La Mathesis Universalis, un concept ambitieux et profond, évoque une vision de la connaissance qui aspire à l'universalité et à l'absolutisme dans le domaine des sciences et de la mathématique. Cette idée, dont les origines remontent à l'Antiquité, a été notamment revitalisée et remodelée au cours de la Renaissance, avant de connaître une évolution significative dans la pensée moderne, notamment avec des philosophes et mathématiciens comme René Descartes et Gottfried Wilhelm Leibniz.
Historiquement, la Mathesis Universalis se réfère à une "science universelle" englobant et transcendant toutes les disciplines particulières. Elle vise à établir un langage ou un système symbolique capable de décrire avec précision tous les phénomènes, qu'ils soient mathématiques, physiques, ou même métaphysiques. Cette ambition reflète une quête de compréhension totale et unifiée du monde.
Au cours de l'Antiquité, les fondements de la Mathesis Universalis étaient déjà perceptibles dans les travaux de Platon et d'Aristote, qui ont tous deux cherché à découvrir les principes universels sous-jacents à la réalité. Cependant, c'est au 17e siècle, avec René Descartes, que le concept prend véritablement forme. Descartes envisage une méthode unique pour obtenir des connaissances, applicable dans tous les domaines de la recherche. Pour lui, la mathématique est le modèle de toute connaissance, en raison de sa clarté et de sa certitude.
Gottfried Wilhelm Leibniz, quant à lui, étend l'idée du concept bien au-delà de la seule mathématique. Il imagine un "caractère universel" ou une "langue philosophique" qui permettrait non seulement de formaliser toute connaissance scientifique, mais aussi de résoudre les différends en réduisant les arguments à des calculs. Cette approche anticipait de manière surprenante certaines idées modernes en informatique et en logique formelle.
Dans le sillage de ces penseurs, la Mathesis Universalis inspire les développements ultérieurs en logique, en théorie des ensembles, et en théorie de la démonstration, jetant les bases de l'informatique théorique et de la linguistique formelle. Alan Turing, par exemple, avec sa conception de la machine universelle, peut être vu comme travaillant dans cet esprit, cherchant un formalisme capable d'exprimer tout algorithme concevable.
De nos jours, bien que l'idée, au sens classique paraisse peut-être trop ambitieuse, son héritage se fait sentir dans la quête continue de langages et de systèmes formels universels en sciences et en mathématiques. Les efforts pour développer des théories du tout en physique, par exemple, ou pour formaliser les fondements des mathématiques, s'inscrivent dans cette tradition de recherche d'une compréhension unifiée et universelle.
Par ailleurs, l'intelligence artificielle et la science des données s'efforcent de créer des algorithmes et des modèles capables de traiter et d'interpréter une gamme sans cesse croissante de données et de phénomènes, reflétant l'ambition de la Mathesis Universalis de décoder la complexité du monde à travers un langage universel de la raison.
Le concept représente donc plus qu'un simple concept historique ; elle incarne une aspiration profonde à l'universalité et à l'unité dans la connaissance. Bien que son ambition originelle de couvrir tous les aspects de la réalité dans un système unique soit immense, elle continue d'inspirer la recherche de principes unificateurs à travers divers domaines de la connaissance. En cela, la Mathesis Universalis demeure un phare pour les explorateurs du monde intellectuel, nous rappelant l'importance et la valeur d'une vision intégrée et holistique de la connaissance.
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Gottfried Wilhelm Leibniz, figure emblématique des Lumières, a marqué l'histoire des sciences et de la philosophie par son génie polymorphe. Né en 1646 à Leipzig, cet érudit allemand s'est distingué dans une multitude de disciplines, allant de la mathématique, où il co-invente le calcul infinitésimal indépendamment d'Isaac Newton, à la philosophie, en passant par la logique, la physique, et même la théologie. Leibniz était animé par une quête incessante de connaissances, poussé par une insatiable curiosité et une ambition de synthétiser les savoirs humains dans un système cohérent. Ses écrits, notamment sur la monadologie et l'optimisme métaphysique, où il défend l'idée d'un univers harmonieux et préétabli par un créateur bienveillant, continuent d'inspirer et de provoquer des débats intellectuels. Par ses contributions pionnières, Leibniz a non seulement jeté les bases de l'informatique moderne mais a également contribué à façonner notre compréhension du monde et de notre place au sein de celui-ci.