Fondation Maeght : Lee Bae - Plus de lumière

24 mars - 17 juin 2018

Au printemps, du 24 mars au 17 juin, l’artiste coréen Lee Bae investira la Fondation Maeght pour y présenter des peintures, des sculptures et des installations épurées, spécialement conçues pour l’espace architectural et la lumière de la fondation.
Lee Bae dans son atelier parisien en 2016. Photo © KIM Mia

 

Au printemps, du 24 mars au 17 juin, l’artiste coréen Lee Bae investira la Fondation Maeght pour y présenter des peintures, des sculptures et des installations épurées, spécialement conçues pour l’espace architectural et la lumière de la fondation.

Sous le commissariat du critique d’art Henri-François Debailleux, cette exposition met en lumière une œuvre construite autour de mélanges très subtils hérités d’un art abstrait occidental comme de l’arte povera, avec les codes et les pratiques artistiques traditionnels de la culture coréenne. Ainsi chez Lee Bae, l’idée de nature est présente à la fois grâce au feu, au charbon de bois mais également grâce à la symbolique et à l’immatériel du noir. L’artiste aime rappeler que les bois brûlés, le charbon dont il se sert, naissent de la main de l’homme et de sa capacité à transformer cette matière naturelle.

Les formes noires, les matériaux, les fonds blancs, la lumière et l’ombre, la densité et la transparence sont un vocabulaire que l’artiste utilise depuis le début de sa carrière pour révéler un environnement et un paysage intérieur où les formes, l’espace et les éléments sont l’expression philosophique, poétique d’une relation au monde. Entre formes et matériaux, temporalité et surgissement du geste, d’une attitude entre corps et nature, tout dans l’œuvre de Lee Bae est l’expression de la vitalité, de la force et de l’énergie.

L’univers pictural et abstrait de Lee Bae se concentre sur le seul pouvoir évocateur qu’est le matériau. Il créé dans une alchimie parfaite un équilibre essentiel entre le noir profond du charbon de bois pour ses formes abstraites, et la couleur laiteuse obtenue grâce à la résine et des couches successives de médium acrylique, extrêmement lisses, qui forment la vraie peau de ses tableaux. Ces lignes gracieuses sont comme des ombres en apesanteur; sans références, elles sont des images mentales que l'artiste répète sur la toile de façon méthodique pour leur donner vie et révéler ce contraste saisissant entre force et légèreté. Cette forme abstraite se suffit à elle-même sans aspect anecdotique ou narratif. Elle montre sa vraie nature, son essence, offrant à sa peinture une zone d’énergie, de pureté et de spiritualité.

ENTRETIEN AVEC LEE BAE
Propos recueillis par Henri-François Debailleux, commissaire de l’exposition.

Comment avez-vous conçu cette exposition à la Fondation Maeght?
Il ne s’agit pas d’une rétrospective même si les œuvres sont datées de 1990 à aujourd’hui. Au travers des sculptures, des installations, des peintures et des dessins présentés, j’ai simplement voulu montrer mon cheminement, l’évolution de mon travail. J’ai joué aussi bien avec les salles à l’intérieur de la Fondation qu’avec l’espace extérieur. J’ai ainsi installé dans la cour huit grandes pièces de charbon de bois, attachées avec des élastiques, que j’ai disposées comme s’il s’agissait d’un alignement de menhirs à Carnac. J’ai fait venir mes fagots de Chung-Do, où je suis né, près de Daegu en Corée du sud. Leur carbonisation a été réalisée en montagne dans un ancien four en forme d’igloo, construit en argile. Ils ont été brûlés pendant quinze jours à une température d’environ mille degrés, comme une cuisson de céramique, puis refroidis pendant quinze jours également. Soit un mois au total. Je les ai faits en Corée, je les apporte ici comme une rencontre entre les pins de Saint-Paul et les pins coréens. J’aime cette idée du déplacement, du voyage qui correspond à ma façon de penser et à mon mode de vie depuis maintenant presque trente ans avec mes allers et retours réguliers entre la France et mon pays d’origine.

Vous évoquez le charbon de bois qui occupe une place prépondérante dans votre travail. Qu’est-ce qui, au départ, vous a conduit à choisir ce matériau ?
Lorsque je suis arrivé à Paris en février 1990, j’ai trouvé un atelier à Pantin dans une ancienne usine de la Seita. Pour peindre, je suis allé acheter du matériel dans des magasins spécialisés et là, j’ai été très surpris par les prix. J’avais peu de moyens  financiers et pour moi c’était horriblement cher, notamment les couleurs. J’ai beaucoup hésité et près de mon atelier, il y avait un entrepôt de bricolage et de matériaux de construction où j’ai trouvé des sacs de charbon de bois pour les barbecues... Je ne sais pas pourquoi, j’ai acheté un de ces sacs. Et je me suis alors souvenu que lorsque j’étais étudiant aux Beaux-Arts à Séoul, j’avais commencé avec des fusains et que c’était la même matière. Je me suis aussi tout de suite rendu compte qu’avec un sac, je pouvais travailler une semaine, ce qui était économique. J’en étais très content parce que cela me permettait de ne pas me limiter, de ne pas me freiner à cause du coût des matériaux. Dans un premier temps, j’ai utilisé ce charbon de bois comme du fusain. Et puis, petit à petit, en avançant dans mon travail, j’ai acheté un médium acrylique semi- transparent pour la  fixation, ce même medium que j’utilise d’ailleurs aujourd’hui dans mes tableaux. Je trempais le charbon dedans et quand je dessinais, ça se collait tout seul. Je frottais beaucoup et la poudre de charbon chargeait la toile, ce qui donnait des reliefs de matière intéressants.

Par la suite, vous êtes resté très lié au charbon de bois, et même encore aujourd’hui pour vos sculptures et installations. Comment expliquez-vous cet attachement ?
En commençant à travailler avec le charbon de bois, j’ai tout de suite eu conscience qu’il était très lié à ma propre culture et à ce moment-là, j’avais besoin de garder un lien fort avec mes origines, comme tout artiste inconnu débarquant dans une ville qu’il ne connaît pas et dont il ne parle pas la langue, qui plus est, en venant d’Extrême-Orient. Je me sentais étranger, très loin de chez moi, et le charbon de bois me permettait de retrouver l’univers de l’encre de Chine, de la calligraphie, l’ambiance de la construction des maisons que j’avais connue enfant. Dans la tradition coréenne en effet, lorsque l’on creuse des fondations, le charbon de bois est la première chose qu’on dispose, notamment pour protéger contre l’humidité, les insectes, etc. De même, lorsqu’un enfant naît, on le signale à la porte en accrochant du charbon de bois à une corde. Il est également au centre de cette cérémonie de feu « La maison de la lune brûlée », qui à l’occasion de la première pleine lune de janvier, voit les villageois construire un monticule, comme une maison de 20 à 25 mètres de hauteur, avec des troncs de pins. Les différents membres de chaque famille y accrochent leurs vœux écrits sur des bouts de papier de chine, puis mettent le feu à l’ensemble. Ce charbon de bois, symboliquement fort, m’était par conséquent familier. Il me permettait de garder le lien avec mon passé. Il s’agissait à la fois d’un rapport économique, conjoncturel et culturel. Par la suite, c’est ce dernier aspect, culturel, qui m’a conduit à continuer à travailler avec lui, alors que j’aurais pu utiliser du plâtre ou du métal. Mais j’ai eu envie de poursuivre avec le charbon qui encore aujourd’hui m’importe beaucoup et me permet de conjuguer mes origines au monde occidental, de montrer que ce qui pouvait paraître comme singulier est universel et que la symbolique du charbon est lisible partout dans le monde. Avec bien évidemment, en plus, les formidables qualités et possibilités plastiques, esthétiques, qu’offre le charbon de bois.

Comment avez-vous abordé la Fondation Maeght ?
Je la connais depuis longtemps. Là, je suis venu à plusieurs reprises, avec un œil forcément différent pour préparer cette exposition, et chaque fois, la Fondation Maeght me fait penser à un monastère. De la même manière que devant les temples coréens il y a toujours une grande statue pour combattre le diable, il y a ici dans le jardin les sculptures de Miró, qui sont comme des signes, des icônes. Comme si le gardien de la Fondation était Miró. Ce lieu consacré à la création, à l’art, à sa présentation est aussi pour moi un endroit de recueillement. J’avais vu un jour une sculpture de Giacometti à côté du MoMa. Les gens vivaient autour, ils travaillaient dans le quartier, ils circulaient à toute vitesse autour d’elle, pressés, stressés. J’avais ressenti une forme d’agressivité, soulignée par la touche, la façon dont la matière est travaillée au couteau. Lorsque j’ai vu pour la première fois la sculpture de la Fondation Maeght, j’ai eu la sensation inverse, celle d’un apaisement, d’une grande spiritualité, d’une grande présence comme celle d’un moine dans un monastère. Il y avait là un recueillement, comme lors d’une prière, et beaucoup plus de simplicité et de sensibilité qu’à New York. Le dialogue était totalement différent et c’est bien le lieu qui insufflait cette impression et qui modifiait ma perception.

Vous avez dit un jour que son architecture vous faisait également penser à un monastère...
Oui et notamment la forme des toits, avec les bords recourbés, me rappelle celle des temples avec leur toiture qui remonte et semble se redresser vers le ciel. La comparaison m’a toujours frappé. La circulation de la lumière aussi me fait penser à celle d’un monastère. En n, il y a le cadre, l’environnement, très similaire. De la même manière que la Fondation est entourée de pins, il y a presque toujours une forêt de pins devant un temple. En plus c’est un bois très parfumé, sous lequel pousse, en Corée comme en France, un champignon, le « champignon de pin », qui a un goût exquis.

1956 Naissance de Lee Bae à Chung-Do en Corée du Sud. Birth of Lee Bae in Chung-Do, South Korea.
1979 Etudes au Department of Fine Arts à l’Université de Hongik à Séoul. Studies at the Department of Fine Arts at the University of Hongik in Seoul.
1990 Arrivée à Paris où il commence à vivre et travailler. Arrives in Paris where he begins to live and work.
1991 Première exposition personnelle en France. First solo exhibition in France.
2000 Reçoit le prix d’artiste de l’année du National Museum of Modern and Contemporary Art à Gwacheon près de Séoul.
Receives the Artist of the Year award from the National Museum of Modern and Contemporary Art in Gwacheon near Seoul.
2004 Présentation à la FIAC par la Galerie Ci-Cong. Presentation at the FIAC by the Galerie Ci-Cong.
2009 Reçoit le prix d’artiste de l’année du Centre culturel coréen à Paris. Receives the Artist of the Year award from the Korean Cultural Center in Paris.
2011 Expositions personnelles au Musée Guimet à Paris et au Musée d’art moderne de Saint-Étienne.
Solo exhibitions at the Musée Guimet in Paris and the Musée d'art modern in Saint-Étienne.
2014 Expositions personnelles au Daegu Art Museum en Corée du Sud et à la Fondation Fernet-Branca à Saint-Louis en France.
Solo exhibitions at the Daegu Art Museum in South Korea and the Fernet- Branca Foundation in St. Louis, France.
2016 Expositions personnelles au Domaine de Kerguéhennec à Bignan, au Château de Chaumont-sur-Loire et au Musée des Beaux-Arts de Vannes.
Solo exhibitions at the Domaine de Kerguéhennec in Bignan, the Château de Chaumont-sur-Loire and the Musée des Beaux-Arts in Vannes.
2018 Expositions personnelles « Plus de lumière » à la Fondation Maeght et « Black Mapping » à la galerie Perrotin à Paris.
Solo exhibitions "Plus de lumière" at the Maeght Foundation and "Black Mapping" at Perrotin in Paris.

À PROPOS DE LEE BAE
Né en 1956 à Chung-Do en Corée de Sud, Lee Bae est l’un des plus grands artistes coréens de notre époque. Il vit et travaille aujourd’hui à Paris. De réputation internationale, son œuvre est présentée en Corée (Musée d’Art moderne de Séoul, Musée de Daegu, Busan), en Chine, aux États-Unis ou en Europe. Il a notamment exposé à titre personnel en France au Musée Guimet à Paris (2011 et 2015), au Musée d’Art moderne et contemporain de Saint-Étienne (2011), à la Fondation Fernet-Branca à Saint-Louis (2014), au Domaine de Kerguéhennec à Bignan (2016) et au Château de Chaumont-sur-Loire (2016). On peut voir également son œuvre, à travers le monde, dans différentes galeries comme la Galerie Hyundai (Séoul, Corée du Sud), la Galerie Johyun (Busan, Corée du Sud), Holly Hunt, White Box Gallery (New York), et en France à la Galerie RX et la galerie Perrotin.

Les œuvres de Lee Bae sont présentes dans d’importantes collections publiques et privées: en Corée du Sud au National Museum of Contemporary Art (MMCA) à Gwacheon, au Seoul Museum of Art et au Leeum-Samsung Museum of Art à Seoul, mais également en France au Fonds National d’Art Contemporain, au Centre national des arts plastiques (CNAP), au Musée d’art moderne de Saint-Étienne, à la Fondation Colas, à la Fondation Carmignac.

Fondation Maeght
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