Du 19 mai au 18 juin 2016
Vanité
Huile sur toile
140 x 210 cm, 2015
Je regarde cette peinture.
J’y vois la dislocation des drapeaux, des discours, des territoires, des peuples.
J’y vois la vanité des guerres, l’inutilité des massacres, l’impossibilité de trouver un fil conducteur, une raison, un semblant de pensée à l’incontinence informationnelle des médias et des réseaux de communication. La peinture sert aussi à cela: permettre de se déporter soi-même à côté du flux. ../..
Je suis resté très longtemps devant cette peinture. Il m’arrive aussi de rester longtemps devant un brin d’herbe ou en conversation avec un nuage solitaire. J’imagine que les nouveau-nés, les mourants, les drogués ou les fusillés au moment de la salve doivent aussi voir ce genre de choses. C’est parce qu’ils nous privent de ces merveilles que les politiques, les idéologues et les experts et les journalistes pressés nous sont parfaitement indifférents.
Pierre Bongiovanni, critique d’art, créateur de la revue Opossum
La peinture chez Diers est un événement plastique et sentimental, elle a déjà toutes les qualités du gesamkunstwerk, l’œuvre d’art totale telle que la décrivait Wagner, elle touche les sens de l’Homme, mais aussi son esprit et son âme. Thierry Diers au fond reprend l’antique mission kandinskienne, où la peinture établie une « communication entre les âmes » à l’aide d’un langage que seuls le cœur, l’esprit et les tripes sauront décrypter – beaucoup mieux en tous cas que la rationalité. Ce que fait l’artiste avec ses peintures c’est la projection de son « lointain intérieur », expression trouvée par un autre artiste à la croisée des chemins belges et français, Henri Michaux. Thierry Diers peint ce qu’il y a au plus profond de lui, espérant y trouver ce qui le reliera à tous les autres hommes.
Thierry DIERS, né à Dunkerque en 1954 Vit et travaille à Paris
Après ses études en Belgique, Thierry Diers arrive à Paris en 1978 et présente ses travaux dans les Salons parisiens dès les années 80, collabore avec la Galerie Le Dessin, (Claire Burrus, Marie- Hélène Montenay), la Galerie Jacob (Denise Renard) et la Galerie Diane Manière. Il est l’un des initiateurs des associations d’artistes « Matière à » et « Art of Walking ».
De 1988 à 2004, tout en continuant ses créations d’atelier, il met en pratique le concept de « l’artiste entrepreneur » et établit une relation étroite entre le monde de l’entreprise et la création
contemporaine.
De 1988 à 2010, il expose en Allemagne, Belgique, Irlande, Mongolie et collabore avec la Galerie Apicella de Cologne et la Galerie Vanram de Gand.
En 2010, Thierry Diers fédère un groupe de collectionneurs et crée la Galerie Duboys (Paris 3ème) dont il est le directeur artistique.
Dans l’atelier de Thierry Diers je suis resté en arrêt devant une peinture encore fraiche.
Aligner des mots et des phrases au sujet d’une oeuvre est une tentative de faire conversation entre soi et soi, entre soi et lui (l’auteur du forfait), entre soi et d’autres (qui la découvriront, plus tard, peut-être). Autant dire que cela ne sert pas à grand-chose, raison de plus pour ne pas s’en priver.
Ces toiles datent de 2015 et 2016. Je ne sais pas à qui il pensait alors.
Je sais à quoi je pense aujourd’hui en les regardant.
Cette année avance, fourbue par les tourments et les doutes. On verra bien si quelque chose de digne apparaît au-dessus des ruines.
Je regarde cette peinture.
J’y vois la dislocation des drapeaux, des discours, des territoires, des peuples.
J’y vois la vanité des guerres, l’inutilité des massacres, l’impossibilité de trouver un fil conducteur, une raison, un semblant de pensée à l’incontinence informationnelle des médias et des réseaux de communication. La peinture sert aussi à cela : permettre de se déporter soi-même à côté du flux.
Des avions bombardent villes et villages. Des ruines s’accumulent. Des murs s’érigent. Tous les continents dérivent en même temps. L’instabilité est générale.
Rien de neuf.
Ce qui serait nouveau serait la beauté universelle, l’harmonie sur terre et l’ennui comme horizon. Grâce à au génie de l’homme-ogre tout ceci nous est épargné. Reste donc à se coltiner le réel. De ces dislocations tout et pas seulement le pire peut advenir. C’est aussi de cela que parle cette peinture.
Il ne s’agit ni d’une apocalypse, ni d’une implosion, ni d’une explosion, même pas d’un drame. Juste une épopée qui part en quenouille, comme un pantin désarticulé dont chaque fragment peut encore témoigner d’une splendeur passée, mais dont l’ensemble est rendu informe par la tectonique des tourments.
Pour des raisons mystérieuses et qui échappent à ma capacité de les analyser, cette toile fonctionne comme une «machine» d’énergie dont le trou blanc central redistribue et renouvelle sans fin les formes et les attributs chromatiques qui l’entourent.
Ce vortex virginal, mais souillé autorise l’espoir d’une refondation autant que la confirmation d’un effondrement sans fin.
Ceci sans aucun pathos. Sans aucune intention. Sans aucun projet.
Sans aucun message.
Et c’est précisément à cet endroit que l’oeuvre, «à mes yeux», trouve sa place dans ma cartographie symbolique du jour.
A la question générique du moment, «que faire ?» répercutée de réseau en réseau, de conversation en conversation, de doute en cauchemar, la peinture réponds : touille, malaxe, rumine, dissous, creuse, mélange, «moque-toi du drame du destin», libère-toi de tout en commençant par te libérer de toi-même.
Par là, nous accédons à une forme d’éternité tranquille, cosmique, un peu comique aussi.
Je suis resté très longtemps devant cette peinture. Il m’arrive aussi de rester longtemps devant un brin d’herbe ou en conversation avec un nuage solitaire. J’imagine que les nouveau-nés, les mourants, les drogués ou les fusillés au moment de la salve doivent aussi voir ce genre de choses. C’est parce qu’ils nous privent de ces merveilles que les politiques, les idéologues et les experts et les journalistes pressés nous sont parfaitement indifférents.
C’est parce que des gens continuent à faire des taches blanches et sales sur des toiles maculées des visions en désordres qu’ils nous sont nécessaires.
Pierre Bongiovanni, commissaire d’exposition, créateur de la revue Opposum.
Galerie Duboys
6, rue des Coutures Saint-Gervais,
75003 Paris
Métro: Saint-Sébastien Froissart,
Saint-Paul Bus: 20, 29, 65, 67, 69, 75, 76, 96
Mercredi au samedi, de 14h30-19h tlj sur RV – Tél: 33 (0)1 42 74 85 05
www.galerieduboys.com