Mineurs isolés, les grands oubliés

France, 2017 : après un parcours migratoire violent et éprouvant, des mineurs se retrouvent sur le territoire français livrés à eux mêmes et exposés à de graves violations de leurs droits fondamentaux. Cette situation inacceptable se banalise dans de nombreux départements et est régulièrement dénoncée par les associations. Ce qui questionne notre Etat de droit. A l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, Solidarité Laïque souhaite rappeler qu’il est urgent de protéger ces enfants en danger, qui, aujourd’hui tendent à être considérés comme des migrants et non comme des enfants.

Les parcours des mineurs isolés sont de plus en plus violents, car leur âge les rend vulnérables et les expose aux dangers des réseaux de traite, d’exploitation, de prostitution et de travail forcé. Le passage par la Libye qui a donné lieu à de nombreuses alertes de la part des acteurs associatifs est un des points récurrents dans leurs récits tant la violence et la barbarie y sont prégnantes et insoutenables. Leur arrivée en France n’abrègera malheureusement pas leurs souffrances.

Si notre droit considère ces enfants comme des enfants en danger et donc relevant du droit commun de la protection de l’enfance, ces dispositions restent inappliquées dans de nombreux territoires. A Calais, à Paris, dans les Bouches-du-Rhône, à la frontière franco-italienne, les mineurs isolés qui devraient être mis à l’abri de manière inconditionnelle dès leur arrivée sur le territoire ne le sont pas.
Les exemples de récits de violation de ces droits ne manquent pas : dans les Bouches-du-Rhône, l’évaluation s’étend sur 2 à 3 mois sans aucune mise à l’abri, laissant les jeunes à la rue avec un seul repas par semaine prévu par le département. A la frontière franco-italienne, les mineurs isolés font l’objet d’expulsion et de reconduite à la frontière.

Mais l’entrée dans le système de protection de l’enfance ne résoudra pas tout.
D’une part, la place de ces enfants en son sein ne cesse d’être remise en question par les départements qui renvoient ces mineurs à la responsabilité de l’Etat, au titre de la gestion des politiques migratoires. Or, renvoyer cette responsabilité à l’Etat revient à nier à ces jeunes vulnérables leur statut d’enfant, et surtout d’enfant en danger. Est-ce cela que nous voulons promouvoir dans notre Etat de droit ?
D’autre part, ces enfants devront se battre pour voir leurs droits respectés tout au long de leurs parcours. Ces jeunes devront en effet à chaque instant se justifier pour prouver ce qu’ils sont, qui ils sont. Or rien ne va de soi pour ces jeunes vulnérables : reconstitution de l’état civil, accès aux soins, accès à l’éducation… qui peut penser que ces enfants sont à même de mener ces batailles juridiques ?

 

Le droit à l’éducation bafoué en France

Durant les phases de mise à l’abri, d’évaluation et de recours devant le juge qui durent souvent des mois, aucune scolarisation n’est assurée, violant de fait leur droit fondamental à l’éducation. Rappelons pourtant qu’en France

  • Le droit à l’éducation est une « priorité nationale » (Article L111-1 du code de l’éducation).
  • D’après le code de l’éducation, « ce droit est garanti à chacun afin de lui permettre sa personnalité (…), de s’insérer dans la vie sociale (…). « L’instruction est obligatoire pour les enfants (…) français et étrangers, entre six et seize ans. » ajoute l’article L131-1 du Code de l’éducation.

En 2012, les gouvernements, dont le gouvernement français, se sont engagés à atteindre les objectifs du développement durable (ODD). En tant qu’ONG de solidarité internationale active dans le domaine de l’éducation, nous favorisons la réalisation de l’ODD4 concernant l’accès une éducation de qualité pour tous.  » Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour atteindre cet objectif et nous ne sommes pas crédibles à défendre l’éducation pour tous ailleurs alors que de graves violations de ce droit ont lieu sur notre territoire.  » souligne ainsi Roland Biache, Délégué général de Solidarité Laïque.

Dans notre Etat de droit, la protection des personnes, particulièrement des mineurs, et le respect de leurs droits fondamentaux devraient l’emporter sur les considérations liées aux enjeux de contrôle des flux migratoires.

Nous ne cesserons de le rappeler :
ces enfants sont des enfants à protéger !