FLYING HIGH Femmes artistes de l’Art Brut



Bank Austria Kunstforum
VIENNE, AUSTRIE
15 FÉVRIER - 23 JUIN 2019

Aloïse Corbaz, Brevario Grimani, 1950 ca (détail)

Entièrement consacrée à la création d’artistes femmes dans le domaine de l'art brut de 1860 à nos jours, FLYING HIGH réunit une sélection de 316 œuvres de 93 femmes artistes de 21 pays dans le cadre d’une exposition qui ‘vole haut’ dans tous les sens du terme, celle-ci venant remettre en question, tant par son contenu que par ses dimensions esthétiques, les conceptions habituellement admises sur « l’art ».

FLYING HIGH reprend la terminologie « d’Art Brut » - qui renvoie à raw art ou outsider art en anglais - telle que définie par Jean Dubuffet en 1945 pour caractériser un type de production artistique non académique et non conventionnel produit en marge du champ culturel dominant. Cependant, la diversité et l'hétérogénéité des œuvres qui sont présentées au Bank Austria Kunstforum de Vienne (Autriche) mettent clairement en lumière l’élargissement que cette dénomination d'Art Brut a pu connaitre au fil du temps pour englober de nos jours bien plus que les œuvres issues de la création de malades mentaux. Aujourd’hui, son acceptation englobe notamment la production de femmes artistes "médiums" (spiritualistes), de "louves solitaires" ou d’handicapées. Un tel élargissement trouve notamment ses origines dans les changements radicaux opérés par la médecine psychiatrique et ses institutions, passées de lieux de confinement et de réclusion à des structures plus ouvertes - quand elles n’ont pas tout simplement été dissoutes. L'Art Brut contemporain est aujourd'hui en grande partie issu d’ateliers ou de structures créées par les artistes eux-mêmes.

Le parcours chronologique de l'exposition s’ouvre avec une sélection d’œuvres en provenance des collections historiques des psychiatres Walter Morgenthaler (Stiftung Psychiatrie-Museum, Berne) et d’Hans Prinzhorn (Universitätsklinikum, Heidelberg). Ces deux praticiens soutinrent et collectionnèrent la production artistique au sein d’institutions psychiatriques dès les débuts du XXe siècle et furent à l’origine de publications sur le sujet - Ein Geisteskranker als Künstler (1921 - Le malade mental en tant qu’artiste) ou Bildnerei der Geisteskranken (1922 - Expressions de la folie). L’exposition se poursuit avec une sélection de chefs-d'œuvre de la collection Jean Dubuffet constituée entre 1945 et 1976 (Collection de l'Art Brut, Lausanne). Enfin, une sélection d’œuvres majeures de la Collection L'Aracine (LaM, Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, Villeneuve d'Ascq) vient conclure le parcours avec des œuvres qui eurent une influence déterminante et formatrice sur le développement et l'histoire de l’Art brut. En outre, l'exposition comprend de nombreuses œuvres provenant d'importantes collections privées internationales et autrichiennes.

Ayant toujours été « des marginales parmi les marginaux », l'histoire des femmes artistes liées à l’Art Brut témoigne de l’émancipation de femmes à un niveau de précarité supplémentaire. L’Art Brut n'ayant jamais été traité sur un pied d’égalité avec les « Beaux-Arts », les artistes femmes eurent, en outre, à conquérir leur place à la fois au sein même de l’Art Brut mais également par-delà l'art féministe. Reconnaitre enfin la spécificité et la valeur de leur art est le but que s’est fixé FLYING HIGH, organisé par le Bank Austria Kunstforum Wien.

L'exposition met ainsi l’accent sur le fait que les aspects esthétiques prévalent sur les dimensions pathologiques, les parcours biographiques, « l'excentricité » des artistes. Ces œuvres issues de la production d'une multiplicité d’artistes femmes sont ainsi à l’origine d’un vaste panorama et de questionnements sur le pouvoir d’expression qui leur est lié : où se situe la différence entre "mythologies individuelles" (Harald Szeemann), sur la base desquelles l’Art Brut se fonde, selon qu'il a été produit par des artistes femmes ou des artistes hommes ? En quoi les œuvres de ces femmes racontent-elles une ou des histoires différentes de celles des hommes ? Quelles différences y-a-t-il dans les méthodes de production, les médiums, les registres iconographiques ? L'exposition est à l’origine de telles questions et témoigne de la qualité, de la puissance expressive, directe, sans filtre et souvent subversive aussi d’un Art Brut créé par des femmes. Comparer les différences mais aussi les similitudes potentielles dans l'expression d’artistes féminins et masculins sera l'objet d'une exposition ultérieure.

Comme en toute chose, et cela s’appliquant également au domaine de l'art : seul ce qui peut être vu, existe.

Conservateurs : Ingried Brugger et Hannah Rieger
Conservateur adjoint : Veronika Rudorfer