• Le système de récompense
Lorsque nous expérimentons un stress1, notre cerveau dispose d’un mécanisme d’adaptation, il est capable d’activer le système de récompense dépendant de la dopamine2. Cependant, avant de solliciter la récompense dopaminergique, des échanges intenses se mettent en place entre le cerveau préfrontal et l’axe limbique-hypothalamo-hypophyso-adrénergique (HHS ou L-HPA en an- glais3). Leur but est de générer une régulation homéostatique entre, d’une part, un raisonnement lent et réflexif et un comportement orienté vers une finalité précise, et, d’autre part, une forte poussée motivationnelle et de l’impulsivité. Ce dialogue entre les deux aspects de la personnalité de tout un chacun permet des choix comportementaux voués à calmer l’angoisse générée par le stress. De plus, cette distribution de rôles dans le Système Nerveux Central (SNC) va de pair avec les systèmes ortho et parasympathique du Système Nerveux Périphérique (SNP). Eux aussi réconcilient les deux personnalités centrales discordantes avec la spécialisation combat/fuite du système orthosympathique et la relaxation et la guérison (réparation) du système parasympathique déjà évoquées plus haut. Ces éléments, à l’œuvre en cas d’inflammation aiguë, interviennent également dans la gestion du stress.
La réponse à un stress est très individuelle. On décrit une triade de réponse exagérée wanting-craving-mating que l’on peut traduire par « désirer, avoir follement envie, se remplir, s’accoupler » qui peut s’inscrire dans un centre d’« habituation » (habit en anglais). La conséquence en est que même si le stress spécifique finit par se résoudre, le centre d’habituation maintient la réponse au stress comme une ressource et continue d’y recourir. Nous savons tous que rien n’est plus difficile que de se défaire d’une habitude. Celle- ci entretient des liens très intéressants avec l’addiction.
Le circuit méso-limbique du cerveau utilise la dopamine comme neurotransmetteur. Celle-ci est responsable de la motivation, de l’envie et du désir. La fonction dopaminergique du système de récompense augmente le risque de comportement addictif car des stimulations de plus en plus importantes sont nécessaires pour maintenir le système gratifiant. Pendant ce temps, qui voit l’individu aux prises avec son stress et le système nerveux occupé à le désangoisser, l’axe neuro-endocrinien HHS demande aux sur- rénales de produire du cortisol de façon à davantage abaisser la douleur centrale et surtout endiguer toute atteinte inflammatoire du système.
Tout va bien pendant environ 24-48 heures (eh oui, on a deux jours pour résoudre son stress !), puis le système risque de s’emballer dans un cercle vicieux qui va faire le lit de l’inflammation chronique. Celle-ci sera largement abordée dans le prochain chapitre, notamment dans ses liens avec les maladies dégénératives et sa capacité à accélérer le vieillissement, en particulier par le biais de la sénescence cellulaire. Ici, nous sommes encore dans la physiologie du système d’adaptation à un stress. Comment se fait-il qu’un stress chronique, caractérisé par une cortisolémie élevée, finisse par pervertir le premier rôle de cette hormone, c’est-à-dire son rôle anti-inflammatoire ?
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Qu'est-ce Que le cortisol ?
Le cortisol est une hormone stéroïde (corticostéroïde) sécrétée par la glande surrénale à partir du cholestérol, suite à une stimulation par l’ACTH (Adreno CorticoTropin Hormone), hormone hypophysaire.
Ses fonctions principales sont :
- l'augmentation de la glycémie par le biais de la néoglucogenèse ;
- l'inhibition des réponses du système immunitaire, notamment de l’inflammation et d’un de ses symptômes les plus prégnants, la douleur ;
- la régulation du métabolisme des lipides, des protéines et des glucides;
- la régulation du rythme circadien (en complément de la mélatonine).
Sa sécrétion est régulée par la Corticotropin-Releasing Hormone (CRH) produite par l’hypothalamus. Sous son influence, l'hypophyse sécrète alors l'ACTH. Cette dernière stimule à son tour la glande surrénale et le cortisol est alors excrété.
On parle d’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien ou hypothalamo-hypophyso-adrénergique. Ce système est régulé par l’effet de rétrocontrôle du cortisol sur l'hypothalamus et l'hypophyse qui inhibe la production de CRH et d'ACTH.
L’action anti-inflammatoire et immunosuppressive du cortisol est à la base de son usage thérapeutique : le cortisol naturel a donné naissance aux corticostéroïdes ou corticoïdes de synthèse.
Comme ces molécules, le cortisol agit au niveau sanguin en favorisant le retour des lymphocytes et des polynucléaires éosinophiles dans les organes immunitaires : rate, moelle osseuse, ganglions lymphatiques, système immunitaire muqueux.
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1. Pour la définition du stress, voir Hans Selye in The stress of my life (Le stress de ma vie), un stress est « ce qui nous stresse » ; Stress is an alert system, very similar to a general defence system, such as inflammation : le stress est un système d’alerte, très similaire à un système de défense général comme l’inflammation. Et encore: A set of responses general adaptation syndrome or the development of a pathological state from ongoing, unrelieved stress: un système de réponses représentant un syndrome d’adaptation générale ou le développement d’un état pathologique à partir d’un stress sous-jacent, persistant. Et enfin: Stress is stressful whether one receives good or bad news, whether the impulse is positive or negative : le stress est stressant que l’on reçoive de bonnes ou de mauvaises nouvelles, que l’impact soit positif ou négatif.
2. Le système de récompense est fondé sur la sécrétion augmentée de dopamine par les neurones dopaminergiques du cerveau, au niveau de la substantia nigra.
3. L-HPA axis (limbic-hypothalamo-pituitary-adrenergic axis).
Professeur Paricia d'Alessio
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