La recrudescence de ces attitudes collectives, encouragées par la vidéosphère, décuple l’univers du fake.
Qu’est-ce que le fake ? C’est tout ce qui est faux, factice, mais qui passe pour vrai. La contrefaçon à grande échelle.
« Les individus sont poussés à être de plus en plus faux tout en affichant qu’ils sont vrais », explique Serge Tisseron dans son livre Virtuel, mon amour.
Pourquoi agissent-ils ainsi ? Parce qu’ils veulent être dans l’air du temps et surtout parce qu’ils estiment que ça marche.
C’est notamment comme cela qu’on décroche un travail.
Certains travaux de sociologues américains prouvent que nombre de personnes mentent sur leur CV en vue d’obtenir un entretien d’embauche, et répondent de façon erronée à leurs tests de personnalité.
Le fake sévit sur Internet en permanence. Il pollue l’univers de l’information. De fait, la Toile offre une extrême rapidité dans la transmission d’une information. Il suffit de quelques secondes pour qu’un événement, une photographie, une vidéo fasse le tour du monde. L’ennui, c’est qu’on n’a plus le temps de la vérification des sources. Le recoupement des infos, de leur véracité, ce que tout bon journaliste apprend à l’école de journalisme et qu’il se doit de faire, par déontologie.
Aujourd’hui, tout cela est recouvert par le tsunami du buzz.
Et ça peut faire de sérieux dégâts : un site répertorie les vingt « photos-fake » qui ont fait le buzz sur Internet en 2014. Ces images, souvent impressionnantes pour avoir réalisé un tel buzz, ne sont que des photomontages. Elles sont fausses, mais elles ont été tenues pour vraies pendant un certain temps par des millions d’humains.
En 2011, l’ouragan Irène a donné lieu à des milliers de photos. Une d’entre elles nous montre un requin se baladant dans les rues inondées. C’est un fake. Elle a pourtant été reprise par les journaux télé du monde entier.
Une autre photo représente, nous dit-on, le crash aérien du vol Air France 447 Paris-Rio. En réalité, elle était tirée de la série télévisée Lost... et elle a été reprise par les journaux du monde entier.
Le chercheur Michel Maffesoli a consacré le sixième numéro de ses Cahiers de l’imaginaire à une réflexion sur la toxicité de ce phénomène.
« Dans la langue française, il n’y a pas de mot pour décrire complètement ce qui n’est pas vrai et qui, dans le même temps, est sinistre : le contrefait. Un nouveau paradigme envahit notre quotidien et se répand sous nos yeux : parcs à thèmes, falsifications scientifiques, émissions de télé bidonnées, faux participants mais vrais comédiens, complotisme, transparence factice, artifices en tous genres, “photoshopping”, chirurgie esthétique, simulacres, avatars, rêves, second life », écrit-il.
Le monde vrai devient FAKE ! Comment séparer le bon grain de l’ivraie ? C’est cela qui devient toxique. Il faudrait aider les jeunes générations à tamiser pour qu’elles puissent faire la part des choses. L’hypertrophie du paraître, de la communication à dominante manipulatoire, engendre nombre de comportements toxiques.
Communiquer, c’est « parêtre »
Nous promouvons ce néologisme qui enveloppe réellement toute la « complexité » d’une communication interpersonnelle.
Ce mot-valise entrelaçant les verbes « paraître » et « être » décrit bien le tissage relationnel qui se joue dans toute communication. Il s’agit d’un véritable métissage.
Nous employons le terme « complexité » au sens que lui a donné le sociologue Edgar Morin tout au long de son œuvre. Ce qui est complexe, c’est ce qui est « tissé ensemble ».
Au fond, quand l’intention est de paraître, se niche, juste derrière, au second plan, dans l’ombre, la part de « l’être ».
De même, quand l’objectif annoncé est d’être, dans un immense et véritable élan d’authenticité, on est toujours forcé d’apparaître. Or, au sein du mot « apparaître » se niche le terme « paraître ». N’oublions jamais que, la plupart du temps, nous sommes vus avant que d’être entendus. Au final, la réalité complexe, holistique de la communication des humains entre eux, c’est de « parêtre ».
Christophe Medici
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