondamentale », explique l'académicien Jean clair.
la galerie Prouté nous emmène au Jardin du luxembourg dessiné par Jongkind en 1887.

L’ART DU GESTE
Avec son tracé impétueux et l’énoncé subtil des contrastes de lumière rendus par des hachures plus ou moins denses, ce dessin du Guerchin, inédit et présenté par la Galerie Terrades, constitue la toute première pensée de l’artiste pour un tableau conservé en collection particulière. les premières idées du Guerchin sont toujours tracées à la plume et à l’encre avant d’être approfondies dans une étude ultérieure à la sanguine. c'est le cas pour cette Lucrèce dont la sanguine est conservée au Princeton university art museum. Lucrèce, qui s’est donné la mort après avoir été violée pour ne pas salir le sang de ses ancêtres, est devenue un symbole puissant de la vertu féminine contre l’oppression masculine. l’expression et les gestes de l’héroïne sont admirables, concentrés dans un regard fixe et lourd de reproches dirigé vers un point situé hors du papier. cette feuille remarquable porte aussi trois cachets de collection anciens.

Tout comme l’expression de Lucrèce dans le dessin du Guerchin, la posture du personnage de sainte Geneviève en prière par Pierre Puvis de Chavannes (Didier Aaron) ou celle de Saint Paul par Louis de Boullogne (Galerie Coatalem), le geste est particulièrement mis en exergue dans l’œuvre dessinée. louis de Boullogne commence par étudier l’attitude du personnage en le représentant nu, stylisant plus ou moins les draperies. une technique que l’on retrouve dans ce dessin présenté par la galerie Coatalem, où le corps de saint Paul, renversé de son cheval et frappé par la lumière divine, est sculpté par la pierre noire et de simples rehauts de craie blanche. la galerie de Bayser présentera une étude de femmes de Christoffer Wilhelm Eckersberg, considéré comme le plus novateur des peintres danois de l'âge classique. l’exposition de la Fondation Custodia en 2016 a montré combien cet artiste était beaucoup plus qu’un élève de Jacques-Louis David ou un admirateur d’Ingres. Christopher Bishop, jeune marchand américain, participe pour la première fois au salon du dessin et montrera une sanguine du Guerchin représentant Loth et ses filles. Rappelons que l’épisode de la destruction de Sodome et de l'inceste de Loth a été beaucoup illustré, notamment au Xvie siècle.

DESSINS ESPAGNOLS DE CARDUCHO À PICASSO

Pablo Picasso (1881-1973), Homme, femme et enfant 30.12.66, crayon de couleur sur papier, 54,5 x 45,5 cm, signé et daté en haut à gauche : Picasso 30.12.66, HELENE BAILLY GALLERY
Pablo Picasso (1881-1973), Homme, femme et enfant 30.12.66,
crayon de couleur sur papier, 54,5 x 45,5 cm, signé
et daté en haut à gauche : Picasso 30.12.66, HELENE BAILLY GALLERY

Autre axe dévoilé par le salon du dessin, la présence de plusieurs feuilles d'artistes espagnols, école souvent moins représentée en France que celles d'Italie ou du nord de l'Europe.

La galerie barcelonaise Artur Ramon exposera une sélection de dessins espagnols de Vicente Carducho à Picasso. Peintre espagnol d’origine italienne, Vicente Carducho arrive en Espagne en 1585 et devient peintre du roi en 1609. il fut la figure la plus influente de la peinture madrilène jusqu'à l'arrivée de Velázquez (1623). il a beaucoup travaillé pour les ordres religieux comme l’illustre ce dessin représentant Saint Bruno faisant ses adieux à Saint Hugo.

La galerie madrilène José de la mano, qui participe pour la première fois au salon du dessin, présentera un Portrait de Francisco Tomás de Longa y Anchía, maréchal de camp des armées Royales, réalisé en 1814 par l’artiste le plus illustre de l’époque, vicente lópez. en effet, cet apprenti forgeron se livra à la guérilla au moment de l’invasion des troupes napoléoniennes en 1808 jusqu’à monter une véritable unité militaire et être promu maréchal de camp par le roi Ferdinand Vll. Quant à Vicente López, il était le peintre le plus convoité par l’aristocratie et la bourgeoisie fortunée de Madrid.

Picasso sera présent sur le stand d’Artur Ramon mais également sur celui d’Helene Bailly Gallery avec ce très beau dessin de 1966 représentant Homme, femme et enfant.

Pierre Bonnard s'est très tôt intéressé à l'illustration. ses premiers essais en 1891-1893 l’amènent à illustrer un Petit solfège puis un album pour les enfants sous forme d’alphabet sentimental. la lettre correspondait à la première d’un mot signifiant une passion ou un état d’esprit, et illustré par des enfants, des animaux ou des paysages ; b pour Bouderie, o pour Ombre comme le montre le dessin présenté par la galerie américaine Jill Newhouse.

L’autre galerie new yorkaise, w.m. Brady & co, exposera une très belle aquarelle de Bourdelle représentant le signe astrologique du sagittaire, datée 1920, dédicacée à l’ami Arnaud et provenant de la collection Malatier, célèbre banquier dont les choix esthétiques n’avaient d’égal que son érudition.

Particulièrement remarqué pour ses talents d’illustrateur, Armand Seguin est sans doute le graveur le plus original du cercle de Paul Gauguin. son œuvre graphique dépasse largement sa production picturale, comme le montre ce dessin préparatoire à la zincographie de 1895 découvert par la galerie Talabardon & Gautier. mort à l’âge de 34 ans de la tuberculose, ses œuvres, rares sur le marché, n’en sont que plus recherchées.

A la même époque, le néo-impressionniste Charles Angrand étudie la technique du crayon conté, utilisé par son maître Seurat, dès 1890, et crée, après une série biblique commencée en 1894, la série des Maternités dont on verra un excellent exemple chez Mathieu Néouze.

Le portrait est un genre artistique majeur dans l’art occidental comme l’illustrent ces quatre dessins allant du XVllle au XXe siècle.

La galerie Stephen Ongpin Fine art présentera le Portrait d’un homme portant un chapeau de Nicolas Lagneau, artiste français ayant travaillé sous le règne de louis Xlll et dont les dessins sont présents dans toutes les grandes collections du XVlle siècle et dans de nombreuses collections publiques. ses dessins sont d’un réalisme tel qu’ils tirent parfois à la caricature. il insiste notamment sur l’arête du nez, les rides du front et du contour des yeux, les cils et la pilosité, comme le montre ce portrait.
Eric Gillis Fine arts a découvert un Autoportrait inédit de Louis Anquetin, retrouvé dans un lot de dessins provenant de son atelier et montré pour la première fois. le travail de l’encre est impressionnant : l’artiste se montre tout en se cachant ! un dessin proche de l’abstraction où tout est précis et se concentre autour de l’œil et le regard du peintre. un autoportrait qui révèle un artiste presque « déconstruit » et extrêmement moderne.

La galerie Arnoldi-Livie mettra en avant cet autoportrait de Helmut Kolle datant de 1919. installé à Paris en 1924, il meurt quatre ans plus tard, à l’âge de 32 ans. Kolle est le peintre allemand le plus exposé dans les galeries parisiennes de l’entre-deux-guerres. il est également collectionné par les avant-gardes françaises et allemandes.

La Galerie de la Présidence exposera des dessins de sculpteurs dont ce Barbu de Julio Gonzalez, artiste espagnol connu pour ses sculptures en fer et ses collaborations avec Picasso.

ABSTRACTION LYRIQUE
Les peintres de l’abstraction lyrique ont animé la vie artistique française dans les années 50. les galeries Antoine Laurentin et brame & Lorenceau évoquent l’univers bouillonnant de cette époque en présentant notamment des œuvres d’Alfred Manessier (Galerie Laurentin) et de Maurice Estève (Galerie Brame & Lorenceau).

Concernant le dessin pratiqué de manière autonome, Estève se recentre au milieu des années 50 sur une seule technique, le fusain, laissant de côté la mine de plomb, le brou de noix et les crayons. Traitée dans une gamme chromatique restreinte composée de bleu, de noir et de gris, cette œuvre de 1956 est particulièrement puissante.

Alfred Manessier réalise ici la transcription poétique d’un paysage au coucher du soleil. en effet sa peinture abstraite puise essentiellement son inspiration dans la nature à condition qu’elle soit un témoignage d’une chose vue par le cœur plutôt que l’imitation d’une chose vue par les yeux.

UN CERTAIN GOÛT DU CLASSIQUE
Il marie avec virtuosité la technique des maîtres graveurs du Grand siècle et la culture contemporaine. Erik Desmazières, né à Rabat en 1948, travaille depuis les années 1980 avec la Galerie suisse Ditesheim (devenue depuis Ditesheim & Maffei). dessinateur magistral, il a choisi la gravure, art difficile, qui oblige à maîtriser des techniques qu'il est un des derniers à savoir manier avec cette perfection.

La galerie genevoise Grand-Rue, qui participe pour la première fois au salon du dessin, présentera un bel ensemble d’aquarelles italiennes de Salomon Corrodi. artiste suisse ayant passé la majeure partie de sa vie en Italie, il devient rapidement l’un des chefs de file des aquarellistes. il est fasciné par son pays d’adoption, ce qui se ressent dans ses œuvres, toujours imprégnées de cette lumière dorée propre à la péninsule. Corrodi peint presque exclusivement des paysages, admirés par les voyageurs du Grand-Tour de passage à Rome. sa renommée s’étendant au reste de l’Europe, il reçoit même en 1861 une commande de la reine victoria.

HORIZON XXÈ SIÈCLE
Lyonel Feininger fut un des fondateurs de l'école du Bauhaus avec Walter Gropius. Quand le parti nazi accède au pouvoir en 1933, ses œuvres sont retirées des musées allemands et 24 de ses créations sont montrées à la Entartete Kunst, consacrée à l’art dégénéré. sous la pression du régime hitlérien, il s'exile en 1937 aux Etats-Unis. Toute sa vie, il a une véritable attirance pour le monde marin et les ports. l’œuvre présentée par la galerie suisse Reginart collections, a été peinte en 1933 sur les bords de la mer baltique qui le fascinait. elle a appartenu à M.Safranski, né à Berlin, Président du groupe de presse, Ullstein Verlag, qui dut fuir le nazisme en 1937, et devint directeur de l'agence Black Star Photograph à New York.

La galerie Zlotowski présentera un très beau dessin de Miró, tandis que la galerie Berès montrera un fusain de Wilfredo Lam de 1962. mention spéciale pour cette très belle œuvre d’Amédée Ozenfant exposée chez Helene bailly Gallery.

La suite du programme en téléchargement ici

Catalogue, couverture Ingres



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