L'art de gérer son temps : le time blocking


CONSEILS D’EXPERTS

Conseil no 1 : Acceptez les modifications.
Le but du time blocking n’est pas de vous obliger à respecter coûte que coûte votre planning initial, mais de vous amener à planifier de façon consciente l’usage que vous faites de votre temps. Si les circonstances bouleversent vos plans, n’y voyez aucun échec : cela fait partie de l’application de cette stratégie. Dès que vous le pouvez, modifiez tout simplement l’organisation des heures qu’il vous reste de manière à toujours choisir intentionnellement ce vers quoi vous tournez votre attention.

Conseil no 2 : Au début, prévoyez plus de temps que ce que vous pensez nécessaire.
Les novices ont tendance à constamment sous-estimer le temps que peuvent accaparer les activités ordinaires. Si vous n’avez pas encore l’habitude du time blocking, vous vous épargnerez d’inutiles modifications en augmentant de 20 à 30 % le volume horaire que vous estimez raisonnable pour chaque créneau. Avec quelques mois de pratique, vous aurez une appréciation plus réaliste des durées et commencerez à établir sans tâtonner des créneaux plus précis.
Conseil no 3 : Dédiez un créneau spécifique aux e-mails et aux messages instantanés.
Beaucoup de travailleurs du savoir ne considèrent pas la consultation de leur boîte mail et autres messageries instantanées comme une activité à part entière, mais plutôt comme une tâche qu’ils effectuent toujours en parallèle du travail principal. Je déconseille fortement cette façon de voir les choses : ces vérifications multiples et rapides de vos messageries réduisent considérablement votre capacité cognitive en raison du coût que ces interruptions représentent pour votre système neuronal. Concentrez le temps que vous passez sur vos e-mails ou vos messageries instantanées dans un créneau spécifique et, lorsque vous y êtes, ne faites rien d’autre (et inversement, ne communiquez pas durant les autres créneaux). Si votre travail vous oblige à vérifier régulièrement votre messagerie, prévoyez autant de créneaux que nécessaire, mais ne laissez pas ce comportement se produire de manière informelle en arrière-plan.

Conseil no 3 : Prévoyez des « créneaux de débordement » dans votre planning pour davantage de flexibilité.
Si, pour une activité donnée, vous ne savez pas avec certitude combien de temps elle prendra, répartissez-la sur deux créneaux, le premier pour le travail en question, le second pour les tâches qui pourraient résulter de celui-ci : si vous avez besoin de plus de temps pour l’activité initiale, profitez du deuxième créneau pour l’achever ; en revanche, si vous avez terminé, utilisez la deuxième plage pour les activités de soutien que vous avez pu identifier. Vous éviterez ainsi de modifier inutilement votre planning lorsque vous vous attelez à un travail de durée incertaine

>> UTILISER LES COLONNES DE NOTES
La partie gauche de la double page journalière comporte deux colonnes lignées intitulées « Tâches » et « Idées ». Leur fonction est simple : si, au cours d’un créneau ou d’un autre, une nouvelle tâche ou une idée utile vous traverse l’esprit, vous pouvez la noter rapidement dans ces deux colonnes pour y revenir plus tard et vous replonger immédiatement dans ce que vous étiez en train de faire.

Imaginons par exemple qu’un collègue passe dans votre bureau pour vous demander un service, ou qu’en revenant d’une réunion, vous ayez une illumination concernant la solution à apporter à un problème urgent. Si vous consignez ces intrusions cognitives dans une section du planner prévue à cet effet en attendant de pouvoir vous y pencher, vous neutraliserez l’envie de détourner votre attention de la tâche que vous aviez assignée au créneau en cours. Vous savez que vous ne risquez pas de les oublier puisqu’elles figurent noir sur blanc sur votre page journalière. À défaut d’un tel espace de notes, vous risquez fort, par peur d’oublier, de lâcher tout ce que vous êtes en train de faire pour vous consacrer à ces nouvelles obligations. Réagir ainsi revient à renoncer à gérer votre emploi du temps selon vos intentions pour l’abandonner aux caprices d’autrui.

Vous avez besoin d’agir sur cette nouvelle information plus tard dans la journée ? Les colonnes de notes conservent tout ce dont vous avez besoin jusqu’à ce que vous trouviez le bon moment pour modifier votre emploi du temps et y inclure la nouvelle tâche. Si elle n’est pas très urgente, elle restera sagement dans ces mêmes colonnes jusqu’à ce que vous accomplissiez votre rituel d’arrêt (que nous détaillerons dans un instant), au cours duquel vous la transfèrerez dans le système permanent que vous utilisez pour assurer le suivi de vos obligations.

>>> LE SUIVI DES MESURES
L’art du time blocking consiste entre autres à déterminer quel travail planifier. Parfois, le choix est évident, par exemple lorsqu’il s’agit de dégager des créneaux pour des rendez-vous déjà fixés ou des projets d’échéance proche. Mais souvent, vous aurez besoin d’intégrer dans votre emploi du temps des actions moins impérieuses, sans aucun caractère urgent. C’est là que vos mesures personnelles peuvent vous aider à atteindre les résultats à long terme qui vous importent le plus.

Une mesure personnelle détermine un comportement que vous estimez important sous forme d’une valeur quantifiable. Ainsi, de nombreux lecteurs de Deep Work mesurent quotidiennement le nombre d’heures qu’ils consacrent sans aucune distraction à des tâches cognitives exigeantes. Ils seront d’accord avec moi si j’affirme que dans une économie du savoir comme la nôtre, où la concurrence est de plus en plus rude, il faut faire du « travail en profondeur » une priorité. Le nombre d’heures qu’ils passent chaque jour dans cet état est une mesure personnelle reflétant leur degré d’investissement.

Certains métiers produisent des mesures illustrant des comportements spécifiques à un type de travail particulier. Ainsi, si vous travaillez dans la vente, le nombre d’appels commerciaux que vous passez chaque jour peut avoir une importance, tandis que si vous occupez un poste de direction, vous vous intéresserez peut-être davantage au nombre de membres de votre équipe que vous avez supervisés en une journée. Certaines mesures sont quantifiables, d’autres sont binaires : soit vous l’avez fait, soit vous ne l’avez pas fait. Vous cochez par exemple une petite case lorsque vous finissez votre journée avec une boîte mail vide ou que vous avez rempli la feuille de temps en ligne.

Vous pouvez également établir un suivi de mesures sans rapport direct avec votre travail. Personnellement, je suis fermement convaincu qu’un esprit sain a besoin d’un corps sain. Je note donc chaque jour les informations suivantes : le nombre de pas dans la journée, si j’ai fait ou non du sport et si j’ai pris des repas équilibrés. Ces mesures personnelles ne qualifient pas à strictement parler des activités de travail, mais je les enregistre parallèlement à d’autres chiffres plus spécifiques à mon travail, car en définitive, elles influent sur l’efficacité avec laquelle j’utilise mon cerveau.

Pour ce suivi, vous disposez d’un espace dédié au-dessus des colonnes de notes. Inscrivez tout simplement le nom de chaque mesure, suivi de la valeur correspondante (un chiffre, un ensemble de marques, une simple croix...). Cette habitude a deux objectifs. Le premier est psychologique : savoir que vous consignerez en fin de journée cette information qui concerne un comportement essentiel peut vous motiver à lui réserver un créneau lorsque vous établissez le planning de votre journée, pour ne pas avoir à enregistrer de performances décevantes.

Le second objectif est informatif. L’encadré de suivi des mesures fournit un registre de vos performances au jour le jour, sur des comportements fondamentaux. Il peut vous révéler des tendances intéressantes. Imaginons que vous notiez le nombre de vos heures de travail en profondeur et que vous remarquiez qu’il baisse drastiquement les mardis et jeudis. En creusant un peu, vous réalisez que cette chute est liée aux diverses réunions périodiques que vous avez ces jours-là, et qui sont placées de telle sorte dans votre journée qu’elles vous empêchent de disposer de longues plages horaires ininterrompues. Maintenant que vous savez où est le problème, vous pouvez y remédier grâce à quelques petits aménagements, par exemple en déplaçant une de ces réunions pour libérer un créneau horaire le matin, durant lequel vous travaillerez en profondeur.
En un mot, si quelque chose est important pour vous, notez-le dans le suivi des mesures. Cette habitude simple pourrait bien vous aider à agir de façon beaucoup plus consciente au quotidien.

>>> LE RITUEL D’ARRÊT
Le rituel d’arrêt est l’une des pierres angulaires de mon système de planification quotidienne. Il vous aide à débrancher du travail pour mieux profiter de votre vie en dehors. Le principe est simple : vous devez à chaque fois conclure l’emploi du temps de votre journée en « fermant le bureau ». Pour ce faire, assurez-vous d’abord d’avoir consigné vos mesures personnelles. Passez ensuite en revue les idées et les tâches notées dans les colonnes prévues à cet effet et déterminez ce que vous allez faire de chacune. Vous devrez parfois ajouter de nouvelles activités dans votre système de gestion des tâches, parfois aussi modifier votre calendrier, voire envoyer un rapide message au pied levé.

Une fois que vous en avez fini avec les colonnes de notes, je vous conseille de vérifier brièvement les autres sources potentielles d’obligations non honorées. Pour la plupart des gens, cette étape consistera à jeter un dernier coup d’œil à sa boîte e-mail pour s’assurer de n’avoir rien manqué d’important, et à consulter l’agenda et le logiciel de gestion des tâches. Cela fait, penchez-vous sur votre planning hebdomadaire (que nous allons présenter dans un instant) et modifiez-le si nécessaire. En procédant ainsi, vous acquérez la certitude de n’avoir rien oublié ou manqué, ou noté uniquement dans votre tête, et vous vérifiez que votre planning des jours à venir tient la route. Vous permettez ainsi à votre cerveau de décrocher complètement du travail pour se concentrer sur votre vie personnelle.

Pour marquer la transition, terminez le rituel en cochant la case « Rituel d’arrêt effectué » qui figure dans l’espace réservé au suivi des mesures. (Je l’ai placé là parce que noter si vous avez ou non accompli ce rituel est une mesure personnelle en soi.) Plus tard, dans la soirée, si vous ressentez une impression diffuse d’anxiété par rapport à votre travail, si votre esprit commence à s’agiter et à réfléchir aux mails à écrire, vous pourrez couper court à ces ruminations en vous répétant tout simplement : « Je n’aurais pas coché la case du rituel d’arrêt si je ne m’étais pas d’abord assuré que je n’avais pas besoin de me remettre au travail avant demain. » De cette façon, vous apaiserez votre anxiété sans vous occuper des thématiques particulières qui l’alimentent.

J’ai élaboré ce rituel pendant mes études, si ce n’est qu’au lieu de cocher une case, je prononçais à voix haute les mots « Arrêt effectué ! ». (Au fil des années, avec la parution de mes écrits sur cette stratégie, cette expression est devenue une sorte de cri de ralliement pour mes lecteurs les plus fervents, une excentricité qui me rend inexplicablement heureux.) Je sais d’expérience qu’en période de grand stress professionnel, je me répète fréquemment le rappel pendant environ une semaine. Après quoi, mon esprit intègre que je ne cèderai à aucune de ses ruminations sur le sujet et il réfrène son agitation. Il en ira très probablement de même pour vous. Si vous respectez scrupuleusement ce rituel, vous constaterez bientôt que non seulement vous travaillez plus intensément lorsque vous êtes à votre bureau, mais aussi que le temps dont vous disposez en dehors a plus de sens et est plus ressourçant que jamais.

Cal Newport


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