COMPRENDRE LE CANCER POUR MIEUX LE PRÉVENIR

Le cancer est une maladie très particulière. Même si des causes extérieures en favorisent le développement, le cancer reste une maladie que le corps va fabriquer.

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« L’aventure humaine, c’est de se poser des questions, d’explorer et de chercher. »

                                     Boris Cyrulnik

 

Le cancer est une maladie très particulière. Même si des causes extérieures en favorisent le développement, le cancer reste une maladie que le corps va fabriquer.

Ici, les causes apparaissent multiples, complexes. Elles entraînent des mutations des cellules qui deviennent immortelles et vont se développer à l’infini. Il faut savoir que notre organisme est en mesure de lutter contre des cellules qui mutent. Notre système immunitaire sait reconnaître ces cellules anormales et les détruire. D’ailleurs, nous fabriquons tous, régulièrement, des cellules potentiellement cancéreuses que notre système immunitaire élimine au fur et à mesure.

Le cancer va se développer s’il y a un déséquilibre entre les deux phénomènes : apparition trop fréquente de mutations cancéreuses et un système immunitaire trop tolérant (c’est-à-dire qu’il ne reconnaît pas les cellules comme cancéreuses et ne les élimine pas comme il devrait) ou anergique (le système immunitaire est affaibli, incapable de lutter contre les cellules anormales).

Ce déséquilibre entre production de cellules cancéreuses et insuffisance des moyens de défense peut avoir de nombreuses causes. La génétique, des carences nutritionnelles, des contacts avec des produits cancérigènes (appelés aussi mutagènes1), des facteurs émotionnels et bien d’autres.
Dans ce chapitre, nous allons détailler ces différents points qui font le lit du cancer. Cette compréhension est indispensable si on veut lutter contre cette maladie, éviter les récidives et surtout les deuxièmes cancers et mettre en place une prévention active.

NOTIONS GÉNÉRALES SUR LE CANCER

UNE ÉPIDÉMIE GALOPANTE
Avant de détailler les différents cancers, évoquons son épidémiologie, c’est-à-dire sa fréquence et les facteurs qui influencent son apparition.

Sans être médecin ou scientifique, on peut observer ou lire chaque jour à quel point le nombre de cancers augmente et touche des personnes de plus en plus jeunes.

Ainsi, l’âge moyen d’apparition du cancer du sein ne cesse de baisser et il est malheureusement de plus en plus fréquent de diagnostiquer cette maladie chez des jeunes femmes de moins de 40 ans.
En 2016, le cahier « Science et médecine » du Monde s’est penché sur les données d’incidence recueillies par les agences sanitaires françaises. On y apprend que 33 cancers étudiés ont vu leur taux d’incidence croître entre 1980 et 2012, 6 cancers se sont stabilisés et seulement 7 ont vu leur incidence baisser.

Concernant le cancer du sein, « l’incidence baisse depuis 2002‐2005 chez les femmes de 50 à 79 ans, ce qui coïncide avec la réduction de l’utilisation des traitements hormonaux substitutifs de la ménopause, largement prescrits auparavant. [...] Depuis l’arrêt de ces traitements, la chute de l’incidence des cancers du sein est spectaculaire : – 25 % en moins de dix ans », explique le journal.
Mais plus inquiétant, dans la même période, le cancer du sein a progressé d’environ 60 % chez les 30-39 ans et chez les 40-49 ans !

Une autre étude publiée au Royaume-Uni, toujours en 2016, montre qu’il y a eu en un an 1 300 cas en plus de cancer par an par rapport à 1998 chez les enfants de moins de 16 ans ! La hausse la plus apparente se voit chez les adolescents et les jeunes adultes âgés de 15 et 24 ans. Pour les auteurs, près de la moitié de ces cancers sont liés à la pollution, mais d’autres causes sont envisagées dont l’obésité, les pesticides et les solvants inhalés pendant la grossesse, la perturbation du rythme circadien par trop de lumière la nuit, l’irradiation liée aux examens radiologiques répétés, le tabagisme pendant et après la grossesse, les champs magnétiques des lignes électriques, des gadgets dans les maisons, et potentiellement, le rayonnement des téléphones mobiles2.

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En France, le cancer est devenu la première cause de mortalité chez l’homme depuis 1989 avec 34 % des décès. Chez la femme, il reste en deuxième position (après la mortalité cardio-vasculaire) avec 24 % des causes de décès, mais ce chiffre est en constante augmentation à cause du tabagisme, de l’obésité et des cancers hormono-dépendants très liés à l’environnement3.
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Le cancer représente globalement un tiers des décès en France
Le cancer est une maladie très fréquente en France comme dans le monde. En 2017, il y a eu 40 000 cancers diagnostiqués en France pour 150 000 décès (84 000 chez les hommes et 66 000 chez les femmes). Chez les Françaises, la mortalité par cancer du sein a tendance à baisser du fait du dépistage plus précoce, mais en même temps, celle des cancers du côlon et surtout du poumon ne cesse d’augmenter.

Ces chiffres alarmants doivent nous inciter à intensifier la lutte, mais surtout la prévention contre cette maladie qui touche toutes les familles.

Si les taux de mortalité commencent à se stabiliser en France, les statisticiens prévoient une légère augmentation de la mortalité par cancer chez les femmes en 2018.

Certains auteurs se veulent encourageants concernant les chiffres du cancer. Il est vrai que l’on arrive à « guérir » de plus en plus de malades. Ce qui explique qu’en 2008 il y avait 3 millions de
personnes en vie qui avaient déjà eu un cancer !

Nous aurions probablement la même vision positive que ces spécialistes sur le sujet si l’on observait aussi une baisse du nombre de personnes développant un cancer. Mais les « bons » résultats apparents que certains médias nous rapportent sont plus liés à un dépistage plus précoce qu’à des traitements mieux maîtrisés.

En effet, beaucoup d’efforts sont faits pour dépister le cancer et lutter contre la maladie. Mais si vous réfléchissez bien, les centaines de millions investis dans ces campagnes de dépistages ne feront jamais baisser le nombre de malades. Au contraire ! Le dépistage permet de découvrir plus de malades et entraîne même un surdiagnostic très critiqué actuellement (voir p. 105, le paragraphe sur le dépistage en troisième partie de ce chapitre).

Seul un véritable investissement dans la prévention pourrait faire baisser l’incidence du cancer ! Mais la prévention a toujours été le parent pauvre de la santé. Prévenir des maladies, c’est aussi réduire les dépenses de santé : moins de malades, moins de médicaments, moins de consultations et donc moins de bénéfices pour tous les acteurs du système. Pourtant, notre système de Sécurité sociale en aurait bien besoin !

Cette réflexion peut paraître cynique ou tout au moins perturbante, mais elle est bien réelle et doit être prise en compte pour comprendre que le principal acteur d’une démarche de prévention, c’est vous, l’usager de la santé, le malade en puissance.

Si vous ne vous prenez pas en main, personne ne le fera pour vous !


Dr Alain Dumas / Dr Eric Ménat

  

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