Psycho / Conseil d'expert : « J’avoue que je suis totalement gâteuse de mon fils. Je ne m’attendais pas à ressentir un tel amour, j’ai des élans “amoureux”

Marie, maman d’Igor, 4 ans
« J’avoue que je suis totalement gâteuse de mon fils. Je ne m’attendais pas à ressentir un tel amour, j’ai des élans “amoureux”, de vraies sensations de manque quand il n’est pas là ! J’ai peur de trop le couver, d’en faire un “fils à maman”, de l’étouffer plus tard... et de trop l’aimer ! Pour le moment, je culpabilise, car j’ai vraiment du mal à trouver la bonne distance. »

Réponse d’expert
Dominique Calmettes, psychologue clinicien
Il faut, déjà, ne pas trop culpabiliser, car beaucoup de mères sont dans cette situation, dans ce qu’on peut appeler « la confusion des registres d’amour ». La question est plutôt de savoir avec quelle sorte d’amour la maman aime son enfant, et aussi dans quelle mesure elle l’aime pour lui, pour ce qu’il est, ou plutôt pour elle : se rassurer, se consoler, arriver à s’aimer, s’apaiser, aimer intensément, etc. C’est bien naturel que cela arrive, mais il importe que la maman en prenne conscience pour ne pas trop le faire porter à son enfant. En prendre conscience est fondamental pour ne pas aller trop loin. Car tout dépend des pro- portions : si l’enfant se sent aimé pour lui et que cela aide la mère à s’aimer, il ne se sentira pas trop objet de satisfaction de celle-ci.

Et quand une maman dit qu’elle couve trop son fils, est-ce que ce n’est pas pour éviter, justement, de perdre le sentiment d’harmonie de la fusion ou tout simplement pour combler un manque à elle ?

Dans le « je l’aime trop », il faut aussi, parfois, chercher à comprendre d’où vient cet excès d’amour. Voir s’il y a un manque avec le partenaire, soit parce que la maternité a éloigné le couple ou pour d’autres raisons. Car la question des élans amoureux renvoie d’une part à la forme d‘amour que la maman a vis-à-vis de son enfant, mais aussi au fait qu’elle puisse avoir besoin de combler un manque de petite fille, en elle, avec son fils. Le risque est que l’on assiste alors à une inversion des rôles, avec un petit garçon qui soutient affectivement sa maman. Cela peut l’inciter à la séduire, à la vouloir pour lui tout seul sur un mode fusionnel et œdipien, dans une relation où le grand absent est le papa ou le partenaire de la maman.

Dans ma pratique, je reçois des duos mère-fils dont la mère, qui se sent un peu vide ou pas assez comblée (vie amoureuse non épanouie, célibat prolongé, etc.), cherche à se remplir d’amour avec son fils. Et dans les cas où le père est absent, j’entends régulièrement des phrases telles que : « Avec mon fils, on s’est beaucoup soutenus pendant la séparation », « À la mort de son père, nous nous sommes consolés ». Encore une fois, ce n’est pas mal, mais il est juste que la maman aille chercher du réconfort chez un adulte (ami[e], compagnon, psychothérapeute, parent proche) pour pouvoir continuer à tenir son rôle de mère avec son enfant.

Et trouver la bonne distance, c’est la clé. Il faut accepter le processus de séparation, ne pas vouloir garder son enfant pour soi. C’est difficile, car l’expérience de la fusion est tellement forte... Cet amour total où l’on devient « un » avec un « autre » est à vivre, mais il arrive un moment où il faut en sortir.

Le processus de séparation consiste à « défusionner » petit à petit. À laisser son fils grandir et se retrouver soi-même, en tant que femme.

 

Alix Leduc


Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icône ci-dessous 

Couverture de livre