MAÎTRISER OU ÉLIMINER LES CROYANCES IMPLANTÉES

La joie, la tristesse, la mélancolie, tous les sentiments et toutes les sensations sont des « états ». Un maître védantiste vous dirait : « Personne n’est joyeux, personne n’est triste, personne n’a peur, personne ne souffre, tous ces sentiments ou ces sensations ne sont que des états du moi. Le moi peut s’y complaire ou les quitter comme on quitte un vêtement », mais la plupart des ego en sont incapables, ils ne savent que les subir. Dans ce cas, un état en chasse un autre... Tous ces états se traduisent par des sensations physiques bien précises. Ainsi, en état de joie, on a l’impression d’une surpression à l’intérieur du cœur (comme s’il allait exploser de joie) et d’une surventilation des poumons.

 


Détecter puis éviter : le geste inutile, la parole inutile, l’émotion inutile... Telle est la première clé.

> Pourquoi cet apprentissage est nécessaire
L’homme est un singe raisonnable. Comme le singe, il apprend en répétant les mouvements qu’il observe.

De la même façon, c’est un perroquet raisonnable, il apprend en répétant les paroles, les cris, les exclamations qu’il entend.

Cependant, l’homme qui reproduit une parole ou un geste associé à une émotion se conditionne pour ressentir cette émotion. S’il s’agit d’une parole, il se conditionne pour adopter une opinion...
Or ces conditionnements peuvent masquer, voire inhiber, des potentialités d’action ou de développement.

Souvent, c’est en débusquant l’un de ces conditionnements que vous libérerez une possibilité enfouie au plus profond de la personnalité.

> Quelques exemples
• La suggestion par le geste stéréotype
L’animateur de médias, mais aussi tous ceux qui manipulent des foules ou des groupes, enseigne des stéréotypes.
Ainsi, tous les animateurs de télévision demandent – ou demandaient à une certaine époque – à tous les candidats à un jeu télévisé d’accomplir
un geste précis pour manifester leur joie. Quand ce geste a été montré un nombre suffisant de fois à un sujet, il est intimement associé aux sentiments de joie, de victoire, de joie consécutive à une victoire. Nous l’avons appelé « la gesticulation du vainqueur ».

Accomplir ce geste, imiter le candidat gagnant, va induire le sentiment auquel il est associé et constituer une autosuggestion involontaire.

Voir ce geste accompli par une foule induit le sentiment auquel il est associé.
L’homme étant un singe, quand je vois tous les spectateurs d’un match se lever pour accomplir ce geste en hurlant leur joie, je ressens en mon corps une « pulsion de joie ».

C’est totalement physique, et chacun peut le constater. Par exemple, si vous regardez un jeu télévisé que vous trouvez habituellement ennuyeux et que vous portez votre attention sur ce que vous ressentez dans la poitrine (c’est là que se manifeste la sensation de joie), vous ressentirez malgré tout, quand le candidat fait ce geste, une pulsion de joie.

Un autre geste stéréotype très commun est celui que fait l’homme politique quand il « martèle ses affirmations » (voir figure 2). En accompagnant chaque affirmation de ce geste, il affirme sa volonté d’appliquer une série de mesures, mais il tente – et le réussit souvent – de projeter cette même volonté dans la tête de ses auditeurs. À chaque coup de marteau, il fait monter l’enthousiasme militant

(c’est aussi une sensation), il soude le groupe de ses auditeurs en leur donnant des objectifs communs...

€Ce qui vaut pour les gestes vaut pour les mots et bien d’autres choses...
Le « On a gagné ! » scandé par les supporters est porteur lui aussi d’une pulsion de joie que ressentent même les indifférents. Le seul fait de les entendre le scander enclenche cette sensation.

Les pulsions émotionnelles et sentimentales
La joie, la tristesse, la mélancolie, tous les sentiments et toutes les sensations sont des « états ». Un maître védantiste vous dirait : « Personne n’est joyeux, personne n’est triste, personne n’a peur, personne ne souffre, tous ces sentiments ou ces sensations ne sont que des états du moi. Le moi peut s’y complaire ou les quitter comme on quitte un vêtement », mais la plupart des ego en sont incapables, ils ne savent que les subir. Dans ce cas, un état en chasse un autre... Tous ces états se traduisent par des sensations physiques bien précises. Ainsi, en état de joie, on a l’impression d’une surpression à l’intérieur du cœur (comme s’il allait exploser de joie) et d’une surventilation des poumons.

À l’inverse, l’état de tristesse donne l’impression qu’une main étrangère comprime le cœur et s’accompagne d’une sensation de sous-ventilation des poumons.

La peur, c’est une boule presque douloureuse dans le ventre accompagnée d’une difficulté à respirer et parfois de sueurs froides. La colère, c’est une tenaille qui s’empare de l’estomac parfois accompagnée d’acidité et d’une « poussée d’adrénaline » qui donne une envie de crier, de frapper...

La mélancolie crée une impression de grande fatigue, de faiblesse générale souvent accompagnée d’un goût amer dans la bouche... Ces sensations sont toujours identiques chez la même personne et se manifestent de façon plus ou moins intense suivant les circonstances : il existe de petites satisfactions et de grandes joies, elles donnent des sensations de même nature mais d’intensité différente. En revanche, leur nature peut varier légèrement d’une personne à l’autre suivant son tempérament.

Personnellement, je suis indifférent au football (je sais que je me rends impopulaire en l’avouant, mais je l’assume). Non seulement j’y suis indifférent, mais ce sport m’ennuie et les manifestations d’enthousiasme de ses supporters aussi. Pourtant, cette indifférence n’empêche rien. J’étais un jour à la terrasse d’un café, et des supporters descendaient les Champs-Élysées en scandant « On a gagné ! ». J’étais en pleine discussion professionnelle, et cette bruyante interruption (on ne s’entendait plus) me contrariait sérieusement. Néanmoins, j’ai nettement eu conscience de la pulsion de joie générée par l’attitude des supporters.


Cette prise de conscience vaut pour les mots, et elle vaut aussi pour les idées. Il existe des idées porteuses de vérité et d’autres porteuses d’erreur, tout comme il existe des idées confortables et des idées inconfortables.
L’idée confortable est celle qui me fait penser directement ou indirectement : je suis un type bien, sensible, intelligent et si je ne suis pas aussi apprécié de mes contemporains que je devrais l’être, c’est la faute de...
À la place du point de suspension, le lecteur peut mettre ce qu’il veut : « l’enfance que j’ai vécue », « mes parents », « la société »...
L’idée inconfortable est celle qui me fait penser directement ou indirectement : je dois me perfectionner, prendre ma propre personnalité en main.
Qu’elles soient vraies ou fausses, les idées de la première catégorie conduisent à la stagnation et souvent à la déprime, celles de la seconde à l’action, au succès et au bonheur.

> Les problèmes ne servent à rien (sauf à créer la déprime)
Les idées visent l’intellect, mais sont porteuses d’émotion. Ainsi, quand j’avais environ vingt ans, quelqu’un m’a affirmé : « Si tu n’as pas de problèmes, c’est que tu manques de sensibilité. » À l’époque, je n’ai pas répondu, mais je n’en pensais pas moins ce je répondrais aujourd’hui : « Si je n’ai pas de problèmes, c’est parce que je n’en veux pas. »


Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la première affirmation reflète l’idée confortable, on pourrait aussi l’exprimer par : « Laisse-toi emporter par tes émotions » ; l’inconfortable est reflétée par la seconde qui pourrait se traduire par : « Ta conscience doit dominer l’émotion. » N’en doutons pas, il est plus facile de suivre la première que de se tenir à la seconde.
Quant au prétendu « manque de sensibilité », il ne m’empêchait en rien, à l’époque, de rêver parfois d’une bêtise faite à l’âge de cinq ans, de me rendre compte que, ce jour-là, je m’étais ridiculisé et d’être finalement réveillé par la honte. Quel cauchemar !

Je rêvais aussi d’une gifle reçue mais non méritée, de brimades subies à l’école primaire (fils d’instituteur, c’est très dur), d’une accusation de tricherie (non fondée) dans une composition en classe de seconde, et de beaucoup d’autres choses que la personne qui m’avait reproché mon manque de sensibilité aurait jugées très traumatisantes.

Toutes les sensations sont des drogues dures.
Abuser d’une émotion ou d’un sentiment peut créer une addiction. Par exemple, le dépressif pourrait être considéré comme un « drogué à la mélancolie1 », tout comme d’autres sont drogués à la sensation de joie partagée – une version plus violente de la pulsion de joie. On peut citer comme exemple les cas de certains supporters de sport qui vont jusqu’à s’endetter lourdement pour suivre leur équipe dans tous ses déplacements...

Traumatisants, ces épisodes l’étaient (ou l’avaient été) d’ailleurs, puisque je me réveillais bouleversé au milieu de la nuit, ou lorsque ces souvenirs revenaient au moment de l’endormissement, ils me maintenaient éveillé... Mais quelle importance ! Quelle importance pouvait bien avoir sur ma vie, à cette époque, ce que j’avais fait ou ce que j’avais subi quinze ans, dix ans ou même trois ans auparavant. Ce que j’avais fait, il n’était plus en mon pouvoir de le défaire, ce que j’avais subi, personne ne pouvait le défaire non plus. Donc, quand ces souvenirs désagréables me réveillaient, soit je lisais un livre passionnant, soit je me livrais à un travail qui me passionnait tout autant jusqu’à ce que le sommeil arrive ou revienne. En travaillant ou en lisant, j’oubliais la colère, la honte, l’angoisse et parfois la haine qu’avaient réveillées ces souvenirs.

Évidemment, je n’étais pas non plus satisfait ni de mon visage, ni de mon corps, ni des activités que j’avais à l’époque, ni de la société dans laquelle je vivais, etc.

> Les techniques pour lutter contre ces conditionnements Il y a peu de techniques et toutes sont simples à mettre en œuvre :
1. La surveillance permanente : portez attention aux gestes inutiles que vous effectuez, aux paroles que vous répétez sans y penser, aux idées « toutes faites » que vous proposent les médias ou votre entourage. Quand vous remarquez un geste inutile, supprimez-le. Quand vous repérez une parole que vous avez répétée sans trop en analyser le sens, demandez- vous quelle idée, voire quel conditionnement elle porte.

2. Le détournement d’attention : on peut « oublier » une émotion et les sensations qui l’accompagnent, une douleur morale ou sentimentale. Tout comme en détournant l’attention on peut oublier la douleur physique, la technique est identique. Nous apprendrons à le faire dans la suite de cet ouvrage. Notez cependant qu’il est bien plus aisé de détourner l’attention d’une douleur morale que d’une douleur physique.

3. La prise de conscience et l’observation : devenir témoin de soi-même. Votre conscience peut se dédoubler. Pour qu’elle y parvienne, il suffit qu’elle le sache et qu’elle se l’ordonne. Quand cet ordre est donné, on est deux : l’observateur et l’observé. Le but de l’opération est que l’observateur contemple avec sérénité, comme un spectateur, l’émotion ou la douleur morale ou physique qui envahit l’observé. Il se doit également d’exercer son esprit critique sur ce qu’il observe. Comme l’observateur et l’observé ne sont rien d’autre que deux « points de vue » d’une même conscience, l’observé apprend très vite par cette technique à maîtriser ses émotions.

Évidemment, ces techniques paraîtront à certains, malgré leur simplicité, difficiles à mettre en œuvre. Il est vrai qu’en général, au début, on oublie d’exercer la « surveillance permanente », on ne parvient que difficilement à porter son attention sur autre chose que la douleur morale, ou, confronté à une émotion, on ne pense pas à « dédoubler la conscience ». C’est normal, c’est justement en s’apercevant un certain nombre de fois que l’on a oublié ou qu’on n’a pas su que l’on finit par savoir et par ne pas oublier. Ajoutons qu’une fois que l’on a pris l’habitude d’utiliser ces techniques, on n’y pense plus. Elles deviennent des instruments naturels de la conscience qui les utilise lorsque c’est nécessaire.

 Jean-luc Caradeau

 

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