L’ Odyssée des animaux / Les peintres animaliers flamands du XVIIe siècle

L’ Odyssée des animaux  / Les peintres animaliers flamands du XVIIe siècle

 


L’exposition est une première : malgré l’attractivité de la thématique et leur importance capitale dans l’émergence de l’art animalier, les peintres animaliers flamands au XVIIe siècle, n’ont jamais fait l’objet d’une étude globale et approfondie.

L’Odyssée des Animaux comportera deux volets faisant chacun l’objet d’une exposition : l’un consacré à l’art animalier flamand du XVIIe siècle et l’autre à la création artistique contemporaine en Belgique (4 mars - 9 juillet 2017).

Au XVIIe siècle s’affirme dans la peinture flamande un genre bien singulier, l’art animalier. Ce genre nouveau donne ses lettres de noblesse à l’animal qui est désormais représenté pour lui- même et traité comme un véritable sujet digne d’intérêt alors qu’il n’avait auparavant qu’une valeur de symbole ou d’emblème. Les peintres flamands, si sensibles au rendu des matières, excellent alors dans la représentation plus ou moins fidèle de l’animal, selon qu’ils s’inspirent d’un modèle vivant ou de sources livresques. La primeur est donnée au réalisme au détriment du fantastique. Le processus de spécialisation est enclenché. Roelandt Savery, Frans Snyders, Jan Fyt ou encore Paul de Vos comptent parmi les plus grands peintres animaliers.

Si les scènes de chasse et les étals de marché traduisent opulence et raffinement, d’autres sujets se démarquent par leur orientation plus existentielle. Les paradis terrestres évoquent une période révolue où prédateurs et proies cohabitaient en une douce harmonie. L’homme devient alors quasi inexistant voire totalement absent. C’est le règne animal par excellence !

Ainsi la violence inhérente au caractère bestial de l’animal n’est pas occultée ; bien au contraire, elle est mise en scène dans des compositions magistrales où le face à face exalte puissance et compassion. De là ressort le combat incessant pour la survie, une odyssée toutefois enchanteresse qui transcende la beauté animale.

Parcours dans l’exposition
Pour la première exposition consacrée à la peinture animalière flamande du XVIIe siècle, le musée de Flandre a choisi de sélectionner les principaux peintres qui se sont spécialisés dans ce domaine - comme Roelandt Savery, Jan van Kessel, Frans Snyders, Jan Fyt, Paul de Vos et Peeter Boel – ou qui ont joué un rôle déterminant dans l’évolution des représentations comme Jan Brueghel l’Ancien ou Pierre-Paul Rubens.

Grâce à un parcours plus ou moins chronologique, organisé à partir de cabinets spécifiques à chaque peintre, l’exposition a l’ambition de montrer à la fois les caractéristiques de chacun mais aussi les influences des uns sur les autres. Ils gravitent quasiment tous, à un moment donné de leur carrière, dans le même centre artistique qu’est la cité d’Anvers. Cela favorise les échanges d’autant plus que les peintres flamands sont habitués depuis le xvie siècle à des pratiques collaboratives. Ainsi les motifs voire même parfois des compositions entières passent d’un atelier à un autre, ceci rendant les attributions extrêmement délicates. Ainsi, dans l’exposition, Snyders occupe une place centrale afin de bien cerner son influence sur Van Utrecht, Jan Fyt et Paul de Vos. Peeter Boel est placé après Jan Fyt, ce dernier ayant très nettement influencé sa production. Dans la section consacrée à Paul de Vos, nous avons délibérément accroché La Chasse aux renards autrefois attribuée à cet artiste mais replacée aujourd’hui dans l’escarcelle de Jan Fyt grâce au travail scientifique mené pour l’exposition. La comparaison entre les œuvres devrait permettre aux visiteurs de mieux cerner les apports stylistiques des uns et des autres.

Roelandt SAVERY (Courtrai, 1576 - Utrecht, 1639)

 

Roelandt Savery, Orphée charmant les animaux, 1611 Huile sur bois, Berlin, Staatliche Museen, © BPK Berlin, Dist.RMN-Grand Palais/ Jörg P.Anders

Roelandt Savery, Orphée charmant les animaux, 1611
Huile sur bois, Berlin, Staatliche Museen, © BPK
Berlin, Dist.RMN-Grand Palais/ Jörg P.Anders


Le premier peintre animalier flamand
Dans la continuité de son frère Jacob, Roelandt Savery compose des paradis terrestres qui exaltent la beauté animale à une ère révolue, avant la faute originelle de l’homme. L’harmonie était alors pleine et entière.

Au travers du thème d’Orphée charmant les animaux (visuel ci-dessous) qu’il a largement développé (au moins vingt-trois tableaux consacrés à ce thème de 1603 à 1628), l’intention de ne pas réduire le sujet à la Genèse est bien perceptible. Le sujet central n’est ni religieux ni mythologique, mais c’est le monde animal qui se suffit à lui-même. Il nous plonge alors dans un univers certes féérique, mais qui prend sens par la matérialité des animaux et par une approche universelle englobant espèces locales et exotiques. Naît ainsi le paradis des oiseaux (visuel ci-dessous), véritable volière à ciel ouvert où le fameux dodo, espèce disparue depuis le XVIIe siècle, côtoie autruches, canards et perroquets dans un paysage délesté de toute présence humaine.

Avec Conrad Gessner et Ulisse Aldrovandi, la zoologie moderne connaît ses premiers balbutiements. Véritables encyclopédies qui visent à l’exhaustivité, leurs ouvrages se révèlent être, encore au XVIIe siècle, une source d’informations incontournables pour les artistes. Cependant, l’imprécision et le manque de détails des illustrations gravées compromettent une représentation fidèle, notamment pour ce qui concerne la faune exotique.

L’observation d’après nature est donc un préalable indispensable pour saisir au mieux les attitudes, les expressions et les proportions des animaux. C’est dans la fameuse ménagerie de l’empereur germanique Rodolphe II que Savery se familiarisera avec les espèces venues de contrées lointaines. Ses esquisses donnent une approche plus individualisée de l’animal. Et même si le traitement maniéré entraîne une perception fantaisiste, il opère une véritable révolution dans la représentation de l’animal qui vise à émerveiller par le foisonnement et le souci constant du détail. Tout au long de sa carrière, il alterne entre des paradis fourmillant d’animaux exotiques et des paysages sylvestres habités de biches et de taureaux, incarnations de la magnificence de la nature.

Les contrastes puissants d’ombre et de lumière qui rythment les compositions aiguillent le regard dans cet espace pictural où les teintes des animaux se fondent dans leur environnement.

Roelandt Savery est aussi le premier peintre flamand à avoir réalisé des portraits animaliers. Les chevaux, seuls ou en groupe, aux courbes soulignées, au pelage tacheté et à la crinière finement ondulée, se démarquent par un trait précis et par un traitement maniéré qui correspondent à l’époque à une certaine idée du raffinement. La plupart des chevaux sont racés et donc prisés par les puissants à l’instar de Rodolphe II qui leur vouait une véritable passion. Plus inattendus encore sont les portraits de poule et de coq du musée de Rotterdam, œuvres signées, qui influenceront les peintres hollandais comme Gillisz de Hondecoeter.

Jan I BRUEGHEL dit l’Ancien (1568-1625) Les animaux, reflet de la grandeur de Dieu

Jan Brueghel l’Ancien, L ’Entrée des animaux dans l’arche de Noé, ca. 1613-1615 huile sur bois, Budapest, Museum of Fine Art
Jan Brueghel l’Ancien, L ’Entrée des animaux dans l’arche de Noé, ca. 1613-1615
huile sur bois, Budapest, Museum of Fine Art

Peintre de paysages, de natures mortes et de fleurs, mais aussi de sujets religieux, allégoriques et mythologiques, Jan I Brueghel est un artiste prolixe qui ne s’est pas cantonné à un genre, bien au contraire. Il joue un rôle décisif dans la peinture animalière.
Ses paradis terrestres, dont le premier date de 1594, peuvent paraître de prime abord dans la lignée de ceux de Savery ; pour autant, ils s’en démarquent par une prédominance du message religieux qui se traduit par une présence plus prégnante des personnages bibliques prenant place parmi les animaux.
Les compositions plus aérées donnent davantage de respiration aux motifs ou aux scènes qui accèdent ainsi à un certain degré d’autonomie. Sa composition de L’Arche de Noé, dont le prototype est conservé au J. Paul Getty Museum de Los Angeles (daté 1613), fera sensation comme en témoignent les versions réalisées par le maître et son atelier et les nombreuses copies de peintres bien souvent non identifiés.
Le succès de cette représentation s’explique au-delà de l’aspect visuel très séduisant par une approche naturaliste. Les esquisses sur bois du Kunsthistorisches Museum de Vienne montrent des animaux croqués sur le vif dans différentes postures, Jan Brueghel cherchant à capter au mieux leurs mouvements et gestuelles.

Ces études d’après nature, comme en témoigne sa correspondance avec le cardinal Borromeo, ont été réalisées dans le parc du palais de l’archiduc Albert et de l’infante Isabelle à Bruxelles.

Jan Brueghel porte aussi un intérêt aux scènes de chasse qui sont toujours associées à des épisodes religieux et mythologiques. C’est La Conversion de saint Hubert avec le cerf positionné au centre de la trouée, telle une apparition, c’est bien sûr Diane chasseresse, sujet qu’il reprendra plusieurs fois et dont les deux compositions du musée de la Chasse à Paris sont certainement les plus abouties. Traqué ou pièce centrale d’un trophée, le cerf est récurrent dans les scènes de chasse. L’étude Têtes de brocards du musée de Narbonne (visuel ci-dessous) qui, par son caractère et la variation des angles de vue, se rapproche stylistiquement des panneaux de Vienne est à mettre en relation avec le cerf du tableau de La Conversion de saint Hubert du musée du Prado.

Loin de ces représentations religieuses, mythologiques ou allégoriques, ressort une composition quasi unique dans l’oeuvre de Jan Brueghel l’Ancien, Une souris et deux roses de la Pinacoteca Ambrosiana à Milan (visuel ci-dessous), dont il existe une version en collection privée.

Datée vers 1605, elle annonce la démarche miniaturiste et encyclopédique de Van Kessel qui en fera sa marque de fabrique. Autre sujet commun aux deux peintres : l’arbre aux oiseaux, évocation des amours et de l’harmonie, que Frans Snyders étoffera d’une signification plus complexe.


Jan VAN KESSEL (1626 - 1679) Un engouement pour les curiosités

Jan van Kessel, Papillons et autres insectes, 1661, huile sur cuivre, Cambridge, The Fitzwilliam Museum, ©The Fitzwilliam Museum, Cambridge

Jan van Kessel, Papillons et autres insectes, 1661, huile sur cuivre,
Cambridge, The Fitzwilliam Museum, ©The Fitzwilliam Museum, Cambridge


Petit-fils de Jan Brueghel l’Ancien, Van Kessel devient maître de la guilde d’Anvers en 1645.
Son corpus compte plusieurs centaines d’œuvres. Les peintures sur toile de grandes dimensions sont rares, car il s’est surtout consacré à l’exécution des tableautins sur bois ou sur cuivre, qui ornaient les cabinets de curiosités, dont la production fait partie des spécialités du centre artistique d’Anvers.

Ses sujets de prédilection sont les animaux dans leur ensemble, les oiseaux et insectes en particulier.

Les Papillons et autres insectes, petits cuivres appartenant au Fitzwilliam Museum à Cambridge sont à ce titre révélateurs de son talent : sur fond clair, blanc-gris ou crème, à la manière des feuilles d’études, Van Kessel reproduit avec une dextérité digne d’un miniaturiste les moindres pattes, les plus petites antennes des insectes, en utilisant une palette chatoyante. Rose, bleu, vert, jaune viennent animer ces compositions dans lesquelles l’artiste place délicatement, au centre, une branche de cerisier, la fleur d’un pommier ou d’extraordinaires coquillages, traités comme de véritables merveilles de la nature.

La précision dont il fait preuve démontre d’un sens de l’observation poussé, d’une approche presque scientifique, que l’on ne retrouve pourtant pas de manière constante dans son œuvre.
Les naturalia, insectes, plantes ou coquillages semblent l’avoir particulièrement passionné, puisque c’est dans ces représentations que son travail est le plus abouti. Le peintre s’est très vraisemblablement inspiré d’un certain nombre d’encyclopédies répertoriant les spécimens d’histoire naturelle (visuel ci-dessous), comme l’immense œuvre de Conrad Gessner (1516-1565), Historia animalium.

Van Kessel s’est illustré dans la représentation des Quatre parties du monde, impressionnantes séries de tableaux sur cuivre, composées de quatre panneaux centraux, sur lesquels une allégorie symbolise un continent. Pour les accompagner, le peintre réalise en outre des tableautins chargés de dresser un répertoire d’espèces animales ou végétales, réelles ou imaginaires, caractéristiques du territoire concerné. L’Alte Pinacothek de Munich conserve aujourd’hui la seule version complète. Le musée de Dijon possède quant à lui deux cuivres (visuel ci-dessous) qui sont directement inspirés des saynètes de l’Europe et de l’Afrique. Ces ensembles témoignent du goût affirmé de Jan van Kessel pour les compositions en pendants, puisqu’il s’est également distingué dans des sujets comme les Quatre Éléments. Ces scènes décoraient la façade des nombreux tiroirs des cabinets de curiosités, eux-mêmes chargés de conserver des objets de collection. À ce titre, elles sont en adéquation avec leur destination.

Artiste prolixe, il fut père de nombreux enfants, dont deux furent peintres, Jan II et Ferdinand. La confusion qui règne entre leurs productions est aujourd’hui toujours d’actualité, les fils ayant repris les compositions de leur père.



Frans SNYDERS (1579-1657) « Le » peintre animalier du 17e siècle

Frans Snyders, Le lion mort, huile sur toile, Bordeaux, Musée des Beaux-Arts © L.Gauthier

Frans Snyders, Le lion mort, huile sur toile,
Bordeaux, Musée des Beaux-Arts © L.Gauthier

 

Peintre d’animaux, de scènes de chasse et de natures mortes, Frans Snyders joue un rôle déterminant dans l’évolution de la peinture animalière au XVIIe siècle.

Artiste prolixe, il aborde tous les angles possibles qu’offre le genre ; à partir de motifs récurrents, il varie les compositions. Il collabore avec les plus grands peintres de son temps. De 1608 à 1609, il est à Rome et est hébergé par Jan Brueghel l’Ancien qui le présente à son mécène Federico Borromeo.

Durant toute sa vie, il entretient des liens artistiques avec Rubens, unissant leur talent pour atteindre une intensité inégalée. Dans les scènes de chasse, si Snyders se réfère aux modèles rubéniens, il s’en éloigne par une simplification des compositions.

Le sujet le plus représenté dans son œuvre est sans conteste les scènes de marché qu’il innove avec d’opulents étals de fruits, de légumes, de viandes et de poissons. La variété des espèces animales et végétales glorifie la puissance et la richesse de la cité scaldienne.

Les gibiers, sangliers, cerfs, chevreuils, produits de la chasse à courre rehaussent le caractère prestigieux de ces natures mortes. Si la biche évidée, posée négligemment sur la table ou suspendue verticalement, les têtes de sanglier et les poissons visqueux s’avèrent repoussants, Snyders utilise la palette pour estomper les aspérités et tensions.

La touche est ample, nerveuse, rapide. Il sait aussi bien suggérer la fragilité d’une feuille, le velouté d’un raisin ou encore le pelage dense et ras du sanglier. Il est probablement le premier peintre animalier qui développe ce sens de la matière.

Rubens dira de Snyders qu’il excellait dans la représentation des animaux morts minimisant ainsi ses capacités à exprimer mouvement et dynamisme. Or, son œuvre extrêmement variée montre une recherche constante de repousser les limites.
Il tente d’apporter un nouveau souffle aux scènes de chasse, certes moins dynamiques que chez Rubens, mais c’est surtout grâce à ses fables qu’il trouve une nouvelle voie, voie qui lui assurera aussi le succès. Il n’a alors de cesse de dépasser la simple représentation et, par le biais de l’animal, il emporte le spectateur dans un univers peuplé d’histoires.

Le XVIIe siècle pousse à une certaine forme d’intellectualisation de la peinture flamande et Snyders n’échappe pas à cette tendance. Le pictor doctus se doit de maîtriser les auteurs antiques et d’être ouvert sur le monde. Avec les Concerts des oiseaux, il transcende la fable d’Ésope en une satire politique (visuel ci-dessous). Il puise aussi son inspiration dans les gravures de Marcus Gheeraerts illustrant les poèmes d’Eduard de Dene.
De là naît l’énigmatique Lion mort du musée de Bordeaux qui nous confronte à une morale implacable : le pouvoir est fragile et même les plus puissants peuvent basculer à tout moment au bas de l’échelle sociale. Snyders émancipe totalement la peinture animalière qui sous son pinceau se conjugue au pluriel tant les sujets peuvent être multiples.

Jan FYT(1611-1661) Audace et modernité

 

Jan Fyt, Nature morte avec un lièvre et gibiers à plumes, 1644, huile sur bois, collection privée
Jan Fyt, Nature morte avec un lièvre et gibiers à plumes,
1644, huile sur bois, collection privée

Apprenti chez H. van den Berch en 1621, Jan Fyt entre ensuite dans l’atelier de Snyders.
Très rapidement, au retour de ses voyages en Italie et aux Pays- Bas, soit aux environs de 1641, il impose son style et s’éloigne des scènes d’étalage de Snyders. Il s’investit un registre bien particulier qu’il fait sien : le trophée de chasse.

Le gibier mort, souvent un lièvre ou un lapin, est mis en scène dans une composition plus intimiste dans laquelle les oiseaux, eux aussi morts, introduisent par leur plumage des touches colorées savamment disposées. Une petite goutte de sang apparaît au niveau du museau, rien de plus. La mort est avant tout suggérée par l’abandon du corps comme dans Un loup mort du musée d’Édimbourg.

La compassion est écartée au profit de l’esthétisme.
Subtilité et équilibre sont les maîtres-mots de ses compositions. Une tête de chien ou un chat surgit à la limite de l’espace pictural ou à l’arrière-plan derrière un arbre ou un buisson, introduisant une sensation de mouvement et renforçant l’intérêt du trophée par la convoitise.
Fyt excelle dans ce genre de représentations. Il parvient à donner la sensation de la matière au pelage et au plumage comme nul autre.

La touche est libre et vibrante. La palette subtile de beiges, de bruns et de verts rehaussés de touches aux tonalités plus chaudes crée une atmosphère empreinte de sérénité. La lumière traitée à la manière du Caravage par de puissants contrastes participe à la mise en scène. Les amples drapés qui ferment la perspective tel un décor de théâtre n’ont pour but que de créer un écrin pour le trophée. Le paysage est lui aussi souvent occulté, parfois même est-il réduit à sa plus simple expression et à une abstraction des formes. Fyt joue d’ailleurs avec cet aspect minimaliste et irréel disposant ses oiseaux sur des arêtes virtuelles de manière à faire basculer leur tête en un angle quasi droit vers le spectateur. En ce sens, il est sans conteste le peintre animalier le plus moderne du XVIIe siècle.

L’intérêt de Jan Fyt se porte avant tout sur des animaux de contrées européennes et non sur des animaux exotiques. Poules, paons, renards, sangliers et chiens de chasse, tels les épagneuls, peuplent son univers. Son attention se concentre non seulement sur le respect des règles anatomiques, mais aussi sur l’expressivité de l’animal. Les dessins autographes répertoriés montrent dans la plupart des cas un trait d’une précision et d’une finesse extrêmes figeant l’animal dans une pose. Ce traitement minutieux peut s’expliquer par le fait que Jan Fyt s’exerçait aussi à la gravure. Ses premières estampes éditées en 1642 dans lesquelles les chiens sont les sujets principaux sont de pures créations et non des reprises de ses compositions peintes.
Jan Fyt, grâce à une touche enlevée, a énormément produit. On répertorie plus de deux cents œuvres dont soixante-treize sont signées et datées. Il eut une influence considérable de son vivant sur Peeter Boel, puis sur la peinture française avec Chardin et Desportes.

Paul DE VOS (1591/1592 -1678) Un peintre injustement déprécié

Paul de Vos, Deux jeunes phoques sur un rivage, huile sur toile, Besançon, musée des Beaux-© Photo Charles Choffet

Paul de Vos, Deux jeunes phoques sur un rivage,
huile sur toile, Besançon, musée des Beaux-© Photo Charles Choffet


Paul de Vos est un artiste qui s’est entièrement consacré à la peinture animalière avec une prédilection pour les compositions magistrales où la puissance animale est souvent portée à son paroxysme.
Expression de l’âpreté des combats, la violence est exacerbée et entre parfaitement en résonance avec le mouvement baroque où la fougue et la tragédie sont de mise.

La férocité des prédateurs exalte leur bravoure, valeur chevaleresque par excellence. Destinées à orner les grandes demeures ou les bâtiments civils, les scènes de chasse requièrent un format imposant afin d’augmenter l’impact émotionnel.

Si certaines scènes peuvent paraître repoussantes par leur agressivité affirmée – comme c’est souvent le cas dans ce genre de représentations – les prestigieuses chasses de gibier et de fauves séduisent les nobles et les bourgeois qui les considèrent comme une pratique digne de leur statut.
La reconnaissance et la consécration sont rapidement atteintes : dans les années 1637-1638, Rubens lui confie plusieurs tableaux qui font partie du vaste programme destiné à décorer le pavillon de chasse de la Torre della Parada en Espagne.

Plusieurs de ses œuvres s’inscrivent dans la continuité de Frans Snyders. Leur collaboration étroite à partir de 1611, leurs liens familiaux (ils sont beaux-frères) tissent des affinités artistiques évidentes et génèrent par là-même des problématiques d’attribution. Le carnet de dessins conservé au Rijksmuseum montre que Paul de Vos s’est exercé à reproduire des compositions entières ou des détails de Snyders, probablement quand il fréquentait son atelier au début de sa carrière.

Si le corpus des tableaux signés est restreint, il y a fort à parier que des compositions aujourd’hui attribuées à Snyders pourraient être en fait de la main de Paul de Vos.

La distinction entre les deux peintres est, certes, ténue, mais ils se démarquent par une approche différente de l’anatomie des animaux.

Dans les scènes de chasse, Snyders mise sur la violence qu’il suggère par la tension des muscles particulièrement dessinés. L’intention de De Vos semble tout autre : il se focalise davantage sur la robustesse des corps d’où les formes massives. Dans cet élan emphatique, il pousse jusqu’à la déformation, ce qui rend parfois la représentation invraisemblable. Il s’éloigne stylistiquement de ses contemporains, justement par des corps plus massifs, plus volumineux, qui lui permettent d’imposer la bestialité et la supériorité des prédateurs. Sa facture nerveuse se fait plus lisse pour le rendu des plumes et des poils qui sont appréhendés comme un tout.

Le velouté de sa touche s’exprime avec éclat dans les Deux jeunes phoques sur un rivage du musée des Beaux-Arts de Besançon. La férocité laisse place à la douceur. Œuvre surprenante qui sort du registre de De Vos, elle séduit par le caractère attendrissant des deux mammifères marins et par leur pelage luisant presque soyeux.

Peeter BOEL (1622-1674) Dans la lignée de Jan Fyt
La redécouverte de ce peintre est relativement récente, puisque le nom de « Boel » ne ressort qu’à partir des années 1960. Avant cela, nombreuses de ses oeuvres furent données à d’autres artistes.
Son père, Jan Boel (1592- 1640), est graveur, éditeur et marchand d’art.

Selon des sources de l’époque (Félibien et Cornelis de Bie), il aurait été l’élève de Frans Snyders et de Jan Fyt. Sa parenté avec ce dernier est d’ailleurs évidente dans plusieurs toiles, ce qui a entraîné des confusions d’attribution.

Entre 1647 et 1649, il aurait séjourné en Italie, notamment à Gênes, où il trouve une inspiration fondamentale dans le corpus de Benedetto Castiglione, peintre animalier avec qui on l’a également souvent confondu.

Sa présence à Anvers est de nouveau attestée en 1650, où il est reçu franc-maître dans la guilde de Saint- Luc. À partir de 1668, il s’établit définitivement à Paris où il travaille aux Gobelins, sous les ordres de Charles le Brun pour le roi Louis XIV. Son nom apparaît en octobre 1669 dans les Comptes des Bâtiments du Roi : l’artiste est alors chargé de peindre des études d’animaux destinées à servir de modèles pour les cartons de tapisserie, notamment pour la célèbre série des Mois ou des Maisons royales.

Entre 1669 et 1671, il réalise plus de quatre cents croquis et peint quatre-vingt-six peintures représentant uniquement des études d’animaux, qu’il exécute d’après nature, au sein de la ménagerie de Versailles. Dans ses tableaux, on décèle un grand sens de la mise en scène. C’est le cas par exemple de la Nature morte du musée de Dieppe (visuel ci-dessous), où les poissons sont disposés non pas pêle-mêle – comme cela pourrait en donner l’impression – mais dans une construction pensée, qui occupe tout l’espace et met en valeur les formes et les matières. On retrouve ce même intérêt pour l’ordonnancement dans la Nature morte de chasse avec un cygne de Rotterdam, où la silhouette imposante du volatile mort est l’élément central d’une structuration pyramidale. Le peintre joue avec les matières, en ajoutant parmi les animaux des objets, plats ou bassines dans le tableau de Dieppe, cor de chasse ou trébuchet dans l’œuvre de Rotterdam. La palette utilisée pour représenter du bois ou métal contrebalance les teintes des plumages, écailles ou pelages des animaux. Boel est un virtuose de la couleur, qu’il manie avec subtilité, permettant de créer des effets de matières saisissants.

Sa maîtrise de la composition et de la couleur va de pair avec un grand sens du détail dans la représentation des animaux. Le nombre important d’études aujourd’hui conservées témoigne d’un travail acharné, certainement la plupart du temps directement devant le modèle vivant qu’il a loisir d’admirer dans la ménagerie de Louis XIV. Exotiques ou provenant de nos contrées, à plume ou à poil, du simple canard au lion majestueux, tous font l’objet de dessins. Comme l’avait fait avant lui Jan Brueghel l’Ancien, l’artiste croque la plupart du temps les animaux dans différentes positions, afin de les étudier sous tous les angles, comme c’est le cas par exemple dans l’Étude d’après un singe ou les Dix-sept études de différents chiens appartenant au musée du Louvre.
Peeter Boel francisa son nom sous la forme de « Boule », bien qu’il n’ait pourtant passé qu’une partie minime de sa carrière en France. Ses œuvres, par leur style, le rendu des matières et des détails sont caractéristiques de la peinture flamande.

Pierre-Paul RUBENS (1611-1661)

Pierre-Paul Rubens Esquisse d'un cheval blanc cabré avec cavalier Huile sur bois Cabinet Jan Fyt Audenarde

Pierre-Paul Rubens
Esquisse d'un cheval blanc cabré avec cavalier
Huile sur bois
Cabinet Jan Fyt
Audenarde


Un peintre animalier hors pair !
Rubens est sans conteste l’un des plus grands peintres du 17e siècle ! Son nom à lui seul illustre toute la fougue et l’opulence du mouvement baroque.

À la tête d’un atelier très productif, il répond à de nombreuses commandes dans des genres très variés : des compositions historiques, mythologiques, des paysages ou encore des portraits.
Certes, il s’adjoint, parfois, la compétence de Paul de Vos ou de Frans Snyders pour la réalisation des animaux mais dès qu’il traite ce sujet, il parvient à le transcender par sa touche incomparable.
Dans l’Esquisse d’un cheval cabré avec cavalier, Rubens manie avec aisance les règles de perspective : vu de dos, en plein mouvement, le corps du cheval est figuré dans un raccourci audacieux. Cette étude, dont le caractère inachevé se perçoit dans le traitement ébauché du cavalier, servira plusieurs fois de modèle pour ses compositions comme pour La Chasse au loup et au renard du Metropolitan Museum of Art de New York, peinte vers 1616. L’innovation est telle que le motif du cheval cabré sera aussi repris par les peintres de son époque !


Musée de Flandre
26, Grand’Place - BP 38
59 670 CASSEL FRANCE Téléphone : 00 33(0) 3.59.73.45.59 Fax : 00 33(0) 3.59.73.45.71
Email : museedeflandre@lenord.fr
HORAIRES D’OUVERTURE
Du mardi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h ; le samedi et le dimanche de 10h à 18h
Fermeture les lundis et jours fériés (1er janvier, 1er mai et 25 décembre)

RÉSERVATIONS
Tél : + 33 (0)3 59 73 45 59 - Fax : + 33 (0)3 59 73 45 71 reservations.museedeflandre@lenord.fr
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Le musée de Flandre se situe sur la Grand Place de Cassel à 40mn de Lille et 35mn de Dunkerque en voiture. Accès par l’autoroute A25

À 2h30 de Paris : TGV Paris-Hazebrouck puis navette par car le dimanche et les jours fériés.