La kundalini, cet axis mundi au cœur de l’être et de l’univers...

La kundalini, cet axis mundi au cœur de l’être et de l’univers, se révèle être le canal d’une puissance infinie, dont elle focalise et exprime les potentialités de l’énergie.Le Barattage de la Mer de Lait, Peinture Punjab Hills, XIXe siècle.

La kundalini, cet axis mundi au cœur de l’être et de l’univers, se révèle être le canal d’une puissance infinie, dont elle focalise et exprime les potentialités de l’énergie.

L’éveil de la kundalini manifeste le réveil de l’énergie cosmotellurique lovée au repos, en chaque être humain, une telle énergie étant à la source de tous les pouvoirs, de toute la force, de toutes les formes de vie de la création.

S’il est un sujet qui a suscité autant de controverses, de peurs, d’interrogations, de rejets et d’incompréhension dans certains milieux, il s’agit bien de la kundalini.

Cette puissance représente le Graal, considéré comme inaccessible par l’humanité. Son existence est pressentie, a été entretenue vivante dans la psyché collective par le biais des mythes, légendes et contes de toutes les cultures. Pourtant, aujourd’hui, aucun traité correct et complet ne met à disposition une approche claire et accessible au plus grand nombre.

La raison majeure tient au fait de la nature même de la kundalini, qu’il est inconcevable d’appréhender par le mental. Cette énergie est purement expérientielle ; elle se vit tout simplement dans chaque instant, dans chaque inspir et chaque expir, dans chaque action, dans chaque pensée, chaque émotion. Mais surtout, située en son origine, elle permet cela. Elle est l’essence même de toute Vie, la source et sa destination, les racines et leurs fruits, le flux incessant de la vibration primordiale qui s’étend à l’infini et épouse toute forme.

Peut-on imaginer événement plus grandiose, plus merveilleux, plus magique et somme toute plus simple, plus naturel, plus discret, plus aimant que cette pulsion d’amour ?

Dans ce maelstrom de tourbillons de vie, l’intellect achoppe, son domaine d’élection étant la définition sélective d’un monde fini, structuré, figé dans sa forme, enfermé dans la raison qui opacifie les processus de vie élémentaires en les rendant complexes.

Sur un plan purement étymologique, en sanskrit (langue littéraire et sacrée de l’Inde ancienne), kundalini est issue du terme kundal, signifiant boucle, spire et, par conséquent, kundalini est décrite comme « ce qui est enroulé ». Mais, en fait, la racine kunda dont il proviendrait signifie « lieu profond », « trou » ou « cavité », ou encore « foyer », « âtre ». L’endroit où l’on brûle les morts en Inde porte le même nom, et un fossé ou un trou creusé volontairement, également. Ce terme se réfère également à la cavité concave dans laquelle se niche le cerveau, ressemblant à un serpent endormi, lové sur lui-même.

En sumérien 1, d’après la traduction d’Anton Parks 2, elle signifie « la puissante échelle qui enflamme le corps » ou kundalimi : « la puissante échelle mille (éternité, sagesse) ».
1. La kundalini au fil des traditions
La plupart des traditions religieuses, mystiques ou tribales de par le monde font état du processus d’élévation de la kundalini en tant que force suprême révélée aux adeptes dans la pratique d’ascèses, de sadhanas, de rituels, de transmissions, de méditations ou de prières.

Son universalité et son intemporalité nous permettent de produire ci-après des récits témoignant de sa présence au-delà du temps et de l’espace.

Les écoles de mystère de l’Égypte ancienne, de la Grèce, de Rome enseignaient la maîtrise de ce courant de vie. Les adeptes étant tenus au secret, il ne subsiste aujourd’hui aucun texte facilement accessible en faisant état.

Le serpent – symbole privilégié de la kundalini – était dépeint dans l’art sacré égyptien par un cobra érigé, ou un couple de cobras, lovés parfois autour d’un bâton, et par l’uræus, la coiffure de cobra de la puissance divine. Il est toujours représenté dressé avec la poitrine élargie, le bas du corps formant des lacets, et son nom iârt est formé de la racine iâr ou aàr, qui signifie « monter » 3. Il surmontait également le casque de guerre (le Khepresh) des pharaons en tant que serpent-force maîtrisé situé au troisième œil. Ce serpent crachant le feu signifiait que la kundalini émettait librement son flux et que l’entendement de la sagesse avait été obtenu. La vraie fonction de l’art de guérir, d’unifier le corps, de le sanctifier, résidait dans le déclenchement du flux de cette énergie et de sa maîtrise.

Le Livre des Morts égyptien, quant à lui, fait mention d’un « fluide vital, du serpent de feu qui se trouve dans l’épine dorsale. C’est ce fluide qui est le souffle de la vie que le prêtre transmet en imposant les mains sur la nuque du défunt que l’on veut réchauffer et recouvrir de la chaleur d’Isis ».
La tresse cérémoniale, sur le côté de la tête d’Horus, représentait également un symbole du pouvoir du serpent, de même que la tresse pharaonique, traditionnellement portée sur le côté droit de la tête.

Les Grecs dénommèrent cette force Pneuma : l’Esprit. L’Islam, pour sa part, parle du er-Rûh pour qualifier ce souffle divin.

Nous le retrouvons encore chez Jacob, le patriarche biblique, dans son célèbre songe du livre de la Genèse (28 :11-19) :
« Jacob quitta Beer-Sheva, et s’en alla vers Haran. Il arriva en ce lieu et y resta pour la nuit car le soleil s’était couché [...] il s’allongea pour dormir. Et il rêva qu’il y avait une échelle reposant sur la terre et dont l’autre extrémité atteignait le ciel ; et il aperçut les anges de Dieu qui la montaient et la descendaient ! Et il vit Dieu qui se trouvait en haut [ou à ses côtés] et qui lui disait : «je suis Dieu, le Dieu d’Abraham et le Dieu d’Isaac, ton père ; la terre sur laquelle tu reposes [...] je te la donnerai à toi à tes descendants [...]» Jacob se réveilla alors de son sommeil et il dit : «Sûrement Dieu est présent ici et je ne le sais pas.» Et il était effrayé et dit : «Il n’y a rien que la maison de Dieu et ceci est la porte du ciel.»

Dans la tradition hébraïque, c’est Luz, qui signifie « ce qui est caché, couvert, enveloppé, silencieux, secret », situé « vers l’extrémité de la colonne vertébrale », dans le sacrum, le lieu sacré. « Comme le noyau contient le germe, et comme l’os contient la moelle, ce Luz contient les éléments virtuels nécessaires à la restauration de l’être... Le Luz, étant impérissable, est dans l’être humain le «noyau d’immortalité», comme le lieu qui est désigné par le même nom est le «séjour d’immortalité» 4... »
Elle l’évoque également par la lettre teith de son alphabet signifiant « puissance des profondeurs » (valeur 9). Marie Elia 5 nous indique :
« Une incroyable Puissance, bien mal connue, dort dans les profondeurs de notre corps, à la base de la colonne vertébrale. Sans Elle, nous ne pouvons pas véritablement être créateurs. Elle est à l’origine des deux serpents du caducée qui montent de chakra en chakra et dont l’équilibre est primordial pour la santé. Ses manifestations touchent tous les domaines, et la grande lettre teith préside à son action. Le chemin des lettres nous conduit à notre royauté. Dans ce sens, teith nous aide à découvrir notre épée royale, Excalibur, et à la diriger vers le Soleil, au service de l’Unité et de l’Amour. [...] Teith, nous invite à méditer sur la direction que nous choisissons de donner à notre énergie créatrice, par exemple vérifier que le projet concerné se place bien au service de l’âme de lumière, et non de l’ego, et que ce dernier ne récupère pas pour lui ce qui ne regarde que l’âme. Teith peut indiquer également que d’anciens secrets peuvent aujourd’hui être découverts, ou bien qu’il est temps de révéler et partager les trésors cachés. [...] Teith nous convie à célébrer le lien d’amour qui nous unit à notre corps physique, à l’écouter et respecter ses véritables besoins. Teith nous aide à apaiser et orienter le feu de nos désirs et nos pulsions. Elle démystifie et libère les fantômes qui rôdent dans notre inconscient, éclaire et libère les frustrations, les regrets, les culpabilités anciennes...

La question de teith : « Bien-aimé, voici que la grande question t’est à nouveau posée. Tu es libre de décider, dans ta position actuelle, de la direction que tu veux donner à l’énergie créatrice qui est en toi. Sache que tu as le pouvoir de débloquer, libérer et orienter ta situation de façon positive. Alors interroge-toi en profondeur. Tout événement, toute circonstance de la vie, vient pour te proposer un nouveau choix. Je suis en toi. Je suis ce feu créateur qui ne demande qu’à s’élancer. Acceptes-tu de proclamer, pour que ton corps l’entende, la décision irrévocable de diriger ce Feu des Profondeurs vers le Soleil de l’Amour, et de voir dans l’énergie sexuelle qui est en toi une force que tu offres à la Lumière ? Je t’attends au cœur de l’incarnation. Si tu me choisis comme Alliée, j’éclairerai les méandres du labyrinthe des mémoires qui t’entravent encore. J’en révélerai l’illusion et tu marcheras debout, libre et léger. [...] Ose réaliser que le temps est venu où les splendeurs enfouies dans ton cœur peuvent enfin rayonner et illuminer ta vie. »

Plus près de nous, dans la tradition chrétienne, la kundalini est reliée au Saint-Esprit en tant qu’énergie créatrice, matrice de l’univers. Le baptême dans l’Esprit saint était destiné, à l’origine, à stimuler la kundalini par la force d’imposition des mains.

Dans la Bible, les mentions de « la voie des initiés » ou « de l’échelle menant au paradis » se réfèrent à la libération de cette force dans la colonne vertébrale.

Un évangile gnostique et apocryphe attribué à Simon le Magicien, qui n’a pas subi les censures du Concile de Nicée en 325, stipule : « En chaque être humain réside une puissance infinie qui est à l’origine de l’univers. Cette énergie extraordi- naire existe sous deux formes : l’une active, l’autre potentielle. Elle demeure en chacun de nous sous une forme latente. »

Ou encore : « Il existe en chacun (une énergie divine) qui existe à l’état latent... Pouvoir unique qui se divise au-dessus et au- dessous... Cette puissance est une : répartie en haut, en bas, s’engendrant elle-même, se trouvant elle-même, étant sa propre mère, son propre père, sa propre sœur, sa propre épouse, sa propre fille et à la fois fils, mère, père d’elle-même, elle est l’Un, racine du Tout... qui est la source du cercle entier de l’existence. »

Les gnostiques pratiquèrent cette discipline pendant les six premiers siècles du christianisme. Ils étaient appelés des Ophites, du grec ophis, qui signifie serpent. L’éveil collectif de la kundalini leur permettait d’épanouir l’intelligence supérieure ainsi que de générer une enveloppe protectrice contre les intrusions extérieures jugées néfastes. La « protection de la lumière » émanait de l’activation de cette force souvent décrite comme une vague de lumière électrique à l’image de l’éclair qui se déverse dans le corps. « Nymphion » était un terme codé désignant une cellule ambiante de protection psychosomatique générée par les activations intenses de la kundalini.

La littérature chrétienne regorge de témoignages de mystiques ou de saints : les troubles physiques et psychiques, les visions, les crises spectaculaires dans leur contact avec le divin (plus rarement avec le démon) évoquent toutes les caractéristiques d’éveil de cette force.

Ainsi, la mystique espagnole sainte Thérèse d’Avila (1515- 1582) a traversé des états de transcendance dans son union avec Dieu, elle relate, dans Le château intérieur ou les demeures : « Dans la septième demeure se trouve le Roi de gloire, dans une splendeur éclatante qui illumine et embellit toutes les autres. Ici enfin l’âme accède aux noces spirituelles avec Dieu.

C’est comme une pluie tombant des cieux dans une rivière ; il est impossible de diviser ou de séparer l’eau de la rivière et l’eau qui tombe des cieux. Ou comme un léger courant se déversant dans la mer, dont il n’aura nul moyen de se séparer. C’est la demeure que le Seigneur se réserve à lui-même et qu’on ne quittera jamais. [...] Ma tête résonne comme si elle était pleine de rivières débordantes, puis comme si toute l’eau de ces rivières se précipitait soudain en cascade ; et une troupe de petits oiseaux semblent siffler, non pas dans les oreilles, mais dans la partie supérieure de la tête, où l’on dit que se trouve la partie supérieure de l’âme. J’ai conservé longtemps cette vision, car l’esprit semble s’élancer vers le haut avec une grande vélocité. »

Hildegarde de Bingen, la religieuse bénédictine allemande (1098-1179), nous décrit ses visions, dans son œuvre Scivias : « Et cela se passa lors de 1 141 années de l’incarnation de Jésus-Christ fils de Dieu, lorsque j’avais 42 ans et 7 mois. Les cieux s’ouvrirent et une lumière éblouissante d’une brillance exceptionnelle se déversa totalement dans mon cerveau, et cela embrasa mon cœur entier et ma poitrine comme une flamme, pas en le brûlant, mais en le réchauffant [...] Et soudainement je compris la signification de ce qui était exposé dans les livres, c’est-à-dire du psalmiste, des évangélistes, et des autres livres catholiques de l’Ancien et du Nouveau Testament. » Vers ses 70 ans, Hildegarde expose à nouveau sa vision, telle une expansion de conscience : « Depuis ma plus tendre enfance [...] cette vision, mon esprit tel que Dieu l’aurait voulu, s’élève dans le royaume des cieux [...] et se développe lui-même parmi diverses personnes [...] loin de moi dans des pays et des endroits éloignés [...] la lumière que je vois [...] est loin, bien plus claire qu’un nuage qui porte le soleil [...] Parfois je vois dans cette lumière une autre lumière [...] toute tristesse et angoisse me quitte, et alors je me sens comme une petite fille au lieu d’une vieille femme. »

Dans le Grand Œuvre alchimique occidental, l’évolution de l’âme comporte le déploiement de deux énergies subtiles : le Soufre et le Vif-Argent. Dans l’Hermétisme6, on les appelle Nature, d’où les affirmations successives : « Nature prend plaisir à nature, Nature contient Nature, Nature prédomine sur Nature. » L’alchimiste Nicolas Flamel, dans son ouvrage Les Figures hiéroglyphiques, écrit du Soufre et du Vif-Argent : « Ce sont les deux serpents qui sont fixés autour du caducée de Mercure, au moyen duquel Mercure exerce son grand pouvoir et le transforme à son gré [...] tant que la Nature n’est pas «domestiquée», l’opposition des deux forces se manifeste de façon destructrice et empoisonnée.

C’est Mercure qui, en séparant les serpents avec sa baguette, introduisit le troisième élément déséquilibrant. ». La tradition alchimique fait, par ailleurs, mention de sept centres d’énergie dans le corps correspondant assez précisément aux chakras de la tradition orientale.

Le psychologue jungien Halligan compare l’éveil de la kundalini aux sept phases de la transmutation des métaux dans l’accomplissement de la pierre philosophale, décrite dans les textes alchimiques anciens. Il montre également comment l’élévation de la kundalini jusqu’au sommet du crâne est l’équivalent du « conjunctio » alchimique, le mariage mystique des opposés, qui, dans n’importe quel voyage mystique crée l’union avec le Divin. Un « conjunctio » crée la pierre philosophale, l’individu uni au Divin 7.

L’Asie demeure, sans conteste, le continent dépositaire de merveilleux « trésors » en termes de connaissances du processus de la kundalini. L’Inde, le Tibet, la Chine, le Japon ont été, en leur temps, les principaux conservateurs du culte lié à la déesse-mère, dont les origines se perdent dans le passé de l’humanité. Au fil des siècles, des milliers de gourous œuvrèrent dans le secret de la maîtrise et de la transmission de cette énergie nommée « shakti ».

Un foisonnement d’écoles de pensée, de courants religieux veillait à communiquer à leurs disciples un chemin vers l’éveil spirituel, un chemin vers Dieu. La religion n’était pas particulièrement orientée autour d’un livre saint ou d’un prophète, mais plutôt autour d’incarnations vivantes d’avatars ou de yogis authentiques. Le terreau culturel composait le terrain idéal à l’expérience intérieure par la voie de la méditation, la voie de la conscience.

C’est la raison pour laquelle leur connaissance expérimentale nous a légué des informations très précises, au travers d’une littérature issue de multiples courants de pensée. Tous les termes usités pour définir la kundalini sont issus du sanskrit8, rendant la compréhension du phénomène très ardue pour qui demeure étranger au vocabulaire et à l’esprit indiens. Je veillerai, dans cet ouvrage, à en utiliser le minimum afin de faciliter l’accès à la compréhension de ce processus de notre point de vue occidental.

Une multitude de textes épars et disparates développant différents systèmes distillent des informations complexes ou sibyllines, et trop souvent contradictoires, sur son activation et ses conséquences. D’autres relatent des initiations fructueuses mais torturées, plutôt effrayantes pour qui voudrait s’y hasarder. En tout état de cause, cette littérature présente un côté abscons, qui nécessite des traductions et commentaires de spécialistes indianistes. La transmission de l’enseignement était essentiellement orale sous la vigilance d’un gourou, confinée au fond des ashrams ; les textes de référence n’étaient pas destinés à vulgariser le phénomène, mais beaucoup plus à en affiner l’expertise pour un public de hautes lignées initiatiques. Cette science sophistiquée n’était partagée que par une population restreinte d’initiés capables d’en apprécier la juste valeur.

Le Cachemire, situé au Nord de l’Inde, constitua le berceau de l’enseignement tantrique qui – à mon sens – fournit l’éclairage le plus judicieux des processus d’éveil des forces de la kundalini. On ne peut comprendre l’essence des tantra sans avoir intégré une connaissance suffisante de la kundalini.

Parmi les mystiques les plus remarquables, rendons hommage à Abhinavagupta (975-1025), philosophe exégète et véritable génie qui, dans son monumental ouvrage Tantraloka (Lumières sur les tantra), expose des aspects d’une précision inouïe sur l’éveil, le déploiement et la maîtrise de cette énergie fondamentale. Il affirme notamment que la kundalini n’est que vibration, ondulation vibrante de très haute fréquence : « Shiva, conscient, libre, d’essence transparente, sans cesse vibre, et cette suprême énergie monte à la pointe extrême des organes sensoriels ; il n’est plus alors que jouissance et, comme lui, vibre l’univers tout entier. »

Dans le même esprit, citons pour leur beauté quelques stances des célèbres poèmes de la mystique cachemirienne Lalla (Lal Ded) du xive siècle, qui célèbre son accomplissement comme suit : « Lorsque l’esprit qui différencie s’assoupit, la kundalini s’éveille ! La source des cinq sens jaillit constamment. L’eau de la présence continue au monde, est douce et je l’offre à Shiva. Le frémissement perpétuel de la conscience est l’état suprême... Je ferme les portes et les fenêtres de mon corps et maîtrisant ma respiration, je m’empare du voleur de mes souffles. Je l’attache solidement dans le secret de mon cœur et je l’écorche avec le fouet de OM [...] Par l’absorption de mes pensées j’ai amené la syllabe mystique OM sous mon contrôle. De mon corps j’ai fait un charbon ardent. J’ai traversé les six chemins et atteint le septième.

Et moi, Lalla, suis parvenue au séjour de l’illumination. [...] J’ai retenu d’une bride ferme le coursier de mes pensées. Par une pratique intense j’ai rassemblé les souffles de mes dix courants. Ainsi donc la seizième portion de la lune a fondu et s’est déversée sur moi. Et un vide s’est absorbé dans le Vide. »

Le Satcakra-Nirupana, autre référence védique, nous en donne une description légère : « Belle comme une succession d’éclairs, délicate comme une fibre (de lotus), elle brille dans l’esprit des sages. Subtile à l’extrême, elle éveille la connaissance suprême et incarne le bonheur absolu, dont la vraie nature est la conscience pure. »

L’hindouisme post-védique nous offre une cosmogonie empreinte des principes d’équilibrage des forces duelles. En l’occurrence, il est dit qu’en réponse à des remontrances d’Indra9, Vishnou10 élabore un plan en vue de préserver l’ordre cosmique. En sollicitant la coopération des démons, il vise à activer l’équilibre dynamique des forces-spirales qui s’opposent dans l’univers. Ainsi, les démons et les dieux hissent alternativement Seesha, le serpent cosmique enroulé autour de l’axe du monde, le mont Mandara, ce qui fait tourner le pivot central, baratter l’Océan laiteux et produit Amrita, le liquide de l’immortalité.

Nous retrouvons ici la transposition des principes subtils d’activation de cette énergie à l’intérieur du corps de l’homme.

Dans cette même tradition, la puissance de la kundalini, dans sa version certes plus courroucée, est également associée à la déesse Kali. « Kali est une puissance terrible : lorsqu’elle se lève, rouge de colère, les démons et les dieux sont stupéfaits. Ne connaissant pas ses intentions, ils se taisent. Ils demandent au seigneur Shiva de l’apaiser, mais Kali le jette à terre en rugissant de colère, et elle s’installe debout sur sa poitrine, la bouche grande ouverte, avide de chair et de sang. [...] Quand les dieux font des prières pour pacifier Kali, elle devient calme et tranquille. Puis apparaît alors Durga, le symbole supérieur, subtil et bienveillant de l’inconscient. Durga est une belle déesse assise sur un tigre. C’est une déité qui efface toutes les conséquences néfastes de la vie et donne la puissance et la paix. [...] Avec l’éveil de Kali, la puissance inconsciente de l’être humain s’élève à la rencontre de la manifestation suivante qui est Durga, la conscience supérieure qui accorde gloire et beauté. »

Plus près de nous, dans la fin des années soixante, fut enseigné en Occident par Yogi Bhajan (1929-2004) un yoga11 dénommé « Kundalini Yoga ». Cet ensemble de pratiques puissantes fut destiné, dans un premier temps, à un public de toxicomanes dans le but de les aider à rompre avec leur dépendance. Il diffusa cependant son enseignement dans le monde entier, se démarquant ainsi de la tradition de transmission du secret aux seuls disciples dûment encadrés par un gourou. Il contribua ainsi à démystifier un processus afin de le rendre accessible au plus grand nombre, même s’il souhaitait avant tout former des enseignants.

Dans le même temps, en Inde, évoluait un universitaire et philosophe, Sri Bagwan Rajneesh (Osho) (1931-1990), qui rechercha l’harmonie et la totalité qui repose au cœur de toutes les traditions religieuses et spirituelles.

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1 La plus ancienne langue écrite, parlée dans le sud de la Mésopotamie pendant le IIIe millénaire av. J.-C.
2 Anton Parks, Les chroniques du Girku, volume 1 : « Le secret des étoiles sombres », Éditions Nouvelle Terre.
3 Isha Schwaller de Lubicz, Her-Bak disciple, Éditions Champs Flammarion, 1956.
4 René Guénon, Le Roi du monde, Gallimard, 1958.
5 La Danse de vie des lettres hébraïques (éditions A.L.T.E.S.S.).
6 Doctrine occulte des alchimistes au Moyen Âge et à la Renaissance.
7 Halligan F.R. Keeping, Faith with the future (Confiance dans le futur).
8 Ancienne langue de l’Inde réservée à l’élite sociale, dont les origines remontent à l’Antiquité.
9 Un des principaux dieux tutélaires de l’hindouisme, maître de la Nature, roi suprême des « devas ». Détrôné par Vishnou et Shiva dans l’hindouisme tardif, son nom signifie « force », « courage », « puissance ».
10 Un des trois dieux de la trinité hindoue avec Brahma et Shiva, associé à la conservation et à la protection.
11 Discipline issue des écoles de philosophie indienne cherchant à réaliser l’unification de l’être humain dans ses aspects physique, psychique et spirituel.


 

Régine Degrémont       

                        
                                                                              

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