20 ème ANNIVERSAIRE DU GUGGENHEIM BILBAO / Reflections

En 2017, le Musée Guggenheim Bilbao célèbre son 20ème anniversaire, deux décennies après l’ouverture de ses portes au public le 19 octobre 1997. À l’époque, le projet qui faisait partie d’un ambitieux plan de régénération urbaine et économique conçu six ans auparavant, devenait ainsi réalité grâce au pari visionnaire des institutions basques, qui avaient su voir dans les plans d’expansion de la Fondation Solomon R. Guggenheim, la meilleure façon d’articuler cette volonté de régénération.

Dès sa conception même, le Musée Guggenheim Bilbao fut un projet exceptionnel, tant par son originalité que par sa vocation internationale et son ambition artistique et pédagogique.

Un projet exceptionnel
La mise en œuvre du concept original du musée s’articulait autours de plusieurs facteurs. En premier lieu, le fait d’appartenir à une constellation internationale de musées sous la prestigieuse marque « Guggenheim » était la garantie de pouvoir partager ressources et expertises, de consolider des alliances et de collaborer à l’organisation et à la présentation de grandes expositions en partenariat avec les plus importants musées au monde : Centre Georges Pompidou (Paris), Fondation Beyeler (Bâle), Royal Academy of Arts (Londres), Tate (Londres), Victoria and Albert Museum (Londres), Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais (Paris), San Francisco Museum of Modern Art, Los Angeles County Museum of Art ou Whitney Museum of American Art (New York), aux cotés, bien sûr, du soutien du Musée Guggenheim (New York) et de la Collection Peggy Guggenheim (Venise).
Par ailleurs, l’originalité du musée est liée à l’impulsion culturelle et artistique qu’il a apporté en intégrant l’art à la vie quotidienne des habitants de Bilbao et de sa région. En témoigne l’apparition de nouvelles institutions culturelles comme Azkuna Zentroa, BilbaoArte, le Musée maritime de la Ria de Bilbao, le centre de culture contemporaine Tabakalera de Saint-Sébastien, le Musée Artium de Vitoria. De plus, en contribuant à renforcer les institutions préexistantes à Bilbao comme le Musée des beaux-arts, le Museo de Reproducciones Artísticas ou la Salle Rekalde, le Musée Guggenheim a induit la création et la dynamisation d’une véritable offre culturelle pour la ville, ses habitants, les artistes et les visiteurs.

Une collection à l’image de l’ambition artistique du musée
Dès l’origine, l’une des grandes ambitions du Musée a été de bâtir une collection qui lui soit propre, dotée d’une approche et d’une identité originales, à même de pouvoir servir de complément aux fonds de la Fondation Guggenheim. Chronologiquement centrée sur l’art de la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à nos jours, cette collection compte actuellement 130 œuvres de 74 artistes.

Les caractéristiques de cette collection sont un engagement fort vis-à-vis des expressions artistiques les plus novatrices, une ambition d’ouverture et d’intégration, sans restriction liées à une technique, un médium ou un style, ainsi qu’une attention particulière portée au dialogue entre art européen et art américain.

Les catégories et les axes à partir desquels s’organise la collection sont au nombre de quatre. Le premier d’entre eux est constitué des chefs-d’œuvre et des pièces originales qui opèrent en tant que référents pour d’autres artistes et qui peuvent être considérés comme déterminants pour l’évolution de l’Histoire de l’art, tels Maman, 1999 de Louise Bourgeois ; Sans titre, 1951–52 de Mark Rothko ; Éclair illuminant un cerf, 1958–85 de Joseph Beuys, ou Villa Borghese, 1960, de Willem de Kooning.

Le deuxième axe vise à établir des focus sur des artistes contemporains, ce qui implique de réunir un corpus significatif d’œuvres de ces artistes de premier plan tels Anselm Kiefer, Jorge Oteiza ou Eduardo Chillida.

En troisième lieu, la collection se caractérise par son intérêt pour l’art basque et espagnol, avec l’achat de pièces représentatives de la trajectoire de créateurs comme Antonio Saura, Pablo Palazuelo, Cristina Iglesias et une importante représentation d’artistes basques émergents.

Finalement, le quatrième axe est constitué d’œuvres spécialement conçues pour les espaces du musée, comme c’est le cas pour La Matière du temps (2004) de Richard Serra, Installation pour Bilbao (1997) de Jenny Holzer, ou Arcs rouges de Daniel Buren, œuvre spécialement conçue pour le pont voisin de La Salve, que Frank Gehry avait déjà intégré dans le design architectural de l’édifice.

Une programmation placée sous le signe de la qualité et du dynamisme
Vingt ans après son inauguration, l’attractivité toujours aussi forte que le Musée Guggenheim Bilbao exerce chaque année sur un nombre de visiteurs trois fois égal à la population de Bilbao est le fruit de la richesse, de l’ambition et du dynamisme de sa programmation artistique. Tout au long de ces deux décennies, le musée a complètement transformé ses espaces pour faire vivre aux visiteurs des expériences uniques et originales à partir de ses expositions et de la présentation d’artistes de renommée internationale. Sa programmation, fondée sur la qualité et sans aucun type de limite géographique, recherche toujours l’originalité dans la présentation des œuvres tout en évitant les répétitions.

Les 163 expositions présentées depuis 1997 - 93 expositions temporaires et 70 présentations de la collection permanente soit un nouvel évènement toutes les six semaines environ - témoignent de l’ambition et du dynamisme du musée. La variété étant essentielle pour sensibiliser les publics les plus divers, le musée associe, à de grandes expositions thématiques – comme Chine : 5.000 ans - ou monographiques - comme Jean-Michel Basquiat, David Hockney, George Braque, Andy Warhol et Jeff Koons- d’autres expositions qui visent plus particulièrement mettre en lumière certains aspects

de l’Histoire de l’art et à compléter les premières – telles que Moving Pictures ; Perceptions en transformation ; La Collection Panza du Musée Guggenheim ou L’Intervalle lumineux. Les résultats d’un tel effort en matière de programmation se sont traduits par des records d’affluence, un tiers des expositions ayant dépassé les 500.000 visiteurs.

Relever le défi de l’éducation artistique
La dimension pédagogique est une autre des valeurs fondamentales qui président depuis son ouverture à l’activité du Musée Guggenheim Bilbao. Au fil des ans, cette volonté première d’agir en tant qu’instrument pour rapprocher le public de l’art moderne et contemporain n’a cessé de se renforcer.

Ainsi, au cours de ces 20 années, plus de neuf millions de personnes ont-elles pris part à un des programmes éducatifs qu’organise le Musée en vue d’aider les scolaires, les enseignants, les familles et le grand public en général, à mieux comprendre le contenu des expositions et les caractéristiques du bâtiment.

Rayonnement mondial et enracinement local
Dès l’origine, le Musée Guggenheim Bilbao a voulu se situer en tant que référence internationale en tant qu’institution muséale, et depuis 20 ans, il s’est toujours adressé, notamment par le biais de ses expositions temporaires, à une audience sans limites géographiques. Ainsi parvient-il à attirer deux tiers d’étrangers sur le million de visiteurs qu’il reçoit chaque année (1.169.404 en 2016). Neuf personnes sur dix viennent de l’extérieur du Pays basque, ce qui témoigne parfaitement de l’attrait réel d’un modèle qui vise une audience vaste et plurielle. La France est le pays d’où proviennent le plus de visiteurs étrangers (18% du total), avec la Grande-Bretagne en deuxième position (7% du total), suivie de l’Allemagne (6%), des États-Unis (6%) et de l’Italie (4%).

Bien que la majorité de ses visiteurs soit constituée d’étrangers, le Musée Guggenheim Bilbao est aussi le musée le plus visité au niveau local, pouvant ainsi se prévaloir d’un très solide enracinement auprès de son environnement immédiat. De plus, le musée dispose d’une association d’Amis qui compte de plus de 16.000 membres individuels, pour la plupart des locaux, figurant parmi les plus importantes en Europe. Avec un taux de renouvellement des adhésions d’environ 85%, elle se caractérise par une forte implication et participation de ses membres aux activités du musée.
Au-delà du soutien apporté par les Amis, le musée bénéficie également de celui de 120 membres institutionnels (entreprises, etc.). Grâce à l’apport économique, essentiel et selon différentes modalités, d’entreprises mécènes et grâce aux recettes engendrées par les visiteurs et au réseau d’Amis, le Musée s’autofinance à hauteur de 70% environ. Un tel percentage en fait un modèle de référence en matière de gestion au niveau européen tout en garantissant sa pérennité.

Un symbole de transformation économique, urbaine, sociale et culturelle
L’impressionnante et, pour beaucoup, surprenante contribution du Musée Guggenheim Bilbao au développement économique, culturel, urbain et architectural de son environnement a donné lieu à ce phénomène connu dans le monde entier sous le nom “d’effet Bilbao” ou “d’effet Guggenheim”. De toute évidence, la présence du Musée a produit d’extraordinaires retombées en termes de création de richesse pour son environnement en dynamisant le passage de l’industrie aux services dans un processus de métamorphose urbaine qui a servi de modèle aux villes du monde entier.

Le succès de l’opération de revitalisation urbaine dirigée par le musée a été rendu possible en raison du fait que celle-ci s’est toujours inscrite dans une stratégie et un plan d’action beaucoup plus vaste. Ainsi, l’emblématique bâtiment dessiné par Frank Gehry a été accompagné d’importantes interventions sur la ville confiées aux architectes les plus prestigieux - Norman Foster, Arata Isozaki, Rafael Moneo, César Pelli ou Santiago Calatrava - qui ont façonné ensemble le nouveau Bilbao. Un Bilbao du XXIe siècle qui, sans perdre de son authenticité a récupéré pour le loisir et la promenade une vaste zone dégradée autour d’une ria qui constitue aujourd’hui l’axe structurant de la ville, d’un grand attrait pour les locaux et les touristes.

Ce restyling urbain, joint à la “nouvelle réalité” d’avoir situé Bilbao sur la carte internationale des lieux à voir avec l’arrivée quotidienne de milliers de visiteurs de tous les continents, a eu pour conséquence de faire évoluer l’identité de la cité. Cette nouvelle dimension, contemporaine et cosmopolite, a ainsi contribué à renforcer l’estime de soi et la confiance de ses habitants.

La revitalisation économique
Le pari d’une restructuration urbaine fondée sur les industries culturelles a permis de diversifier les activités d’une ville plongée dans les années 80 dans une grave situation de dépression et de chômage, ce qui a permis de développer de nouvelles opportunités économiques et la création de valeur ajoutée.

Quantitativement parlant, l’impact du Musée sur l’activité économique du Pays basque peut se chiffrer en 485,3 millions d’euros en 2016 (soit pratiquement six fois l’investissement initial pour la mise en marche du musée), une contribution au PIB de 424,6 millions d’euros, des recettes fiscales supplémentaires de 65,8 millions d’euros (qui multiplient par sept l’investissement public qu’il reçoit annuellement) et la contribution au maintien de 9.086 emplois. Ces chiffres montrent bien le rôle actif que joue le musée dans l’économie du territoire où il s’insère.

Au-delà du succès en termes de visiteurs et d’impact économique, l’attrait et la fascination qu’exerce le musée se traduit par un rayonnement international non démenti et de premier ordre. Vingt ans après son ouverture, le musée maintient une visibilité dans les médias forte évaluée à environ de 30 millions d’euros annuels. Chaque année il se produit plus de 20.000 actualités relatives au musée et à sa programmation artistique dans la presse, la radio, la télévision ou sur l’Internet, pour une audience potentielle de 4.000 millions de personnes dans le monde entier, ce qui, à n’en pas douter, représente une excellente vitrine pour attirer de nouvelles visites.

SE RÉINVENTER POUR DEMAIN
Le musée aborde les 20 prochaines années avec optimisme et compte maintenir à l’avenir ses excellents résultats en capitalisant sur la solidité des paramètres actuels de sa réussite. Située au cœur d’une ville redynamisée et à l’économie revitalisée, et dont l’activité économique est beaucoup plus équilibrée qu’il y a 20 ans, l’institution bénéficie également de la maturité et de la consolidation issues de la réussite de son modèle de fonctionnement.

Mais avoir une vision optimiste de l’avenir n’exonère pas d’être attentifs aux nouveaux défis qui se font jour.

Au fur et à mesure que la société évolue, la définition même du terme culture s’élargit ainsi que les attentes du public vis-à-vis du rôle que doivent jouer les musées. Le public attend aujourd’hui des musées qu’ils soient plus participatifs et plus inclusifs pour ce qui est de leur expérience de visite, mais aussi en ce qui concerne la société en général.

Les musées sont en voie de se transformer en espaces sociaux où se produit un échange d’idées et de connaissances entre les professionnels et le public, mais aussi au sein du public en général. Et c’est avec une conscience aiguë de ce contexte que le musée se prépare à aborder les 20 prochaines années et à relever les défis qui se présentent à lui.

Une nouvelle approche artistique
Au bout de deux décennies d’existence, le musée mise sur le renouvellement de son approche par le biais d’une nouvelle stratégie de programmation et une présentation des contenus artistiques plus structurée et plus coordonnée. Tout d’abord, le musée a procédé à un profond réaménagement des espaces destinés à la présentation des œuvres en fonction du type d’exposition afin d’offrir au visiteur la meilleure expérience de visite possible. Ainsi, un parcours chronologique a été organisé en sens descendant à travers les différents niveaux du bâtiment.

Le troisième étage du musée accueille ainsi l’art actuel. C’est là que se situe la présentation permanente des fonds de la collection dont des œuvres clefs de l’art contemporain auxquelles le public souhaitait avoir accès. À l’avenir, la collection sera associée sur ce troisième niveau à diverses expositions temporaires thématiques plus classiques, comme Paris, fin de siècle : Signac, Redon, Toulouse-Lautrec et leurs contemporains, qui sera inaugurée en mai 2017 et qui abordera la scène artistique parisienne à travers les principales avant-gardes françaises de la fin du XIXe siècle.

Le deuxième niveau du musée sera le siège des grandes expositions temporaires, autrement dit des projets importants en termes de signification curatoriale et de rayonnement international, comme est le cas d’Expressionnisme abstrait, la manifestation actuelle organisée par la Royal Academy of Arts en collaboration avec le Musée Guggenheim Bilbao, qui prendra fin le 4 juin et qui présente des pièces de Jackson Pollock, Mark Rothko, Willem de Kooning, Robert Motherwell, David Smith ou Clyfford Still en provenance de collections publiques et privées du monde entier. La prochaine exposition qui sera présentée au deuxième niveau sera une ambitieuse rétrospective de Bill Viola, l’une des principales figures de l’art vidéo, qui ouvrira ses portes le 30 juin.

En dernier lieu, au premier niveau du musée sont exposées les œuvres emblématiques de l’art contemporain comme les installations in situ La Matière du temps de Richard Serra ou Installation pour Bilbao de Jenny Holzer. Entrent également dans cette catégorie les propositions de la salle Film & Vidéo, consacrée à l’art vidéo et aux installations vidéo, où vient d’être inauguré (Sans titre) Masque humain, (2014) de Pierre Huyghe, et qui en juillet prochain laissera place aux Invités de Ken Jacobs. La programmation de ce niveau sera complétée par les expositions temporaires de la grande salle 105 réservée à la création contemporaine qui accueillera notamment cette année Georg Baselitz. Les Héros, dont l’ouverture est prévue en juillet et David Hockney, 82 portraits et une nature morte au mois de novembre.

En définitive, une telle approche, innovante et coordonnée, permettra d’offrir une programmation de qualité capable d’attirer un nombre important et croissant de visiteurs. 2016 ayant été, après l’année inaugurale et grâce aux expositions d’Andy Warhol, Louise Bourgeois et Francis Bacon, une année record en termes de visites pour toute l’histoire du musée.

La mutation numérique
Dans le contexte de révolution technologique que connaît actuellement le monde, avec les nouvelles modalités de travail et de loisirs ainsi que l’accès généralisé, immédiat et pratiquement illimité à l’information grâce aux dispositifs mobiles, les institutions muséales ne peuvent qu’accompagner cette dynamique, et ce, d’autant plus que les Millennials, ces natifs de l’ère numérique hautement relationnels, seront le public de demain.

Une telle mutation impacte les musées dans la mesure où ils ne sont plus simplement des lieux de contemplation mais sont déjà en passe de devenir des espaces hybrides dans lesquels la technologie numérique fait partie de l’expérience du visiteur et en stimule la participation. Le Musée Guggenheim Bilbao étant à l’origine de la production de nombreux contenus de différents formats, il s’est donc engagé dans une profonde mutation numérique afin de produire de la connaissance et de la partager. Ayant intégré qu’au-delà de l’expérience physique de visite se développe un espace potentiel pour des expériences virtuelles, les équipes du musée se sont lancées dans la création d’une communauté en vue de partager contenus et conversations en dehors des espaces physique de celui-ci. Le projet, baptisé Community, qui verra le jour en mai 2017, constituera une nouvelle façon d’entrer en relation avec les usagers de différents profils, par le biais d’une communication plus personnalisée, optimisée en fonction de leurs