Lire / La 50ème loi : la peur est votre pire ennemi

C’est pendant l’hiver 2006 que j’ai rencontré 50 Cent pour la première fois. Il s’était passionné pour mon livre Power, les 48 Lois du pouvoir, et ne demandait qu’à en écrire un avec moi. Pendant ce premier entretien, nous avons évoqué la guerre, le terrorisme, le secteur musical. J’ai été frappé par le fait que nous jetions sur le monde des regards très similaires, en dépit de nos différences culturelles considérables. Par exemple, à propos des luttes de pouvoir qu’il livrait à l’époque dans l’univers musical, nous allions tous les deux au-delà des explications innocentes données par les différents protagonistes et tentions de discerner leurs véritables intentions. Il avait acquis cette façon de penser dans les rues de ce qu’il appelait le « Southside Queens » : un quartier dangereux généralement connu sous le nom de South Jamaica, situé à proximité de New York sur l’île de Long Island. C’était une question de survie. De mon côté, j’étais arrivé au même résultat en lisant quantité de livres d’histoire et en observant les manœuvres tor- tueuses de différents personnages à Hollywood, où j’avais travaillé de nombreuses années. Nos perspectives étaient identiques.

Nous nous sommes quittés ce jour-là avec l’intention avouée d’écrire quelque chose ensemble. Au cours des mois suivants, comme je m’interrogeais sur le thème éventuel de notre ouvrage, je m’intéressai de plus en plus à l’idée de rapprocher nos deux milieux. Ce qui me plaît en Amérique, c’est la mobilité sociale : il y a continuellement des individus qui se hissent des bas-fonds au sommet et qui, ce faisant, modifient notre culture. En revanche, la ségrégation perdure. Les gens célèbres restent en général entre eux, les intellectuels et universitaires ont leur propre ghetto et, d’une façon générale, qui se ressemble s’assemble. Si quelqu’un sort de son milieu, c’est en général en touriste, en observateur d’une façon de vivre différente.L’intérêt spécifique de notre projet était de faire fi autant que possible de nos différences superficielles et de collaborer sur le plan des idées pour éclairer certaines vérités de la nature humaine qui dépassent les catégories admises sur le plan social ou ethnique.

Je continuai à traîner avec Fifty pendant une bonne partie de l’année 2007, sans préjuger de ce à quoi ce livre pourrait ressembler. J’avais accès à la quasi-totalité de sa vie. J’étais présent à de nombreux rendez-vous d’affaires à haut niveau ; assis discrètement dans un coin, je l’observais en pleine action. Un jour, j’assistai à une rixe dans son bureau entre deux de ses salariés : Fifty dut s’interposer personnellement. Je fus également témoin d’une crise montée par lui de toutes pièces pour la presse, à des fins plus publicitaires. Je restais sur ses talons quand il rencontrait d’autres vedettes, des amis de quartier, des membres de familles royales européennes et des personnalités politiques. Je visitai le Southside Queens où il avait grandi, je traînai avec ses amis de l’époque où il était dealeur et je me fis une idée de ce que représentait le fait de passer sa jeunesse dans ce milieu. Plus je le voyais en action sur tous ces fronts, plus je constatais non sans stupeur que Fifty était un exemple vivant des personnages historiques que je citais dans mes trois ouvrages. Passé maître dans l’art de conquérir le pouvoir, il était en quelque sorte le Napoléon du hip-hop.

En décrivant la course au pouvoir de divers personnages his- toriques, j’étais arrivé à une conviction : la source de leur succès pouvait presque toujours se ramener à une compétence ou une qualité unique qui les distinguait de tout le monde. Chez Napoléon, c’était sa capacité remarquable à emmagasiner une quantité colossale de détails et à les classer dans son esprit. Cela lui permettait d’en savoir plus long sur la situation que les généraux ennemis. Ayant observé Fifty, ayant parlé avec lui de son passé, je conclus que la source de son pouvoir était sa totale intrépidité.

Cette qualité ne se manifeste ni par des hurlements ni par des techniques grossières d’intimidation. Si parfois Fifty s’y abandonne en public, c’est pure comédie. En coulisses, il est froid et calculateur. Son absence de peur éclate dans son attitude et dans ses actes. Il a trop côtoyé le danger dans la rue pour être le moins du monde décontenancé par tout ce à quoi il peut se heurter dans le monde des affaires. Si une proposition ne lui convient pas, il se retire sans le moindre souci. S’il est obligé de porter un coup bas à un adversaire, il le fait sans l’ombre d’un remords. Il possède une extrême confiance en lui-même. Dans un environnement où la plupart des gens sont timides et conservateurs, il possède l’avantage d’être disposé à en faire plus, à prendre des risques et à violer les convenances Issu d’un milieu où personne ne peut s’attendre à dépasser l’âge de vingt-cinq ans, il est habité par le sentiment qu’il n’a rien à perdre, et cela lui confère un énorme pouvoir.

Plus je songeais à cette force incroyable qui est la sienne, plus elle me semblait instructive et riche d’enseignement. Je me surpris moi-même à profiter de son exemple et à dominer mes propres peurs. Je décidai que l’intrépidité sous toutes ses formes serait le sujet de notre livre.

Concrètement, il ne fut pas difficile d’écrire La 50e Loi. En observant Fifty et en bavardant avec lui, je relevai certains schémas de comportement et certains thèmes qui constituent les dix chapitres de ce livre. Une fois ces thèmes fixés, j’en ai discuté avec lui et nous les avons affinés ensemble. Nous avons parlé de la façon dont on surmonte la peur de la mort, de la capacité à embrasser le chaos et le changement, du cheminement mental consistant à voir dans chaque revers de fortune une occasion de conquête du pouvoir. Nous avons fait le lien entre ces idées et nos expériences personnelles d’une part, et le monde en général d’autre part. J’ai ensuite étendu ces considérations aux résultats de mes propres recherches, en faisant le parallèle entre les exemples de Fifty et ce qu’avaient vécu d’autres personnages historiques faisant preuve de la même intrépidité.

En somme, dans ce livre, il est question d’une philosophie particulière de la vie que l’on peut résumer ainsi : nos peurs sont telle une prison qui limite notre domaine d’action. Moins vous avez peur, plus vous avez de pouvoir, et plus vous pouvez vivre pleinement. Notre intention est que La 50e Loi vous fasse découvrir ce pouvoir pour vous-même.

Robert Greene

 
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