Vieillir : le cap des 50 ans


50 ans de près ou de plus loin, c’est vraiment un âge particulier, un moment de bascule en fait, une nouvelle étape de notre développement, un pivot, un renouvellement. Et si on
le prend comme ça, comme un renouvellement, il passe mieux, plus en douceur.

Ça peut vous paraître étrange si vous êtes quadra en route vers vos 50 ans ou jeune quinqua. A priori, c’est une dizaine qu’on n’a pas très envie de voir arriver, même chez celles qui ne sont pas le nez collé à leur âge : 50 ans ça « fait quelque chose ». Au départ, c’est un peu indéfinissable et puis à mesure qu’on s’en approche, l’âgisme fait son travail de sape et on se retrouve dans une position inconfortable.

Tout va bien et pourtant...
Vu de l’extérieur, tout est OK. Rien de particulier à signaler si ce n’est quelques signes du temps qui passe. Le corps qui récupère moins vite, la peau qui manque d’éclat et de fraîcheur, des hauts et des bas émotionnels, une énergie plus aléatoire, le reflet dans le miroir qui n’est pas toujours fidèle à l’image de soi, des kilos en trop qui nous pèsent, le regard des autres qui change un peu, surtout au boulot, où l’on ressent une pression différente.

Les mots en « -ior » et les cases toutes faites dans lesquelles on n’a pas envie d’entrer, nos parents qui vieillissent, les enfants qui n’en sont plus, les questions qu’on se pose, le boulot qu’on questionne, le sens que l’on cherche avec plus d’avidité probablement... Toutes ces petites horloges jalonnent nos journées.

On essaie bien de faire comme si de rien n’était, comme si cet anniversaire-là ne comptait pas davantage que les autres, comme si nous nous sentions super confortables avec cette dizaine qui pointe le bout de son nez (presque) à notre corps défendant !
Jour après jour, on sent la pression qui monte et le malaise qui s’installe. Le malaise de quoi, en fait ?

Le malaise des 50 ans
D’où vient cette zone d’inconfort ? Cette déstabilisation qui grignote du terrain depuis quelques années déjà, depuis qu’on s’approche des 50 ans justement. D’où vient ce malaise ? Cette appréhension du temps qui passe trop vite, des années qu’on n’a pas vraiment vu filer. Mental FM qui s’en donne à cœur joie avec ses pensées limitantes, ses croyances négatives qui nous paralysent et nous enferment dans des « maintenant, je ne peux plus me tromper », « est-ce que vraiment je suis certaine d’être sur le bon À l’approche de mes 50 ans, j’avais l’impression d’être en zone de turbulences avancée, de brouillage de mes repères habituels. J’avais de plus en plus de mal à continuer à faire « comme si » et à avancer tout droit. Vers quoi, en fait ? J’avais l’impression que mes journées, mes semaines se répétaient à l’infini. Je n’étais pas malheureuse du tout. J’avais même tout pour être heureuse et pourtant je sentais bien que je mettais de plus en plus de poussière sous le tapis. Je résistais au flot d’interrogations, de questions sur le sens de tout ça. C’est sûr que dans cet état d’esprit, certaines réunions apparaissent quelque- fois hors-sol, déconnectées du monde réel. Je me demandais de plus en plus fréquemment « pourquoi je suis ici ? », « qu’est-ce que je fais là ? », « pourquoi je supporte tout ça ? », « où tout cela me mène-t-il ? ».

Je sentais que mon inconfort émotionnel était différent, que cette fois-ci, il était important d’y faire face différemment, de l’accepter, de l’entendre sans chercher à lui trouver des réponses toutes faites, trop faciles pour être vraiment honnêtes.

Alors, j’ai décidé de me poser pour comprendre quel message toutes ces peurs voulaient me faire passer. Je laissais mes pensées tourner en boucle sans chercher à les museler avec le pressentiment qu’au final, quelque chose allait en sortir. Je n’ai pas été déçue.

Un matin, je me suis surprise à me dire : « Et si tout simplement elles étaient liées à la peur de vieillir ? d’être exclue de là où tout se passe ? de ne plus faire partie de celles qui font bouger les lignes ? de celles qui sont des actrices économiques qui comptent ? » C’était comme si une obsolescence programmée faisait son œuvre. J’avais un début de réponse à la raison de mon inconfort et à ma crainte des 50 ans.

Personne ne veut vieillir, vous l’aurez remarqué. Et je n’ai, je crois, jamais croisé aucune femme, ni aucun homme non plus d’ailleurs, qui m’ait dit : « Chouette, je vieillis ! » Dans le meilleur des cas, on ne parle pas de l’âge, ou alors à mots couverts. Je n’ai pas une passion pour les années qui s’accumulent et je me suis toujours arrangée pour en faire un prétexte à des chouettes fêtes qui faisaient mieux passer la pilule.

Je n’avais pas imaginé qu’un jour vieillir me déstabiliserait à ce point. Peut- être est-ce lié à mon univers professionnel très branché sur la jeunesse, la beauté, la mode, où vieillir est encore plus stigmatisant qu’ailleurs ? C’est probable, mais quel inconfort !

J’ai cherché de l’aide pour comprendre et sortir de ma confusion. Et, magie de la synchronicité, est arrivé sur mon chemin un livre génial du docteur Christophe Fauré sur la transition du milieu de vie, Maintenant ou jamais ! Titre très évocateur. Là, tout s’est éclairé tellement je reconnaissais mes interrogations, mes doutes, mes peurs au fil des pages. Ce livre me rassurait. Je prenais conscience que mes interrogations, mes peurs étaient normales.

La transition du milieu de vie, magnifique concept qui pose les termes de l’inconfort, qui met un nom sur ces turbulences émotionnelles qui nous assaillent et nous fragilisent. C’est un moment de notre existence qui nous amène à reconsidérer nos croyances, nos habitudes, nos comportements, nos relations aux autres et à nous-mêmes. Un moment « naturel », qu’il est normal de rencontrer.

Tout simplement « une nouvelle étape de notre développement en tant qu’être humain. Comme toutes les étapes de notre vie, elle nous affecte du point de vue physique, psychologique, relationnel et spirituel. Nous pouvons la traverser avec conscience, pragmatisme et intelligence, comme nous pouvons nous y perdre et y errer pendant quelque temps 3 ».

J’ai lu et relu ce livre. J’ai laissé les mots cheminer en moi, faire leur travail. Je me suis appuyée sur eux pour faire le mien. Car oui, la transition du milieu de vie demande de l’investissement, du travail personnel, du temps, de la persévérance et du courage. Elle requiert de l’attention et son chemin peut se révéler ardu certains jours. Surtout persévérer, ne pas se décourager. Car au fil du temps, la transformation opère. Et je vous assure que ça en vaut vraiment la peine.

Bas les masques !
Nos masques, nous en portons toutes, et pas qu’un seul ! Soyons honnêtes, ils nous ont servi, nous les avons aimés, adorés même parfois et aujourd’hui ils nous pèsent car nous savons au fond de nous que ce personnage que nous avons construit est une interface avec notre environnement. Dans ses écrits, Jacques Lacan pose « qu’on finit toujours par devenir un personnage de sa propre histoire ».

Et c’est assez vrai en réalité. Quand nous nous identifions trop à l’image que nous donnons aux autres, nous nous enfermons dans un rôle qui avec le temps nous semble étriqué, plus complètement en phase avec ce que nous aspirons à être. Au fur et à mesure de notre évolution, nous ressentons la pression de ce personnage trop étriqué dans lequel nous nous sommes construites et par la suite (peut-être) enfermées. Ce personnage nous a beaucoup aidées pour trouver notre place et il n’est pas question de le reje- ter. Juste de laisser la place à d’autres parties de nous qui ont envie, besoin de s’exprimer. Il s’agit alors de faire de la place pour accueillir la nouveauté.

Pendant plus de dix ans, j’ai joué mon personnage de « blonde torpédo ». Je l’aimais bien cette jeune femme guerrière que rien n’arrêtait, qui courait beaucoup sur ses talons de 12 cm, qui adorait son métier et l’univers dans lequel elle évoluait. Simplement, au bout d’un temps, j’ai ressenti le besoin de me libérer de ce personnage. C’était bon. J’en avais fait le tour et j’avais envie d’autre chose. J’avais besoin d’air, besoin de respirer hors de cette image.

Alors, je l’ai remerciée pour tout ce que nous avions vécu et accompli ensemble et je m’en suis détachée. Ça a pris du temps, pas mal de temps en fait, accompagné de larmes, de doutes, d’inquiétudes, de peur du vide, de joies aussi, de fulgurances, de découvertes. Ce fut un lent travail d’effeuillage, pendant lequel on enlève les couches les unes après les autres comme on pèle un oignon. Elles se détachent plus ou moins rapidement, avec plus ou moins d’aisance, de résistance. Qu’importe, je me suis accrochée, même quand c’était dur, ingrat, et aujourd’hui je sais que j’ai bien fait de tenir.

Natacha Dzikowski

 
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