« Même si la dépression ne figure pas dans les tableaux de maladie, on voit bien que le burn-out (syndrome d’épuisement professionnel) est un sujet qui préoccupe de plus en plus la société au sens large, à savoir (en plus du pouvoir législatif) le pouvoir exécutif, les salariés et les directions des entreprises. Une étude réalisée par le ministère du Travail (Analyse DARES) indiquait, l’an dernier, que 9 % des salariés étaient surexposés aux risques psycho-sociaux. Un pourcentage relativement élevé et qui pourrait s’accroître dans les prochaines années.
Ce sujet est complexe à plusieurs égards. Pourquoi ?
Le « psychique » est plus compliqué à prouver que le « physique »
On évoque une « maladie psychique » et non pas physique. Pas facile à appréhender d’un point de vue juridique car, pour que l’on puisse reprocher quelque chose à l’employeur, il faut que soit établi ce que l’on appelle « un lien de causalité ». En clair, il s’agit d’être certain que le mal dont souffre le salarié est essentiellement et directement imputable à l’employeur.
Une maladie physique, se concrétisant, par exemple, par des troubles musculo-squelettiques, est plus facile à relier à une fonction : des médecins peuvent être affirmatifs sur le « lien de causalité », arguant que la répétition des mêmes gestes pendant 40 ans a provoqué le mal dont le salarié souffre aujourd’hui et qui est lié à ses fonctions au sein de l’entreprise.
Lorsque l’on parle de maux psychiques, cela est plus compliqué parce que les causes peuvent être multiples. Comment un médecin peut-il affirmer que la dépression dont souffre un salarié est due entièrement à son travail plutôt qu’à sa situation familiale, élément dont le salarié ne va pas forcément faire état : il peut, en effet, être en instance de divorce, avoir des problèmes avec ses enfants, avec ses amis, etc.
La complexité de la détermination du lien de causalité n’aide pas à la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle indemnisée par la branche « accident du travail / maladie professionnelle » financée par les entreprises.
La prévention à l’ordre du jour
Quel que soit le niveau de reconnaissance que le législateur voudra bien accorder au burn-out, le fait de mettre cette thématique sous les projecteurs doit amener les entreprises à la prendre au sérieux. Et, par voie de conséquence, à tenter de s’organiser pour que ces problèmes ne surviennent pas.
Garder un œil attentif sur ses collègues peut permettre, par exemple, de noter qu’un salarié est soudainement beaucoup moins enthousiaste dans son travail et qu’il a tendance à se dévaloriser, qu’il ne tient plus les délais, qu’il dit ne peut plus pouvoir faire face... Autre exemple : un salarié qui devient extrêmement agressif... Ces signes peuvent alerter sur un éventuel burn-out… La solution est de faire en sorte que les informations remontent vers la DRH, qui ne peut matériellement être derrière chaque salarié, afin de comprendre ce qui peut éventuellement se passer.
Mais la difficulté est que ces analyses sont subjectives : on peut être moins enjoué au travail car on a des problèmes personnels. A l’inverse, on peut aussi être face à des salariés qui sont en insuffisance professionnelle : la direction s’est trompée en les recrutant. Des personnes non dimensionnées pour un poste peuvent se dire qu’elles n’arrivent pas à faire face, qu’elles ne s’en sortent pas. Elles ne sont tout simplement pas au niveau.
Le stress à surveiller de près
Il existe peu de chiffres précis sur le burn-out en particulier, mais la Cegos avait fait un sondage (en 2014) au terme duquel il ressortait que 53 % des salariés et 68 % des managers trouvaient leur travail trop stressant, ce qui est beaucoup, même s’il ne faut pas confondre burn-out et stress.
Ceci étant dit, là encore, d’autres écueils guettent les entreprises ! Car la notion de stress est, elle aussi, très subjective. Prenez deux personnes dans une situation identique : l’une va considérer qu’elle n’est pas stressée et que c’est juste un travail dense ; l’autre sera complètement stressée… Il y a donc beaucoup de subjectivité dans ce domaine. A ce propos, une étude de l’INRS a estimé, en 2007, que le coût du stress au travail représentait 2 à 3 milliards d’euros pour la société, au sens large : arrêts de travail, prescriptions médicales, examens médicaux, etc.
Les nouvelles technologies… à utiliser avec modération
Le syndrome d’épuisement professionnel souvent lié à certaines méthodes de management, peut aussi être dû au développement croissant des nouveaux moyens de communication d’une part et à la propension qu’ont certains salariés à continuer leur journée de travail chez eux le soir, d’autre part. Une poursuite des tâches qui peut être imposée de manière indirecte par l’employeur (pression à finir le travail), mais pas forcément…
Il y a quelques années, on quittait le travail le soir à 18h et il existait une vraie coupure entre la vie professionnelle et la vie personnelle jusqu’au lendemain. Aujourd’hui, cette coupure franche n’existe plus, en raison notamment de l’accès à la messagerie électronique sur les téléphones portables… A cet égard, il existe des parades pouvant être mises en place par les entreprises comme le fait d’imposer un arrêt de travail à une certaine heure ou même de rendre inaccessibles les réseaux professionnels à partir d’une certaine heure (21h, par exemple). Certaines entreprises le font déjà. En tout état de cause, c’est à l’employeur de s’assurer que ses employés ne travaillent pas trop. »