Histoire de vulves...

On l’a aujourd’hui un peu oublié mais, durant des milliers d’années, la vulve a été un symbole vénéré, signe de divinité, et d’antiques légendes, comme celle de Baubô, nous disent même qu’elle pouvait avoir des effets antidépresseurs !

Présente dès la préhistoire sur les parois des cavernes, elle a été, bien plus que le pénis, dessinée, gravée, peinte de façon obsédante par nos ancêtres. Et ce sont souvent des femmes chamanes qui ont réalisé ces peintures, dans un but que nous ne connaissons pas.

Les signes premiers – qui ont donné naissance aux lettres de nos alphabets – s’inspirent de la vulve : c’est un triangle tête en bas, avec un trait figurant la vulve, ou un cercle avec un point central. Certaines gravures suivent le tracé de la roche, et les grottes elles-mêmes semblent avoir représenté une matrice dans laquelle on doit s’enfoncer pour découvrir la fente originelle, parfois peinte à l’ocre rouge. C’est le cas par exemple de ce que l’on appelle la « petite chambre des vulves » de la grotte de Tito Bustillo, en Espagne du Nord, où elles sont présentes en grand nombre, tandis que les dessins de pénis n’apparaissent que très rarement sur les parois.

J’ai demandé à la Lune
Comme le cycle menstruel coïncide en général avec celui de la Lune (29,5 jours), les femmes étaient supposées avoir une relation particulière avec cet astre, et les premières divinités qui incarnent la fécondité sont souvent représentées avec un croissant de lune au-dessus de la tête.
L’observation du ciel permettait aux femmes d’anticiper leurs prochaines menstruations, mais aussi les saisons et les grands cycles cosmiques. Autant d’informations qui leur permettaient de prévoir la durée des grossesses ou le bon moment pour mettre des enfants en route. La position des étoiles dans le ciel était aussi depuis des milliers d’années un moyen de se repérer dans l’espace lors des chasses, des migrations, des grands rassemblements entre clans. Certaines études disent que les femmes ont été non seule- ment les premières astronomes, mais aussi les premières mathématiciennes, puisque les plus anciennes tablettes de calcul sont d’abord des calendriers lunaires où l’on reconnaît des encoches marquant les durées des cycles.
Les statuettes représentant des femmes aux organes sexuels très visibles, enceintes ou ménopausées faisaient partie du quotidien.

Elles servaient probablement d’amulettes protectrices. En Sibérie, des statuettes en ivoire, plus fines, portent des encoches qui pourraient être des agendas menstruels, afin de mémoriser les cycles.

Les têtes de vache ou de taureau font aussi partie de cette figuration du sexe divinisé. Pas, comme on le pense souvent, parce que ce bovin incarnerait la virilité, mais au contraire parce que sa tête prolongée de cornes a pu, aux yeux de nos lointains ancêtres, rappeler la forme de l’utérus, l’organe de la gestation. Tous les animaux sacrifiés sont d’ailleurs des animaux à cornes, dont la tête évoquerait la forme de la matrice. Et l’égorgement consistant à faire jaillir le sang est un rituel qui cherche à reproduire ces menstruations, signe ultime de fertilité dont l’absence annonce la naissance prochaine d’un enfant.

Rions avec la vulve
Dans le monde entier, sous des formes différentes, on raconte depuis longtemps les pouvoirs hilarants de la vulve.

La légende que nous connaissons en Europe à travers la mythologie grecque met en scène Baubô, dont le nom signifie aussi « vulve » en grec. On raconte que Déméter, la déesse de l’agriculture, avait sombré dans la dépression. La raison ? Sa fille Perséphone avait été enlevée par Hadès, dieu des morts, qui l’avait emmenée avec lui dans les Enfers. Cette violence faite à sa fille désespérait Déméter, et elle errait depuis des jours en pleurant, à tel point que plus aucune plante ne poussait. Arrivée à Éleusis, elle croisa Baubô qui eut l’idée de soulever sa robe pour lui montrer sa vulve. Déméter éclata de rire et trouva ainsi la force d’aller rechercher sa fille au pays des morts.

Elle parvint à convaincre Hadès de laisser Perséphone six mois de l’année avec elle – c’est le printemps et l’été – et six mois sous terre avec lui. Depuis lors, dans les rituels, il est d’usage d’offrir des gâteaux imitant une vulve, comme on en trouve encore en Provence, sous la forme de navette. (Oui, vous ne regarderez plus jamais les enfants engloutir des barquettes à la fraise pour le goûter de la même façon !)

La légende vulvaire semble présente au moins depuis 3 000 ans avant notre ère. Dans l’antique Mésopotamie, aujourd’hui deve- nue l’Irak, la déesse sumérienne Ishtar appelait son amant en ces termes :
« Ma vulve, ce terrain humide que je suis Moi, reine, qui y mettra ses œufs ? »
Source de bonheur et de régénération, la vulve était honorée et représentée dans tout le bassin méditerranéen.

En Égypte, la déesse Hathor (qui, entre autres signes particuliers, a une tête de vache) rend le sourire au Soleil en lui montrant aussi sa vulve.

Beaucoup plus loin, au Japon, le mythe met en scène la déesse du soleil, Amaterasu, qui s’est enfermée dans une grotte suite à une agression sexuelle. Pour la faire enfin sortir, la danseuse Uzumé exécute un strip-tease au-dessus d’une flaque d’eau qui reflète sa vulve.

En Amérique du Nord, les peuples autochtones comme les Cherokees ont eux aussi gardé la mémoire de ces légendes qui célèbrent la vulve et honorent sa puissance.

Une tradition qui a peu à peu été abandonnée, mais qui n’a pas tout à fait disparu.
Car ce mystère que nous avons entre les jambes continue de nous faire rire, comme les statuettes antiques de Baubô, qui représentaient un corps où la tête et la vulve se confondaient.

Une façon de nous rappeler qu’en la matière, ce n’est pas la souffrance qui devrait être la norme, mais la joie.

 

 Elise Thiébaut / Camille Tallet



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