L'Espagne devrait créer un organisme de promotion de l'égalité fort et améliorer l'éducation des Roms et des migrants, estime la Commission antiracisme du Conseil de l'Europe

Dans un rapport publié aujourd’hui, la Commission antiracisme du Conseil de l’Europe invite les autorités espagnoles à créer un organisme de promotion de l’égalité indépendant et fort, à adopter une nouvelle législation complète de lutte contre la discrimination et à améliorer l’éducation des enfants roms et des enfants issus de la migration. Le rapport fait aussi état de progrès notables dans un certain nombre de domaines.

L’ECRI note avec satisfaction que les objectifs en matière de relogement des Roms ont été atteints et que des bonnes pratiques pour prévenir l’absentéisme scolaire et l’abandon scolaire précoce des enfants roms ont été développées. Elle constate toutefois que les programmes de relogement ont contribué à la ségrégation résidentielle et scolaire et que 45 % seulement des enfants roms achèvent le cycle d’enseignement obligatoire.

En ce qui concerne les migrants, le rapport souligne la nécessité de se soucier davantage de les aider à trouver un emploi et à échapper à la pauvreté, et de remédier au taux élevé d’abandon scolaire des enfants venant de pays n’appartenant pas à l’UE (44 %). L’ECRI regrette qu’aucune nouvelle stratégie d’intégration des migrants n’ait été adoptée depuis la fin du Plan stratégique pour la citoyenneté et l’intégration en 2014.

En Espagne, les préjugés sont présents, notamment à l’égard des musulmans, des Roms et des personnes LGBT. L’ECRI souligne que de nombreux cas de discours de haine et d’infractions motivées par la haine ne sont pas signalés aux autorités. Bien que les propos ouvertement haineux ne soient pas courants dans le discours politique en Espagne, ils ont considérablement augmenté sur l’internet et les réseaux sociaux. Les régulateurs des médias ne s’emploient pas suffisamment à les prévenir et à les supprimer.

Le rapport prend note avec satisfaction des progrès réalisés dans l’enregistrement des infractions motivées par la haine, de l’amélioration de la législation relative à ces infractions, de l’établissement d’un réseau de procureurs spécialisés dans la lutte contre ces infractions et de la dissolution de deux organisations racistes.

L’ECRI se félicite aussi de l’important travail du réseau de centres d’aide aux victimes de discrimination raciale, mais déplore le fait que l’organisme de promotion de l’égalité ne soit pas indépendant, qu’il ne dispose pas de sa propre infrastructure et qu’il ait quasiment cessé toute activité. Elle regrette aussi le ralentissement de la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre le racisme qui doit être actualisée et étendue.

L’ECRI note avec satisfaction de l’attitude ouverte à l’égard des personnes LGBT en Espagne et de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe dont l’égalité des droits est garantie, notamment en matière d’adoption. Elle souligne toutefois la nécessité de créer un environnement dans lequel les personnes LGBT se sentent à l’aise pour parler ouvertement de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre. Elle recommande d’intensifier l’accompagnement et la protection des jeunes LGBT et de réduire les exigences imposées aux personnes transgenres pour pouvoir obtenir la modification de leur nom et de leur genre.

« L’Espagne devrait créer un organisme de promotion de l’égalité indépendant et fort pour prévenir et combattre la discrimination », a déclaré Jean-Paul Lehners, président de l’ECRI. « Des investissements importants sont aussi nécessaires dans le domaine de l’éducation pour que les enfants roms mais aussi les enfants originaires de pays n’appartenant pas à l’UE terminent au moins le cycle d’enseignement obligatoire. L’Espagne devrait éviter l’apparition d’une nouvelle génération d’enfants exclus appartenant à des minorités », a-t-il ajouté.

Le rapport contient 17 recommandations à l’intention des autorités espagnoles. L’ECRI se prononcera, dans un délai de deux ans, sur l’application de deux de ses recommandations qu’elle juge prioritaires :

  • Les autorités espagnoles devraient créer un organisme indépendant de promotion de l’égalité ;

  • Elles devraient faire en sorte que le pourcentage d’enfants roms terminant leur scolarité obligatoire augmente rapidement.

Le rapport a été élaboré à la suite de la visite que l’ECRI a effectuée en février 2017 en Espagne et, sauf indication contraire expresse, couvre la période se terminant le 22 juin 2017. 

(voir la version espagnole du rapport)

* * *

L’ECRI, organe de protection des droits de l’homme du Conseil de l'Europe, composé d’experts indépendants, est chargée du suivi des problèmes de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme, d’intolérance et de discrimination fondée sur des motifs tels que la « race », les origines ethniques/nationales, la couleur, la nationalité, la religion et la langue (discrimination raciale) ; elle élabore des rapports et adresse des recommandations aux Etats membres.