Exposition MANON

 
EXPOSITION DU 9 MAI AU 18 JUILLET 2021

 

Depuis le milieu des années 1970, l’artiste suisse Manon (*1940, vit et travaille à Zurich) ne cesse d’interpeller par son sens radical de la performance, de la mise en scène et de l’installation. De manière subversive, elle aborde la transformation sociétale, le féminisme et la révolution sexuelle, s’inscrivant ainsi dans le débat actuel sur les relations de domination ou les notions d’identité et de genre.

 

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Manon, Elektrokardiogramm 303/304,série photographique, 1979. Courtesy de l’artiste.

 

 
Ses séries de photographie ou photo-performances tracent la création et transformation de son personnage — Manon. Elle se/le décline, allant de corps sexualisé, figure androgyne et jeu de travestie (La dame au crâne rasé, 1977–78 ou Elektrokardiogramm 303 / 304, 1979), à des portraits plus récents où transpercent fragilité, âge et maladie (Borderline, 2007 ou Hôtel Dolores, 2008). Dès sa toute première œuvre Le boudoir rose saumon (1974) s’instaure cette ambiguïté entre l’intime et sa théâtralisation, le vécu et l’artifice. Cet univers bondé de bibelots, de parures, d’objets fétiche, explosion d’une hyperféminité luxuriante, était sa chambre à coucher personnelle.

Très tôt, Manon développe aussi une pratique de performances installatives : des environnements immersifs ou des scenarii voyeuristes, excluants. Les relations de pouvoir homme-femme, l’exhibitionnisme et le renversement de rôles constituent leur point de départ. Ainsi s’enferme-t-elle avec les visiteur. euse.s des échanges de regard en face à face, devient femme dangereuse captive enchainée, ou encore expose six hommes comme des objets de désir dans une vitrine.

 

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Manon, La dame au crâne rasé, série photographique, 1977-78. Courtesy de l’artiste.

 


« En me rasant la tête, j’ai voulu, à un certain moment de ma vie,
marquer une césure.
J’ai essayé par là de reformuler des transformations intérieures.
Travailler avec mon propre corps (plutôt qu’avec une toile ou du son)
me semblait aller de soi. J’ai essayé de tisser dans les images le
caractère androgyne de cette figure maquillée mais chauve.
Ce qui m’intéressait tout particulièrement, c’était l’aspect surréel,
ainsi qu’une certaine théâtralité dans la mise en scène qui me correspondait.
À cette époque, j’aurais préféré être hermaphrodite. Je me sentais à la fois
masculine et féminine : je voulais être coquette et enjouée, mais aussi stricte,
vigoureuse, forte, puissante. C’est comme ça que je voulais vivre,
et c’est comme ça aussi que je voulais être en apparence. »

 

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Manon, La dame au crâne rasé, série photographique, 1977-78. Courtesy de l’artiste.

 

Manon, qui s’est choisi son propre nom pour s’extirper du nom du père (ou du mari) participe de ce volet de la seconde vague du féminisme qui s’approprie le corps et la sexualité de manière performative. Elle use du déploiement de cette féminité exacerbée comme d’une stratégie féministe pour questionner les rôles et contraintes hétéro- normatives, interrogeant les positions d’objectification, de pouvoir et de regard.

Elle poursuit aujourd’hui ce travail existentiel à travers la photographie et la réalisation d’installations d’envergure, ainsi qu’une pratique d’écriture quotidienne.

 

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Manon, La dame au crâne rasé, série photographique, 1977-78. Courtesy de l’artiste.

 


À propos de Manon

Manon, de son vrai nom Rosmarie Küng, naît en 1940 à Berne et grandit à Saint-Gall. À l’âge de 15 ans, elle s’installe à l’hôtel et fréquente l’école d’arts appliqués de Saint-Gall. Elle travaille d’abord comme modèle, styliste, graphiste, décoratrice de vitrines, dessinatrice et créatrice de mode, avant de pratiquer la photographie au début des années 70. Elle explore l’autoportrait à partir de clichés de photomaton et l’auto-mise en scène glamour avec des décors élaborés qu’elle conçoit avec son mari Urs Lüthi, avec qui elle collabore notamment pour questionner l’androgynie et le travestissement. Parmi ses premières oeuvres photographiques, on trouve Polaroids (1973-1974) et Fetischbilder (Images fétiches, 1974) suivies de nombreuses séries qu’elle décrit comme photo- performance dont La dame au crâne rasé (1977/1978) dans laquelle, elle se construit une identité fluctuante alors qu’elle réside à Paris. La série Einst war sie MISS RIMINI (Elle fut jadis MISS RIMINI, 2003) poursuit son travail sur le thème de la construction identitaire tout comme Edgar (2006) où elle se glisse dans la peau d’un alter ego masculin. Avec les portraits grand format et colorés de la série Borderline (2007), l’artiste s’explore résolument elle-même. En 2008 Manon commence un nouveau cycle photographique intitulé Hotel Dolores composé de prises de vues de trois hôtels thermaux désaffectés à Baden ; elle en modifie les intérieurs pour en faire jaillir des histoires et les peupler de personnages qu’elle incarne. Depuis 2004 elle poursuit aussi une activité de photographies quotidiennes pour la série de Diaries, qui sonde l’espace personnel du vécu.

 

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Manon, Elektrokardiogramm 303/304,série photographique, 1979. Courtesy de l’artiste.

 

En parallèle de sa pratique photographique, Manon élabore des environnements immersifs qui donnent souvent lieu à des performances. Sa première installation Das lachsfarbene Boudoir (Le boudoir rose saumon, 1974) s’inspire de sa chambre sous les toits de la Augustinergasse à Zurich – petit univers rempli d’objets fétiches, de plumes et de tissus brillants. Son plus grand environnement à ce jour : Reise nach Siberien (Voyage en Sibérie, 2015) créé pour le Kunsthaus d’Interlaken où elle construit une chambre froide, une morgue, dans laquelle le public est saisi par un froid glacial. Dernièrement, début printemps 2018, elle conçoit Der Wachsaal (La salle d’observation) pour la galerie Last Tango.

 

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Manon, La dame au crâne rasé, série photographique, 1977-78. Courtesy de l’artiste.

 

C’est en 2008 que le Helmhaus de Zurich, présente la première exposition qui rassemble l’ensemble de son œuvre, elle est reprise un an plus tard au Swiss Institute de New York. La même année, l’artiste est récompensée par le Prix Meret Oppenheim et le Prix de la Fondation Fontana-Gränacher. Elle reçoit également en 2013 le Grand prix culturel de la Ville de Saint-Gall.

 

Manon travaille également avec des échantillons, citations d’œuvres d’art et d’histoire du cinéma, coupures de journaux. Sa pratique quotidienne de l’écriture, qui l’accompagne depuis longtemps, a été publié en extrait dans le livre Federn / Feathers en 2020.

Aujourd’hui, Manon vit et travaille à Zurich.