Qu'est ce qu'un état amoureux ?



L’état amoureux est tellement heureux et exaltant qu’on le considère comme relevant de l’extraordinaire et qu’on l’attribue, dans la plupart des civilisations, aux dieux : on le dit de source divine, cadeau du ciel, d’essence sacrée, on le dit même phénomène cosmique. Pour en parler on ne peut qu’emprunter le langage des poètes, voire des mystiques. Parfois pour y accéder il faut passer par la magie d’un philtre d’amour.

Qu’est-ce que l’état amoureux ?
C’est un état de grâce fait d’un état de conscience supérieur où l’on ressent un bonheur absolu qui confine à l’euphorie ; ainsi qu’un sentiment d’amour océanique qui nous fait aimer non seulement l’autre mais tous les gens et l’univers tout entier. L’autre, on veut le rendre heureux comme soi- même ; l’autre, on n’en voit que la beauté, le bon côté, on est d’une indulgence telle que ses défauts nous sont aimables. C’est donc un sentiment qui ouvre à l’autre, aux autres, au monde.

Cet état de conscience supérieur est aussi caractérisé par un accroissement de l’énergie vitale – la vivance – et par une exacerbation de la sensibilité affective et de la sensibilité sensorielle (les roses n’ont jamais autant embaumé et les merles si bien chanté), et enfin, par une amplification de la créativité, de l’intuition et de l’intelligence.

Autrement dit, notre conscience est plus aiguë, plus large, plus élevée. Nous sommes plus près de notre essence et de celle de l’autre. Nous devenons magnanimes, nous rêvons d’éternité, nous nous élançons hors du monde. Cela se sent en nous comme un ensoleillement, cela se voit de l’extérieur comme une illumination : notre visage rayonne, nos yeux brillent.

L’état amoureux nous met donc dans un état de conscience supérieur comme le font la méditation, la contemplation mystique, la transe de la danse, le ravissement esthétique par la beauté ou la musique.

Notre part de lumière
Jung distinguait chez l’Humain une part de lumière où est le meilleur – notre aspiration à nous ouvrir, à nous dépasser, à nous élever – et une part d’ombre où gît le plus mauvais – notre égoïsme, notre possessivité, notre agressivité, nos peurs, etc. Ce que fait le « tomber amoureux », c’est révé- ler notre belle part, celle qui nous illumine et rayonne, celle qui nous rend aimant, généreux, celle qui nous rénove. C’est aussi nous permettre de voir la part lumineuse de l’autre. Ainsi l’état amoureux naît de la rencontre des parts de lumière de chacun.

Ce qu’énonce avec sa ferveur poétique Jacqueline Kelen : « L’énamoration a peut-être pour seul sens de révéler le céleste en soi. Loin d’être un aveuglement, cette illumination permet de saisir le lumineux de l’autre, le divin en l’autre, ce à quoi ne parviendraient pas des années de pratique spirituelle. C’est la révélation de l’amour à sa source. » (Propositions d’amour, Anne Carrière Éditions)

En Orient, on sait depuis toujours que l’amour est d’origine divine. C’est vrai pour le tantrisme, le bouddhisme ou l’hindouisme. Pour les hindouistes, par exemple, l’Atman, c’est-à-dire le dieu, est en chaque femme, en chaque homme. L’amour est l’émanation du dieu en soi. Quand on aime Lætitia ou Jonathan, c’est l’Atman qu’on aime en elle, en lui, et c’est l’Atman qui nous fait aimer l’autre.

Ce qui fait le bonheur de l’état amoureux
Ce qui fait le bonheur de l’état amoureux c’est qu’il comble nos attentes, même si c’est provisoire. Mais d’autres élé- ments contribuent à notre félicité.

• La rencontre amoureuse, c’est le paradis retrouvé. Le paradis nous l’avions connu au cours de notre vie intrautérine. Être au contact de douces parois, flotter dans un liquide chaud, être balancé dans ce liquide par les mouvements de la mère, entendre des bruits feutrés – la voix de maman – ou rythmés – les battements de son cœur –, être dans l’ombre, vivre en sécurité, c’est un bonheur océanique. Et bébé, en croissant, en est de plus en plus conscient, car sa conscience s’affirme. Mais un jour une catastrophe survient, il est expulsé de son paradis et livré à l’enfer : contact dur, froid, lumières violentes, bruits assourdissants, déplacements rapides, insécurité, angoisse renforcée par une sensation nouvelle : la faim. Alors c’est le miracle : la mère met bébé contre son sein et là il retrouve le paradis perdu : la douceur des contacts, la chaleur, le bercement, la voix aimée, les battements rassurants et la fin de cette atroce faim. Sécurisé, rassasié, bébé est à nouveau béat. Il faut dire que l’amour de la mère est absolu, sa tendresse inouïe, son corps à corps merveilleux, tous les sens de bébé sont comblés : le toucher, le regard, les odeurs, la voix de la mère l’enveloppant totalement. Hélas, un jour c’est le sevrage et l’enfant une fois encore est mis à la porte du paradis. Alors commence une longue, une interminable attente au cours de laquelle la nostalgie nous taraude, la solitude nous délite. Et un jour, un jour béni, un jour doré, l’amour nous arrive et nous offre une fois encore le paradis : des mots d’amour, des regards tendres, la proximité des corps et leurs cortèges de bonheur : douceur et chaleur des contacts, balance- ments et bercements, voix suave, battements d’un cœur, sollicitude de l’autre, sécurité. Ô merci, Dieu d’amour, j’irai allumer des cierges par centaines et me prosterner à la porte de tes nefs.

• La rencontre, c’est aussi la fin de la « séparation » et de l’insoutenable solitude de l’être. La vie de l’humain va de séparation en séparation : séparé du ventre de sa mère, séparé des bras de sa mère, séparé de son premier amour et d’autres encore, il va le flanc ouvert de toutes ces ruptures. Aussi quand une femme, un homme vient à se placer sur cette plaie, il se sent à nouveau en plénitude.

• La rencontre confirme notre existence, constitue une reconnaissance et met un terme à l’angoissant doute de soi. Nous sommes reconnus, confortés dans ce que nous sommes car choisis, élus. Nous nous réconcilions avec nous-mêmes.

• La rencontre met un terme à l’obligation de refouler les assauts de la pulsion sexuelle et des pulsions partielles, par ailleurs très coûteuse en énergie. Maintenant on peut investir ces pulsions dans une relation érotique où elles s’épanouissent totalement et légitimement, d’où un regain d’énergie.

• Enfin il faut savoir que l’état amoureux provoque une augmentation considérable et continue de la sécrétion des neurohormones du plaisir, en particulier des endorphines, de la dopamine et de l’ocytocine. Les premières ont des vertus étonnantes : elles sont euphorisantes, antianxiété, antistress et antidouleur. Les dernières sont appelées hormones de l’attachement, c’est tout dire.

Au total
Au total, l’état amoureux est une véritable transformation métaphysique de l’être. On a même parlé d’effet rédempteur. En tout cas c’est une maturation : on a envie de s’accomplir et pour cela de devenir adulte afin d’affronter tous les obs- tacles, et on découvre qu’on le peut.
Hélas, cet état peut être éphémère et réversible, parce que notre part d’ombre arrive à nous rattraper – à savoir notre ego, notre égoïsme, nos blessures et compagnie.

Pour que persiste l’état amoureux, il faudrait que l’élan demeure au contact de la source d’amour et du côté de notre part de lumière. Autrement dit qu’on ne se laisse pas englou- tir par l’ombre et qu’on fasse triompher la lumière. C’est possible comme nous allons le voir

 

 

Dr Gérard Leleu

 


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