Une nouvelle étude scientifique publiée récemment[1] dans la revue internationale Environmental Science and Pollution Research vient renforcer les craintes formulées par de nombreux scientifiques et par la société civile vis-à-vis de certains herbicides et OGM.
Présentation de la recherche. Les microorganismes du sol, acteurs essentiels de la qualité des sols, sont grandement exposés aux pesticides et en particulier au Roundup qui est l’herbicide le plus utilisé au monde. Dans le cadre d’un Partenariat institutions-citoyens pour la recherche et l’innovation (PICRI)[2], une équipe de chercheurs pilotée par Christian Vélot, enseignant-chercheur en génétique moléculaire, a étudié les effets de la formulation commerciale de Roundup grande culture « GT Plus », contenant 450 g/L de glyphosate (son principe actif déclaré), chez un champignon filamenteux du sol, Aspergillus nidulans, utilisé ici comme un marqueur de la santé des sols agricoles.
Résultats. L’étude réalisée démontre que ce Roundup est toxique pour ce champignon à des doses très inférieures à la dilution agricole. La dose qui provoque 50% de mortalité du champignon (LD50) correspond à un pourcentage de dilution 100 fois inférieur à celui utilisé en agriculture, cette mortalité étant de 100% pour une dose 50 fois inférieure à la dose d’application agricole. La formulation de Roundup s’est avérée être beaucoup plus toxique que le glyphosate seul, soulignant une fois de plus que les adjuvants ne sont pas inertes et la nécessité de les prendre en considération dans les processus d’évaluation. A la LD50 et des doses inférieures, les effets du Roundup sont multiples et incluent une altération de la croissance et de nombreuses perturbations cellulaires, en particulier au niveau du métabolisme énergétique et respiratoire. Ces analyses ont permis de mettre en évidence un nouveau mode d’action du Roundup sur le métabolisme énergétique, différent de celui observé jusqu’alors sur les cellules animales.
Des effets à très faibles doses ! Les perturbations du métabolisme énergétique et respiratoire sont également détectées à une dose pour laquelle il n’y a pourtant aucun effet macroscopique (dose NOAEL = No-Observed-Adverse-Effect Level). Ceci implique que les effets métaboliques des résidus de pesticides peuvent se produire à des doses d’exposition pour lesquelles il n’y a aucun effet toxique visible, telles que les doses agricoles pour les plantes génétiquement modifiées (GM) tolérantes aux herbicides.
« De telles perturbations métaboliques pourraient affecter la composition et ainsi remettre en cause la sécurité sanitaire des aliments issus de ces plantes. » déclare Christian Vélot, responsable scientifique de cette recherche et membre du Conseil scientifique du Criigen. « Ces données sont de nature à remettre en question le principe d’équivalence en substance sur lequel s’appuie l’évaluation de tous les OGM agricoles dans le monde, et qui est utilisé pour déclarer que les aliments provenant d’une plante GM sont aussi sûrs et nutritifs que ceux provenant de la plante conventionnelle correspondante. Puisque ce principe concerne les aliments (c’est-à-dire la fin de la chaine), il devrait également prendre en considération le vécu de la plante. Or, une plante tolérante à un herbicide n’a pas le même vécu que sa contrepartie conventionnelle puisque la première est arrosée de l’herbicide qu’elle peut alors accumuler dans ses cellules. Etonnamment, dans le cas des plantes GM tolérantes aux Roundup (80% des OGM agricoles) l’équivalence en substance ne tient pas compte des éventuels effets dus à la présence de l’herbicide et de ses résidus. Nos études montrent pourtant à quel point il serait pertinent de prendre ces aspects en considération, l’interaction des produits chimiques avec les fonctions respiratoires et énergétiques pouvant entraîner de sévères disfonctionnements du métabolisme général.» conclut-il.
« Ces résultats renforcent les inquiétudes formulées par la société civile sur les faiblesses et carences des homologations aussi bien des pesticides que des OGM. » déclare François Veillerette, pilote du projet pour la partie sociétale et porte-parole de Générations Futures. « A l’heure où la Commission semble vouloir balayer d’un revers de main les données sanitaires sur le glyphosate, pourtant classé cancérigène par le CIRC, nous demandons fermement au Gouvernement français de continuer à afficher son volontarisme sur ce dossier en s’engageant clairement à ne pas voter, les 18 et 19 mai prochains, pour la ré homologation en Europe de cette substance active présente dans les Roundup, et à œuvrer pour que les adjuvants soient enfin vraiment pris en considération dans l’évaluation des pesticides. C’est ici une question de santé publique ! » conclut-il.
[1] Nicolas et al., 2016. Environmental Science and Pollution Research. Retrouvez la publication sur http://www.picri-ogm.fr
[2] Cette 1ère étude est le fruit d’un projet de recherche participative PICRI (Partenariats Institution-Citoyens pour la Recherche et l’Innovation), financé par la Région Ile-de-France. Ce projet, relatif à l’étude du principe d’équivalence en substance sur lequel s’appuie l’évaluation de tous les OGM agricoles dans le Monde, est réalisé en partenariat entre l’Université Paris-Sud, l’association Générations Futures et le Criigen.