Expo : Bénéfices de guerre, guère de bénéfices ? 14 /18

En septembre 1914, l’invasion des bassins industriels du Nord et de l’Est oblige le gouvernement à réorganiser complètement et sans délai l’approvisionnement de ses armées. Largement mis à contribution pour répondre à cet « effort de guerre national », le bassin stéphanois devient, dans des proportions jamais atteintes jusque-là, le véritable arsenal armurier de l’arrière.L’exposition « Bénéfices de guerre, guère de bénéfices ? 14-18 » révèle l’engagement et l’importance de l’industrie stéphanoise pendant le premier conflit mondial, tout en s’interrogeant sur la complexité des bénéfices engendrés, qu’ils soient économiques, sociaux ou culturels. Près de 200 objets seront présentés, tels que le canon de 75, le fusil Lebel, la mitrailleuse Saint-Étienne, de nombreuses armes issues des collections du musée, d’intéressantes affiches originales, des photographies inédites et des éléments de paquetage de soldats produits dans la région stéphanoise... autant de pièces emblématiques qui nous guident dans la redécouverte des enjeux de cette aventure industrielle.

La mobilisation générale industrielle
Dès les premiers mois du conflit, des « groupements industriels régionaux » sont créés afin de répondre au plus vite aux besoins de l’Armée et coordonner la production. Les richesses des industries du bassin stéphanois, de la mine à la sidérurgie, de la mécanique au textile, et du fabricant à l’artisan, en feront un des hauts lieux de la production nationale. La société et l’économie toute entière se mettent au service de la guerre, et en particulier les femmes, qui sont sommées de produire par tous les moyens des quantités énormes de ce que la guerre engloutit dans les combats. Des fortunes de guerre se constituent et les entreprises devront rendre compte, la paix revenue, de ces bénéfices exceptionnels.

Les combattants de l’arrière
Après avoir dressé l’état des lieux de l’industrie stéphanoise dans le contexte économique d’avant-guerre, l’exposition proposera de suivre le parcours de neufs personnages fictifs. Cinq hommes, trois femmes et un enfant inviteront le visiteur à découvrir leur quotidien avant la mobilisation générale et pendant la guerre. A la fois spectateurs et acteurs des bouleversements sociaux et économiques du bassin industriel en guerre, leurs témoignages permettront d’apporter un éclairage particulier sur le développement de la “machine” industrielle de l’arrière.Cette exposition est présentée dans le cadre du centenaire de la Première Guerre mondiale. A ce titre, elle bénéficie du label du Centenaire 14-18.

Bénéfices de guerre
Au terme de quatre longues années, femmes et hommes, usines et machines sortiront usés et épuisés.
Néanmoins ce sacrifice aura apporté une relance inattendue de l’économie française et du bassin stéphanois : progrès techniques, solidarités ouvrières renforcées, évolution des mentalités... lui offrent un second souffle. Au delà des changements radicaux de modes de vie de la population, se pose la question des bénéfices financiers réalisés pendant le premier conflit mondial : la nouvelle réorganisation économique va de pair avec une multiplication significative des bénéfices de certaines sociétés. Renault, par exemple, voit son chiffre d’affaires passer de 53,9 millions à 249 millions de francs en 1919.

... Guère de bénéfices
Cet enrichissement des industries n’est pas sans susciter des polémiques. Sur les fronts, on parle des « profiteurs de l’arrière ». Loin du théâtre des opérations, on note de nombreuses protestations contre la durée de la guerre, contre l’inflation, contre les difficultés de ravitaillement, des rumeurs contre les profiteurs de guerre... protestations qui provoqueront d’importants mouvements ouvriers au cours du conflit. Bien que le syndicalisme sortît grandi de la guerre, l’hyperproductivité des entreprises se fait néanmoins au détriment de la main d’œuvre, avec un phénomène majeur : l’introduction du taylorisme. Les ouvriers travaillent à la chaîne, les plus qualifiés vivent dans la peur d’être renvoyés au front, et tous sont soumis au discours patriotique. En réponse à ces critiques et pour faire face aux gains excessifs accumulés, le Parlement adopte le 1er juillet 1916 la loi taxant les bénéfices réalisés par tous les fournisseurs de l’État (sauf ceux qui concernent l’agriculture). Cet impôt entend rééquilibrer les résultats financiers des privés à l’effort de guerre sans qu’elle soit source d’enrichissement. Face à la complexité des modalités d’application et à la mauvaise volonté des industries, la mesure s’avère être un échec. En juillet 1919, l’impôt n’a permis le recouvrement que de 0,56% des contributions calculées pour la période d’Août 1914 à juin 1920...
Durant l’entre-deux guerre, la question des profits de guerre se posera à nouveau. En 1938, une loi relative à l’organisation de la nation en temps de guerre interdit aux sociétés qui travaillent pour la défense nationale d’engendrer des bénéfices. Selon le député Paul Reynaud, il est impossible de « tolérer l’enrichissement scandaleux de la guerre de 14-18 ». La Seconde Guerre mondiale mettra un terme aux poursuites entreprises par le Front populaire contre les bénéfices de 14-18.

 

Du 9 octobre 2015 au 14 mars 2016
Musée d’Art et d’industrie
2 Pl. Louis Comte, 42000 Saint-Étienne
04 77 49 73 00
www.musee-art-industrie.saint-etienne.fr