Expo - Paris : YUN HYONG-KEUN

7 janvier - 23 février 2023
108, rue Vieille du Temple
75003 Paris

 
 

Yun Hyong-keun, Burnt Umber, 1980.
Image: © Yun Seong-ryeol
 Courtesy David Zwirner and PKM Gallery, Seoul

 

David Zwirner a le plaisir d’annoncer une exposition de Yun Hyong-keun dans les espaces de la galerie à Paris. Les peintures et les œuvres, pour la plupart inédites, exécutées sur papier coréen traditionnel, dit  « hanji » (en fibres de mûrier à papier), ont été produites entre 1979 et 1984, période qui inclut le bref mais fondateur passage de l’artiste à Paris (1980-1982). Victime de répression politique dans son pays d’origine (Corée du Sud), Yun Hyong-keun vécut ce séjour comme un moment d’émancipation décisif, associant pour toujours la capitale française à une pleine liberté d’expression.  

À l’époque, plusieurs artistes, parmi lesquels Yun Hyong-keun, se confrontent aux traumatismes laissés par des années de domination japonaise, par la Guerre de Corée et, après celle-ci, par les régimes autoritaires au pouvoir en Corée du Sud. Pour sa part, Yun Hyong-keun est puni pour sa participation au mouvement étudiant de la fin des années 1940 au sein de l’Université nationale de Séoul, et brièvement incarcéré quelque temps plus tard, en 1956, en raison de ses convictions politiques et de ses activités militantes. En 1973, après s’être élevé publiquement contre la corruption qui gangrène alors le système scolaire sud-coréen, il est la cible de fausses accusations affirmant qu’il déroge aux très strictes lois anticommunistes de la dictature militaire  au pouvoir. Il est placé sur une liste noire par les autorités jusqu’en 1980, ce qui restreint beaucoup ses activités en Corée du Sud et l’encourage à exposer à l’étranger. En 1978, Yun Hyong-keun se rend à Paris pour présenter son travail lors de la 2e édition des Rencontres internationales d’art contemporain, dans les galeries nationales du Grand Palais. Deux ans plus tard, profondément révolté par la répression du soulèvement de Gwangju, en mai 1980, durant lesquels des centaines d’étudiants, de militants et de citoyens sont victimes de persécutions et assassinés pour avoir protesté contre le coup d’État et le gouvernement sous loi martiale du général Chun Doo-hwan, il décide de s'installer avec sa famille à Paris, en quête d’apaisement face aux violents troubles politiques que traverse son pays natal – lesquels finiront par déboucher sur la transformation de la Corée du Sud en démocratie.

Réfugié à Paris, Yun Hyong-keun trouve rapidement sa place parmi ses pairs et la communauté artistique de son temps, s’installant, après l’avoir rénové, dans un atelier ayant appartenu au peintre Camille Corot. Il fréquente les personnalités du monde de l’art français et international et se réunit régulièrement avec d’autres artistes coréens expatriés issus des mêmes milieux que lui, tels Chung Sang-Hwa, Kim Guiline ou Kim Tschang-yeul, ce dernier ayant, depuis Paris, contribué à faciliter l’arrivée de Yun Hyong-keun dans l’Hexagone. À cette époque, appliqué à développer un vocabulaire formel déjà maîtrisé, Yun Hyong-keun compose sur papier hanji des œuvres méditatives imprégnées d’une certaine inquiétude. Lorsque la nouvelle des massacres de Gwangju lui parvient, le choc de l’événement trouve naturellement sa place dans son travail pictural. Comme on peut l’observer dans les deux compositions de 1980, intitulées Burnt Umber, présentées dans cette exposition, les aplats monolithiques caractéristiques de ses toiles ne sont plus tout à fait verticaux : ils vacillent légèrement. Dans les œuvres sur papier hanji, les sombres piliers semblent subtilement penchés l’un vers l’autre, jusqu’à se frôler voire s’étayer, ou bien deviennent de doux rectangles rappelant des piscines, flottant à la surface diaphane de leur support si particulier. Très délicat et singulièrement absorbant, ce matériau spécifique à la Corée est en effet privilégié par Yun Hyong-keun pour son travail lors de son séjour parisien, sans égard pour la variété de papiers disponible dans les magasins français. S’il revient en Corée du Sud pour raisons familiales dès 1982, l’influence de cette période d’expatriation – bientôt combinée à un sentiment croissant de stabilité par rapport à son pays natal – peut se lire dans toute son œuvre picturale ultérieure.

Les compositions abstraites qui caractérisent l’œuvre de Yun Hyong-keun ont à la fois émulé et transcendé différents mouvements et traditions visuelles, venus aussi bien de l’Orient que de l’Occident, hissant l’artiste aux tout premiers rangs de l’art coréen du XXe siècle. Yun Hyong-keun est ainsi souvent considéré comme une figure de proue du mouvement Dansaekhwa (peinture monochrome) sous lequel est rassemblé un groupe d’artistes coréens influents des années 1960 et 1970, qui mettaient en avant la technique, les processus et l’expérimentation des propriétés physiques de la peinture. Dans son enfance, Yun Hyong-keun a pu observer son père pratiquer une forme de peinture traditionnelle coréenne réservée aux lettrés, et développer un goût précoce pour la calligraphie audacieuse de Kim Jeong-hui, fondateur du style chusa vers la fin de la période Joseon. L’influence de son mentor Kim Whanki, l’un des maîtres et pionniers de l’abstraction coréenne, est également décisive. Yun Hyong-keun a fusionné de manière unique les préoccupations formelles de ces différentes disciplines pour créer des œuvres sur toile – support encore relativement peu commun dans l’art coréen de son temps – qui prennent en compte les notions de matérialité et de temporalité. Au moyen d’une palette restreinte où dominent l’outremer et la terre de Sienne, Yun Hyong-keun créait ses compositions en appliquant sur un support de toile brute ou de lin une couche de peinture après l’autre, souvent sans laisser chacune sécher complètement. Utilisant la térébenthine comme solvant pour diluer les pigments, il pouvait faire pénétrer la couleur jusqu’au cœur des fibres de ses toiles, reproduisant ainsi l’effet de l’encre dans les œuvres traditionnelles sur papier hanji. Travaillant directement sur le sol de son atelier, Yun Hyong-keun produit des arrangements simples de bandes verticales intensément sombres entourées d’espaces immaculés. Le contraste entre forme et fond est évident, mais toujours nuancé par les contours tremblés des figures, obtenus grâce aux propriétés absorbantes inégales de l’huile et du solvant, et du fait du processus même de création se déroulant souvent sur plusieurs jours et même plusieurs mois, l’artiste ajoutant de nouvelles couches de pigment ou laissant celui-ci se diluer et s’estomper progressivement. 

Cette exposition personnelle sera la première de l’artiste à Paris depuis 2006, et la troisième avec David Zwirner depuis que la galerie a commencé, en 2016, à exposer les œuvres de Yun Hyong-keun. Elle est produite en étroite collaboration avec la PKM Gallery à Séoul, qui représente en premier lieu la succession de l’artiste. Un catalogue, publié par David Zwirner Books, accompagnera l’exposition. 

Yun Hyong-keun (1928-2007), né à Miwon dans la province du Chungcheong en Corée du Sud, a obtenu en 1957 une licence en beaux-arts à l'université Hongik de Séoul. 

Le travail de Yun Hyong-keun a fait l’objet d’expositions personnelles dans plusieurs institutions de premier plan à travers le monde, dont le Total Museum of Contemporary Art de Séoul (1994), le Stiftung für konkrete Kunst à Reutlingen en Allemagne (1997), l’Art Sonje Museum à Gyeongju en Corée du Sud (2001) et le musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg (2002). Parmi de nombreuses autres expositions personnelles, notons celles qui ont été tenues à la galerie Inkong à Séoul (1989), à la Locks Gallery à Philadelphie aux États-Unis (1991), à la galerie Humanité à Nagoya au Japon (1991-1992, reprise à la galerie Humanité à Tokyo, à la Suzukawa Gallery à Hiroshima et à la galerie Yamaguchi à Osaka), à la Galerie Jean Brolly à Paris (2002 et 2006), chez Blum & Poe à New York (2015), à la PKM Gallery à Séoul (2015, 2020 et 2021) et à l‘Axel Vervoordt Gallery à Wijnegem en Belgique (2021). En 2018, le musée national d’Art moderne et contemporain de Séoul a accueilli une rétrospective d’envergure sur l’œuvre de Yun Hyong-keun, reprise au Palazzo Fortuny à Venise (2019). Ses œuvres ont été sélectionnées pour la Biennale de São Paulo (1969 et 1975), la 46e Biennale de Venise (1995) et la Biennale de Gwangju (2000). 

Les œuvres de Yun Hyong-keun sont présentes dans les collections permanentes de plusieurs institutions de rang international, parmi lesquelles l’Art Institute of Chicago, la Chinati Foundation à Marfa au Texas, le Daegu Art Museum en Corée du Sud, le Fukuoka Art Museum au Japon, le musée Glenstone à Potomac dans le Maryland, le Leeum Museum of Art de Séoul, le musée M+ de Hong Kong, le musée national d’Art moderne et contemporain de Corée du Sud, le Museum of Art de Séoul, la Tate au Royaume-Uni et le Metropolitan Art Museum de Tokyo.

 

7 janvier - 23 février 2023
108, rue Vieille du Temple
75003 Paris