Cette première question en amène bien d’autres concernant la nécessité du sommeil, son exploration, sa constitution ainsi que ses différentes variantes.
LE SOMMEIL ET SA NÉCESSITÉ
Comment définir le sommeil ?
À quoi conduit sa privation ?
Quels en sont les bienfaits ?
1. COMMENT DÉFINIR LE SOMMEIL ?
L’existence du sommeil fait partie de ces évidences difficiles à cerner. On pourrait en dire autant de tous les signes se rapportant aux grandes fonctions de l’organisme : la faim, la soif, la douleur et, bien sûr, la fatigue puisqu’elle est une des conséquences directes des troubles du sommeil : ils existent, c’est un fait, mais peut-on pour autant les définir de manière simple sans tomber dans une simplification abusive ?
Y a-t-il une seule et unique définition du sommeil, ou bien cette dernière varie-t-elle en fonction des opinions ou du point de vue considéré ?
Il ne s’agit pas là d’un simple débat d’idées car les différents angles d’abord qui aboutissent à la délimitation d’un sujet sont le reflet de ses différentes composantes et leur étude aboutit bien souvent à des conséquences pratiques.
En outre, l’étude de l’historique et de la symbolique du sommeil va nous permettre de mieux comprendre la nature du phénomène et de ses troubles ou dérèglements.
Quelques références courantes
Le mot sommeil est omniprésent dans toute notre existence ; on le retrouve partout.
- En tant que tel tout d’abord :
• on peut noter la définition d’un dictionnaire grand public : « État d’une personne dont la sensibilité et l’activité se trouvent suspen- dues. »
• on peut aussi en donner une définition plus technique tirée d’un dictionnaire des termes médicaux : « État physiologique périodique et quotidien caractérisé par la suspension réversible des fonctions de la vie de relation. »
- Incorporé dans des expressions imagées :
• en rapport avec sa fonction : mettre en sommeil un individu ou un projet ;
• ou en rapport avec l’aspect du dormeur : « le grand sommeil », « le sommeil éternel » sont des expressions évitant d’avoir recours à un terme plus tabou : la mort.
Ces différents exemples montrent que l’emploi du terme dépasse largement sa signification physiologique pour prendre une réelle dimen- sion symbolique.
Selon l’apparence du dormeur
Il est parfois plus simple de définir une vue des choses par ce qu’elle n’est pas plutôt que par ce qu’elle est.
En ce qui concerne le sommeil, on le voit bien différent, bien sûr, de l’état d’éveil où le système cerveau-organes des sens fonctionne à plein en interaction avec l’environnement, mais aussi de la relaxation ou des malaises dits vagaux où le sujet, bien qu’en inertie apparente, entend et réalise tout ce qui se dit et se fait autour de lui.
Sur un autre plan, le sommeil est différent du coma, durant lequel les fonctions neurosensorielles sont muettes en dépit des plus fortes stimulations. On peut donc dire, de manière approchée, que le sommeil est « un état de déconnexion neurosensorielle, total mais réversible ».
Selon sa nécessité
On peut aussi tenter de définir un état par son utilité ou sa vocation ; en ce qui concerne le sommeil, le but semble être double.
• Le sommeil est assimilable à une « retraite » au sens militaire du terme : une mise à l’écart temporaire destinée à reprendre des forces, à récupérer pour pouvoir mieux repartir de l’avant.
• Mais aussi on peut le voir comme un élément permettant de se ressourcer, se régénérer, se « réinitialiser » comme on dit en informatique, autrement dit « remettre les compteurs à zéro ».
Au total, on peut aboutir à une définition ou à une délimitation de l’état de sommeil plus élaborée et plus complète : « Le sommeil est un état réversible d’assoupissement de la conscience, de la sensibilité et de l’activité. » Ou bien : « Le sommeil est un état précis de l’esprit et du corps dans lequel le corps et dans un état de repos profond et l’esprit inconscient du monde extérieur. »
Quoi qu’il en soit, les experts s’entendent sur le fait que le sommeil est un état altéré de conscience dans lequel plusieurs fonctions physiques et mentales continuent d’opérer, dans un monde différent, même en l’absence de stimulation environnementale.
Enfin, pour en revenir à l’essentiel et retenir le message du sommeil, on peut dire qu’il s’agit d’un véritable baromètre de notre santé mentale et physique.
2. À QUOI CONDUIT LA PRIVATION DE SOMMEIL ?
La dimension psychosomatique du sommeil
Cette dimension psychosomatique existe bien et on la retrouve à tous les niveaux.
Au niveau du rôle attribué au sommeil, repos à la fois physique et mental, mais aussi à celui des conséquences des troubles du sommeil, nous le verrons. Enfin, elle apparaît même au niveau de la structure des éléments du sommeil et bien sûr au niveau des mesures à prendre pour pallier ou éviter les insomnies.
Ceci est valable pour toute l’existence, tant il est vrai qu’à tout âge le dormeur « met en veilleuse » à la fois son corps et son esprit.
Rapports entre le sommeil et les biorythmes vitaux
Dans l’Univers, tout et cyclique et rythmique, du rythme des étoiles à celui des atomes.
De même, toutes nos fonctions sont rythmiques et réglées par une sorte d’horloge biologique. Le sommeil qui, comme nous le verrons, est en lui-même un phénomène cyclique, n’échappe pas à cette règle. Il est corrélé au biorythme activité-repos, lui-même sous la dépendance du vaste cycle jour/nuit ou cycle solaire.
La partie de l’horloge biologique qui régule le mécanisme du sommeil est une petite zone située à la base du cerveau appelée hypothalamus.
D’autres biorythmes sont rattachés ou dépendants du biorythme du sommeil : température du corps, rythme respiratoire, hormone de croissance, etc.
L’étude du sommeil et de ses troubles nous replace donc au cœur du fonctionnement de l’horloge biologique et des biorythmes vitaux.
À quoi conduit la privation délibérée de sommeil ?
Globalement, la privation de sommeil aboutit à un épuisement physique et nerveux accompagné d’hallucinations sensorielles, visuelles au premier chef.
On assiste à des troubles psychologiques graves, surtout en cas de privation sélective du sommeil paradoxal, le sommeil des rêves.
Expérimentalement, ces troubles conduisent, à plus ou moins long terme, à la mort.
On sait aussi que la privation de sommeil fait partie de l’arsenal mis en œuvre pour faire avouer à quelqu’un quelque chose qu’il a fait... ou n’a pas fait, car l’individu est, dans ces conditions, prêt à tout pour pouvoir dormir.
Les volontaires de privation de sommeil n’ont pas pu tenir plus de onze jours ; toutefois nous ne sommes pas égaux devant la privation de sommeil : il existe une notion de résistance individuelle, sans doute d’origine génétique.
La privation sommeil est une démonstration a contrario du rôle de récupération du sommeil tant sur le plan physique que sur le plan mental, ce qui nous mène directement à la question suivante.
La « théorie de la récupération »
Cette théorie qui fait dire que l’organisme « récupère » au cours du sommeil peut furieusement ressembler à une lapalissade. La vraie ques- tion est : comment récupère-t-il ?
À ce sujet, deux théories s’affrontent.
• Une théorie plutôt somatique : la restauration des tissus se fait essentiellement par l’intermédiaire de l’hormone de croissance, d’où l’importance de cette dernière chez l’enfant pour assurer sa fonction première, et chez l’adulte pour préserver la jeunesse.
• Une théorie plutôt psychologique qui fait intervenir surtout le rôle du cerveau avec comme preuve une augmentation du métabolisme cérébral pendant le sommeil.
En fait, il semble que le sommeil entraîne le repos et la restauration à la fois au niveau des muscles et du cerveau, au niveau de « la tête et des jambes » en quelque sorte, avec en plus un développement actif sur le plan physique (défenses immunitaires) et sur le plan psychologique (mémoire et créativité), une sorte de « repos actif », en somme.
On retrouve, là encore, la dualité psychologique et somatique du sommeil.
3. QUELS SONT LES BIENFAITS DU SOMMEIL ?
Il renforce la mémoire et la créativité.
Nous parlons là de la phase du sommeil qui nous permet de rêver, appelée aussi sommeil paradoxal et dont nous reparlerons.
Elle permet de trier et mémoriser les éléments acquis lors de la journée précédente.
C’est aussi une période active pour les processus d’apprentissages, fondamentaux chez le nouveau-né et le petit enfant.
Elle permet de plus le développement des processus cognitifs et a une utilité dans la visualisation et l’organisation de la journée à venir.
Enfin, elle est corrélée à la création artistique « au saut du lit » ou à la découverte géniale du réveil, plus simplement à la solution trouvée à un problème évoqué la veille au soir, au cours de l’endormissement.
Il apparaît donc évident que se développe au cours du sommeil tout un travail de maturation et d’approfondissement des idées, utile à la fois à la mémorisation des données du passé proche et à la création des éléments du futur.
Il stimule les défenses immunitaires.
Un bon sommeil joue un rôle très important de garant du bon fonctionnement immunitaire de l’organisme.
En effet, les défenses naturelles de l’organisme s’affaiblissent lors d’une fatigue intense due à des situations conflictuelles, de surmenage, de stress excessif, toutes circonstances souvent accompagnées de troubles du sommeil.
Lors d’une épidémie, de grippe par exemple, l’état maladif est plus fréquent chez les sujets stressés psychologiquement ou socialement et qui récupèrent moins bien par le sommeil.
Le sommeil semble donc bien jouer un rôle dans le renforcement de la défense face aux agressions microbiennes ou virales. Cette action est d’ailleurs à double sens :
– insomnies et fatigues accompagnent des infections diverses parfois graves telles que celles rencontrées chez les personnes atteintes du virus du sida ;
– inversement,lemanque de sommeil altère les mécanismes biologiques de défenses immunitaires. Le sommeil a donc une grande utilité pour maintenir l’organisme en forme et l’aider à lutter contre les diverses formes d’infection.
C’est en ce sens que l’on peut affirmer qu’un bon sommeil est une composante capitale de la bonne hygiène de vie.
Il assure beauté et bien-être.
Durant le sommeil, les synthèses de protéines s’effectuent, le corps se régénère, la fatigue accumulée pendant la journée s’efface. Le corps et le visage tout particulièrement, récupèrent donc un aspect reposé. Cernes, yeux creusés, visage tiré, teint brouillé traduisent vraisemblablement une mauvaise nuit de sommeil ou un sommeil altéré. Certaines personnes se plaignent d’insomnies lorsqu’elles portent sur leur visage la trace d’un sommeil qualifié de non réparateur.
Pourtant, la survenue de ces signes chez certains dormeurs « excessifs » ne démontre pas obligatoirement leur rapport avec l’insomnie tant il est vrai que les circulations sanguine et lymphatique diminuent pendant le sommeil, sous l’influence du relâchement musculaire et de la position allongée.
Massages et drainage lymphatiques permettent toutefois de les atténuer.
Donc : suffisamment de sommeil mais pas trop ; en cette matière comme en tant d’autres, l’excès nuit.
L’EXPLORATION DU SOMMEIL
Comment se déroule-t-elle ?
Quels sont les renseignements obtenus ?
... sont les deux questions fondamentales que l’on se pose à son
propos.
4. COMMENT SE DÉROULE-T-ELLE ?
Rôle de l’étude du sommeil
Cette étude répond à deux buts distincts :
> L’étude du sommeil normal :
– elleportesurlaconstitutiondusommeillui-même:stade,rythme, etc. ;
– sur les conséquences sur l’organisme : cardio-circulatoire, hormonales, etc. ;
– sur les variations en fonction de l’âge, de circonstances externes, etc.
Tout ceci afin de mieux connaître et d’approfondir les mécanismes du phénomène.
Tout élément sortant de ce cadre de normalité devient, par définition, anormal et doit faire objet d’études particulières.
> L’étude des troubles du sommeil :
– retentissement direct sur la configuration du sommeil ;
– retentissement indirect sur les fonctions organiques : oxygénation des tissus, réactions corporelles...
Enfin, en annexe à ces deux buts fondamentaux s’ajoute, bien entendu, l’étude des effets bénéfiques des prises en charge et traitements divers.
Toutes ces recherches nécessitent un appareillage compliqué, sophis- tiqué et très efficace, sous la triple réserve d’avoir :
– des conditions d’enregistrement favorable ; – une bonne réception des renseignements ; – une bonne interprétation des résultats.
L’appareillage nécessaire en centre spécialisé
Une étude complète du sommeil nécessite, nous l’avons dit, un appareillage complexe et sophistiqué afin de bien saisir tous les paramètres, de faire une bonne évaluation de la situation et d’en tirer toutes les consé- quences pratiques.
L’étude des phases du sommeil, de leurs conséquences sur l’orga- nisme et des phénomènes connexes nécessite :
– courbes des tracés électriques du cerveau bien sûr, mais aussi des mouvements des yeux et du tonus des muscles ;
– enregistrement en continu du pouls, de la tension artérielle, de la résistance électrique de la peau, de l’oxygénation par mesure au niveau du doigt ou l’oreille ;
– capteurs multiples renseignant sur la position du corps, les mouvements thoraciques de lutte contre l’asphyxie ;
– enregistrement du son pour étudier : bruit respiratoire, ronflement, pause ou arrêt respiratoire ;
– cathéters veineux pour étudier les gaz du sang, les dosages hormonaux ;
– caméras infrarouges pour étudier les réactions du dormeur à telle ou telle situation.
Tout ce matériel est indispensable pour tirer le maximum d’informations de cette étude.
Configuration et conditions d’environnement
La configuration des lieux ainsi que les conditions d’hébergement doivent assurer au maximum la mise en confiance et l’obtention d’un sommeil le plus proche possible de celui qui est naturel à l’intéressé.
Un bon abord psychologique, quelques paroles douces et rassurantes, des explications claires sur l’appareillage, des manœuvres atraumatiques et non douloureuses doivent compléter la mise à l’aise. Lumière douce, silence ou musique préférée, lecture, tous les moyens sont bons pour obtenir un état de relaxation propre à l’endormissement.
Est-il besoin de dire que la chambre, réservée exclusivement à cet usage, comporte un seul lit et qu’elle sera située dans un secteur spéci- fique, tenu à l’écart de l’agitation souvent propre aux hôpitaux.
La personne doit pouvoir apporter quelques effets personnels.
Il faudrait aussi obtenir que le sujet occupe la chambre plusieurs jours avant l’examen afin de s’y habituer, l’idéal étant l’obtention d’un sommeil naturel sans l’aide d’un quelconque hypnotique. Mais, c’est le cas de le dire... il ne faut pas rêver !
5. QUELS SONT LES RENSEIGNEMENTS OBTENUS ?
L’exploitation des résultats
Elle va concerner :
– l’architecture du sommeil proprement dite : normale ou désarticulée, l’existence de troubles du rythme, de pauses respiratoires, de signes d’asphyxie, d’un ronflement, etc. ;
– les conséquences des troubles du sommeil : diminution de l’oxygénation des tissus, existence d’épisodes de lutte respiratoire en cas d’asphyxie, etc. ;
– les effets de la prise en charge : amélioration progressive constatée lors d’examens successifs.
Les limites de la méthode
Elles peuvent être liées aux examens : difficulté d’interprétation, résultats à la limite de la normale, existence d’un trouble discontinu... tout ceci amenant à pratiquer d’autres examens de contrôle.
Elles peuvent être liées à l’individu : interaction entre un individu anxieux et la transplantation, gêne liée à l’appareillage, le tout aboutissant à un sommeil peu profond, intermittent ou tout simplement absent.
Enfin, on n’est jamais à l’abri d’un événement intercurrent non souhaité : panne, grève, grippe amenant à un report ou au renouvellement d’un examen qui persiste toutefois à être indispensable car, en médecine, le diagnostic précède toujours le traitement.
Peut-on explorer le sommeil chez soi ?
De tout ce que nous venons de dire, il ressort que l’exploration du sommeil à domicile est difficilement complète, ceci par manque de moyens techniques sur place. Par contre, elle a l’avantage de maintenir le sujet dans son milieu de sommeil habituel.
Elle est surtout utilisée dans deux cas particuliers.
– L’étude du ronflement, car elle permet, au minimum, de mettre le ronfleur
face à son trouble et assez souvent, grâce à l’appareillage ambulatoire
miniaturisé, d’en faire une étude utilisable sur le plan pratique.
– L’enfant, car elle permet un sommeil calme dans ce milieu sécurisant qu’est la chambre à coucher habituelle, chez un petit être très sensible au changement d’environnement.
De plus, à l’heure actuelle, les progrès de la miniaturisation et de l’infor- matisation mettent à disposition un matériel beaucoup plus léger et moins impressionnant qu’il n’était auparavant, sous forme d’une puce électronique intégrée dans une sorte de « moustache », qu’on fixe sous le nez et dont les résultats sont secondairement exploités par ordinateur.
Dr Jean-Loup Dervaux
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