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Le sujet de la sexualité et la vie en couple ont été au centre de ma vie, de mes difficultés à vivre et de mes questionnements. Les femmes de ma vie m’ont été d’un grand secours. Elles m’ont appris sur moi-même. J’ai parfois été encombré et encombrant, c’est le moins que je puisse dire, et j’ai aussi vécu des moments extraordinaires. L’angoisse a souvent été au rendez-vous, la jouissance et la réjouissance aussi.
Ma vie professionnelle a été aussi diverse et aussi riche que ma vie affec6ve. J’ai pratiqué plusieurs métiers1. J’ai fait de multiples rencontres qui m’ont permis de changer de regard, de références et permis une meilleure distance avec moi-même.
J’ai conscience aujourd’hui que, dans la vie, le but n’est jamais atteint, qu’aussitôt aperçu, il fait place à de nouveaux chemins, et ce, jusqu’au retour dans l’indifférencié, la mort. Ce chemin, je le veux toujours aussi nourrissant, jusqu’au bout. Mais de quel bout s’agit-il ? Quand je m’y attarde, cela me donne le ver6ge. Autant ne pas trop spéculer sur ce qui reste un immense mystère. L’idée de ce bout ne doit pas m’empêcher de vivre, bien au contraire, la dernière par6e de mon existence.
Dans ma jeune expérience de thérapeute, je me suis souvent emballé. À chaque découverte, je croyais en toute bonne foi que la solu6on se trouvait à cet endroit. J’écoutais celui qui enseignait sa passion. Il démontrait naturellement qu’il avait trouvé la voie.
Les autres étaient dans l’erreur. Je retrouvais les antagonismes de base qui fondent les différences conflictuelles entre toutes formes de croyance, de préjugés, de religions et qui traversent aussi la vie des couples. La psychothérapie n’échappe pas à ce principe. Le théâtre des querelles de chapelle entre les psys de renom est riche en péripéties.
Les multiples courants de la psychothérapie naviguent entre des postulats sur ce qui se joue à l’intérieur de l’enfant et de l’adulte dans leur développement et dans la relation entre deux sujets. On regarde l’individu ou le système. Dans la pratique, l’accent est mis sur le transfert du pa6ent sur le thérapeute ou sur la dynamique co-constructive entre eux. Les thérapeutes se posi6onnent dans une neutralité bienveillante ou dans une implication personnelle contrôlée. La dualité entre la psychologie et la spiritualité et la place de la sexualité dans la vie des êtres humains complexifient toute forme de compréhension des femmes et des hommes. Cela laisse de la place pour l’affirma6on de nombreuses pseudo-vérités. Pourtant, à y regarder de plus près, la plupart des théories et approches cliniques de la démarche thérapeutique reposent sur un socle commun. L’homme doit se libérer de sa condi6on humaine, de ses traumatismes pour se transcender au-delà de ce qui le limite. On parle de mieux-être, de libération, de conscience nouvelle, de supra-conscience, d’éveil spirituel. On est, bien sûr, en pleine spécula6on. Il n’y a qu’à survoler les centaines, voire plus, d’approches différentes pour en être convaincu. Elles sont souvent l’affaire d’ego et d’idéologies préconçues. De nombreuses personnes y trouvent pourtant un soulagement temporaire ou profond.
Pour ma part, la Gestalt-thérapie a été une révolu6on personnelle. Elle m’a aidé à changer de regard sur moi et sur le monde. L’expérience en cours devenait ma principale référence. C’est dans celle-ci que je pouvais rencontrer ce qui m’encombrait et ce qui freinait mes engagements. L’agressivité, dans le sens d’aller vers ce qui est bon pour soi, devenait mon moteur. De façon paradoxale, je prenais conscience que la saine agressivité était une condition essentielle pour se réjouir à deux en couple. En étant davantage moi-même, je permettais à l’autre de l’être également. Cette position très égocentrique me parlait. J’arrêtai de croire ce que l’on m’avait enseigné toute ma jeunesse : « L’amour est un don de soi à l’autre. » Je pouvais me réconcilier avec moi-même, mais aussi avec mon père en regardant autrement le système du couple de mes parents. J’ai dépensé beaucoup d’énergie, tout au long de ma vie, pour me décoller des croyances véhiculées par les parents et la religion catholique. Puis j’ai approfondi les connaissances acquises au cours de mes premières formations et au contact de la diversité des gens et des couples que je rencontrais en thérapie.
La compréhension psychanalytique de l’homme m’a passionné. De nombreux auteurs sont venus à chaque fois lever un voile ou élargir des connaissances, parfois dans des approches qui pouvaient paraître contradictoires. Elles ne l’étaient pas. Elles partaient d’un autre point de vue.
Elles étaient conçues par un auteur porté par son vécu singulier. Dans toutes mes forma6ons, la sexualité était esquissée et apparaissait comme une branche subalterne de la thérapie. Il y avait des sexologues pour traiter des dysfonc6onnements tels que la perte de désir, la perte d’érection ou le vaginisme. Les problèmes de désir des couples ne pouvaient être résolus qu’à travers un travail personnel sur l’enfance et les rela6ons avec les parents et la fratrie. La dynamique d’éro6sa6on entre les partenaires n’était pas ou peu prise en compte. La grande ques6on sur la perte de désir dans le couple était esquivée en mettant l’accent sur la lassitude et l’habitude, par exemple.
J’ai découvert, par la suite, la portée de la sexualité dans le psychisme humain à travers l’imaginaire érotique rencontré dans plusieurs livres. Ces lectures m’ont donné envie d’approfondir ce que l’on mettait derrière le mot et l’imaginaire érotique. J’observais, à travers de nombreux témoignages, que l’on pouvait passer des mois, voire des années en psychothérapie sans aborder sa sexualité en profondeur. La significa6on et la place des fantasmes dans le psychisme humain ne me paraissaient pas claires. Maintenus plus ou moins hors de la conscience par les instances morales, les fantasmes sont en lien direct avec l’excita6on sexuelle. L’approfondissement de ceux-ci éclairait de nouvelles compréhensions sur la sexualité humaine et m’ouvrait de nouvelles perspec6ves dans l’accompagnement des personnes seules ou des couples. Nous aborderons dans le livre les principes moteurs de la sexualité, l’orienta6on sexuelle et les préférences érotiques qui régissent, plus ou moins à leur insu, la vie sexuelle et non sexuelle des hommes et des femmes.
Dès le début de ma vie professionnelle de thérapeute, j’ai orienté mon travail sur les difficultés à se réjouir durablement en couple et plus par6culièrement sur les difficultés sexuelles. Je me suis posi6onné rapidement comme un chercheur, avec le même enthousiasme que mes réalisations industrielles novatrices qui ont animé la première par6e de ma vie5. Insa6sfait par mes acquis de thérapeute, j’ai fait un parcours en sexologie à l’université de Lyon. Puis je me suis formé pour devenir sexo-analyste. La sexo-analyse méritait une intégration plus large. Ma pratique avec les couples confirmait que les difficultés sexuelles des personnes étaient indissociables des aspects relationnels.
La sexualité dérange
À travers ce qui est montré par certains médias, nous pourrions croire que la sexualité est libérée aujourd’hui. Pourtant, ce n’est pas ce qui apparaît dans ce qui se joue dans l’in6mité de beaucoup de couples et dans la plupart des approches éduca6ves concernant la sexualité. La sexualité reste coupable, punissable et soumise au jugement, le jugement des autres, celui du partenaire et le sien propre. L’institution du mariage protège la famille. Elle n’est pas au service du désir et de la jouissance. Le partenaire est là pour rappeler l’engagement et les limites de la liberté de chacun aux dépens, souvent, de la réjouissance de l’autre. L’attachement reste la vertu première du couple. Le plaisir pour le plaisir reste associé à l’image de la putain et à des pratiques sexuelles abusives. Dans l’esprit de beaucoup, la sexualité hors de l’enceinte étroite du couple dérange. Rares sont les couples libérons qui assument leur pratique. La peur du jugement de leurs proches est présente, notamment celui de leurs enfants. La sexualité se promène entre l’animalité et l’humanité. Elle se construit à la fois sur les forces instinctives qui visent à la préserva6on de l’espèce, sur la recherche de complétude à n’être qu’un seul sexe et sur la répara6on des traumatismes liés aux offenses faites à la toute-puissance infantile.
Ces forces issues du manque et des conflits de l’enfance sont poten6ellement transgressives de l’ordre établi. Elles se posent sur un autre, l’amoureux, qui sera missionné pour créer pour soi le bonheur tant espéré.
La sexualité est de toute évidence au cœur de l’équilibre des êtres humains, et pourtant c’est le sujet dont on parle le moins dans l’in6mi té d’un couple, entre amis, mais aussi dans le cabinet de beaucoup de psychothérapeutes. Elle ne sera abordée que si le pa6ent peut et veut en parler. On n’ira guère plus loin, surtout si le thérapeute n’est pas à l’aise avec sa propre sexualité, s’il oppose sexualité et spiritualité ou s’il ne s’est jamais penché sur ce qui la fonde et l’anime en lui. Dans le cabinet du sexologue, on parlera le plus souvent de techniques ou de médicaments, au mieux de quelques jeux relationnels. On passera le plus souvent à côté du moteur de l’excita6on sexuelle et de l’érotisme. L’érotisme, on en parle partout. On en montre certains aspects. Mais dans l’in6me, on le tait le plus souvent. Pourquoi ?
La sexualité dérange dans la mesure où elle nous parle de la part sombre de nous-mêmes. Elle émerge d’un fond de désirs basés sur l’autoérotisme des périodes infan6les recouvertes par la chape amnésique de l’éduca6on. Cette ombre de soi-même qui pousse au désir est contrariée par une réalité qui la condamne ou par le désir d’un autre différent, le parent ou l’amant.
On apprend à l’enfant la propreté, la politesse, puis, plus tard, le français, les mathématiques, les langues étrangères. On n’apprend pas le langage du sexe et de l’érotisme. La part fondamentale de notre personnalité qui désire faire l’amour et jouir avec un autre n’est pas prise en considéra6on dans l’éducation. Les contraintes du quotidien du couple et de la famille et l’idée que l’on s’est forgée de l’amour occultent le fait qu’il y a une vie souterraine faite de désirs orientés vers le plaisir. Les frustra6ons sexuelles ne sont pas abordées en de hors de la crise. La sexualité est au second plan, comme si elle n’avait aucune conséquence sur la fluidité des rela6ons entre les partenaires et sur la vie de leurs enfants. On la découvre seulement lorsqu’il y a des dysfonctionnements physiques, des drames, des abus. Alors seule ment, on essaie d’en parler.
La sexualité au cœur de notre vitalité
En mettant la sexualité au cœur de la vie de l’humain, je ne signifie pas que l’épanouissement des individus passe uniquement par l’épanouissement sexuel. Je signifie que la sexualité participe fondamentalement à la régulation psychique et somatique de l’excitation créée par le décalage entre nos désirs et la réalité qui y fait barrage. C’est entre ces deux pôles que s’écoule l’énergie créant l’expérience nouvelle dans la rencontre à deux et dans la jouissance.
La plupart des individus cherchent à rencontrer l’amour, aspirent profondément à vivre en couple et à s’épanouir dans la sexualité. Pourtant, beaucoup de gens vivent et parfois vivent bien sans sexualité et sans partenaire. De nombreuses idéologies religieuses professent l’abstinence ou la limitation sexuelle pour atteindre un haut niveau de spiritualité. Certaines personnes peuvent y trouver un équilibre et même y puiser des ressources mises au service des gens les plus démunis. Leur vie, leur environnement et les fondements de leur propre libido parlent certainement de leur engagement. D’autres seront confrontées à la solitude. Je m’attarderai plus par6culièrement ici sur cette aspiration profonde à vivre en couple et sur ce qui s’y oppose fondamentalement.
La sexualité repose sur cette dualité. La vie et la mort s’opposent et s’imposent dans une cohabita6on permanente. Le sexe (du latin : « séparer ») sépare et pousse à la rencontre. La sexualité exprime à la fois les forces de répulsion et d’attraction, l’angoisse et la jouissance. Elle pousse à l’amour et à la haine. Elle fait violence et ouvre à la gratitude de l’autre. La vie s’y ressource par la sève sexuelle qui remonte de nos racines les plus archaïques. Osons l’aborder sans préjugés et sans fausse pudeur.
Pour mieux comprendre les difficultés à vivre en couple, nous questionnerons ce qu’est l’amour. Est-ce un sentiment, un éprouvé corporel ? Quelle est la part du biologique dans sa réalité ? Nous regarderons la violence fondamentale qui sous-tend la dynamique amoureuse. L’amour repose sur des fantasmes qui agissent comme moteur de la sexualité qui pousse à se mettre en couple. Leur caractère obscur, leur source pulsionnelle ancrée dans l’animalité et l’humilia6on font l’objet de conflits internes et sont souvent vécus socialement comme négatifs. L’expression du fantasme dans l’imaginaire est aisément confondue avec le réel. Le refuser en soi, c’est restreindre notre capacité à vivre.
La place des fantasmes dans la vie du couple nous aidera à mieux comprendre la diversité des aspira6ons et des comportements sexuels des femmes et des hommes. La dynamique profonde des fantasmes repose sur la dualité entre la maman et la putain (dans le sens de la femme qui aime et assume sa sexualité). La femme qui aime le sexe a été, depuis la nuit des temps, diabolisée. Si elle aime faire l’amour, elle sera infidèle. L’homme a toujours eu peur de la puissance de son désir et voulu exercer une emprise sur elle. Regarder la vie des couples, c’est repenser la fonc6on de la jalousie et la place de l’infidélité réelle ou virtuelle dans la dynamique érotique. La jalousie de la femme et de l’homme repose sur l’angoisse de la perte de l’objet aimé et désiré, mais aussi sur l’attraction-répulsion pour le rival.
La femme fidèle, bonne épouse et mère des enfants, perd son pou voir d’attraction. Nous aborderons l’effet de crise dans l’éro6sme du couple provoqué par l’arrivée d’un enfant. La majorité des difficultés sexuelles et relationnelles commencent à partir de la grossesse du premier enfant. Le regard nouveau de l’homme sur sa femme coupe la femme de sa représentation fantasmatique profonde de « salope » et l’inhibe sexuellement. Chez beaucoup de femmes, ce clivage entre le lien amoureux tendre et le désir sexuel est insupportable. Pour elles, l’amour tendre est nécessaire pour accueillir les aspects transgressifs du désir. Il peut ne pas être suffisant pour que cela suscite en elles suffisamment d’excita6on pour pouvoir entrer en communication érotique avec leur compagnon. Le clivage maman/putain pousse certains hommes à dissocier dans leur vie réelle l’épouse respectable et la femme objet de désir, la maîtresse ou la pros6tuée. Toutefois, ce qui se joue dans l’éro6sme du couple est issu du système formé par la vie psychique des deux partenaires. Il y a toujours une coresponsabilité pas toujours évidente à admettre.
Le développement d’Internet a rendu accessible au plus grand nombre les images pornographiques. Quelle est la fonc6on de la pornographie dans l’équilibre psychique des êtres humains et des couples ? Pourquoi a-t-elle tant d’impact et suscite-t-elle de l’excita 6on chez tant d’hommes et de femmes ? Doit-elle être diabolisée ? La frontière entre ce qui est éro6que et ce qui est pornographique est bien difficile à délimiter. Elle dépend du point de vue duquel on la regarde. Sa place dans la dynamique éro6que des femmes et des hommes et l’importance qu’elle a prise sur Internet n’est pas le fruit du hasard.
Nous approfondirons le cycle de la réponse sexuelle : désir du désir sexuel, mobilisa6on vers l’objet de désir, sexualisa6on de la rencontre, orgasme, résolution et retrait, puis période réfractaire. Le franchisse ment des étapes est animé par des forces différentes en soi et chez chaque partenaire. L’agressivité des amants sera nécessaire à leur ajustement pour tendre à la réjouissance. La satisfaction sexuelle à la fin du cycle dépendra pour les amants de leur propre jouissance amplifiée par celle de l’autre. Nous replacerons l’orgasme de jouissance comme un des facteurs essentiels de la réjouissance du couple ou de l’inhibi6on du désir.
La dernière partie abordera les processus de transformation et d’évolution. Vivre en couple est forcément une confrontation à l’autre qui touche les fondements de notre être profond. Comprendre ce que nous faisons et vers quoi nous allons est essentiel. Mais ce n’est pas suffisant. L’évolution passe par l’expérience et l’ouverture à la nouveauté. L’expérience a besoin d’être éclairée par un autre. Les partenaires suffisamment conscients et distanciés de leurs affects peuvent s’éclairer mutuellement. En période de crise, un thérapeute, par son questionnement, aide les partenaires à élever leur niveau de conscience. La crise peut être bruyante mais peut aussi s’insinuer à bas bruit dans le quo6dien du couple. On ne la voit pas venir. Il n’y a plus d’élan et de désirs. Le couple entre en dépression, sans que rien ne s’exprime. Certes, la crise est souvent nécessaire pour que chacun sorte du train train et aille trouver en lui de nouvelles ressources pour vivre et se ré jouir. Pour cela, il sera nécessaire de revisiter les fixa6ons de l’enfance et d’explorer les aspects obscurs de l’érotisme en soi.
La connaissance de nous-mêmes est révélée par l’écoute de notre corps. Notre monde intérieur est difficilement communicable. La conscience des manifesta6ons de notre corps qui s’exprime par l’angoisse, l’absence d’affect, l’excitation sexuelle et l’éprouvé de la jouissance nous révèle ce que nous sommes, notre manière d’être au monde, nos schémas comportementaux. Les mouvements du corps sont sollicités par ce qui est perçu de l’environnement et par nos représentations imaginaires. Les informations provenant de nos sens sont sans cesse retraduites par notre monde intérieur.
Nous contactons et pensons le monde extérieur à par6r de ce que nous sommes profondément. Encore faut-il pouvoir nous rencontrer.
La connaissance que notre corps pourrait nous apporter, nous la réprimons. Ce qu’il peut nous dire dérange, car ce qu’il révèle de notre nature profonde engendre de la culpabilité. Il nous parle de notre hostilité fondamentale, de nos pulsions voyeuristes, exhibitionnistes et sadomasochistes, de nos peurs, de nos désirs de transgression de l’ordre, de la morale, des tabous, de notre égocentrisme. Il nous dit surtout que notre vie psychique est fondamentalement orientée par nos pulsions sexuelles inconnaissables sauf à ce que nous les révélions partiellement à travers nos fantasmes. Parler de la nécessaire agressivité pour vivre à deux fait violence à l’idée première que nous avons intégrée de l’amour, idée moraliste qui s’oppose fondamentalement au discours de notre corps. Freud avait bien compris tout ça. Il en avait même déduit que le refoulement excessif était à la base de nos difficultés à jouir de la vie. Mais, à mon sens, il s’est arrêté en chemin en mettant en exergue le concept de sublima6on comme s’il devait à l’époque s’excuser de tant d’intrépidité pour éviter les risques d’une réproba6on trop générale. Celle-ci, bien sûr, est nécessaire à l’élévation de nos aspirations. Mais elle peut aussi agir comme un couvercle masquant notre réalité profonde et les conflits entre celle-ci et l’idéal que l’on s’est forgé comme une défense. Quoi que l’on fasse, quelles que soient les digues que l’on érige contre ce que nous dit notre corps, le théâtre sexuel se poursuit à travers nos masques. Il ne se dit pas, il se manifeste. Le corps parle de nos perversions et des défenses que nous leur opposons pour rester conformes à l’idée de nous-mêmes en occultant la violence en soi et en refusant celle de l’autre.
L’objectif du travail personnel et thérapeu6que d’une vie est, à mon sens, de faire émerger les événements refoulés qui nous empêchent de vivre, d’accueillir la puissance de notre imaginaire pour oser découvrir et s’engager dans la vie en dehors de ce qui la con6ent et d’oser vivre l’illusion des moments érotiques qui nous plongent dans des moments extraordinaires. Ceux-ci sont précédés ou suivis de moments ordinaires que nous devons, autant que possible, accueillir comme des moments nécessaires à la transcendance de soi.
Nous pouvons éro6ser notre vie par l’éveil d’une communica6on éro6que qui compose avec l’ombre de nous-mêmes et avec celle du partenaire. Nos scénarios éro6ques porteurs des principes dynamiques de notre sexualité nous ouvrent à de nouvelles ressources permettant d’élargir notre créativité sexuelle et relationnelle. Derrière le masque des personnages de la vie ordinaire, l’ombre con6nue à façonner une réalité subjective que l’on croit être la réalité et qui n’est qu’une réalité que nous créons. La transforma6on permanente à laquelle nous ne pouvons échapper dans notre vie et qui est nécessaire à l’épanouissement personnel et à la réjouissance seront abordées dans la dernière par6e de cet ouvrage. Ce que nous proposons également, c’est l’ouverture à l’idée libertine qui pourrait se traduire par la liberté de penser et de choisir sa vie et sa sexualité selon les moments de la vie, les rencontres et l’évolu6on de chacun, en dehors de toute forme de préjugés et de pressions de la société qui poussent au conformisme. Cette liberté ne nous est pas donnée, elle est à conquérir. Elle ne se réduit pas à des pratiques libertines de couple. L’échangisme ou la sexualité à plusieurs n’est qu’une des manifestations de cette liberté. La créativité dépend de ce que nous sommes profondément et de l’accordage possible avec un autre, et à un moment de sa vie.
Ce livre s’appuie sur de nombreux chercheurs de l’humain qui ont ouvert la voie d’une meilleure compréhension de nous-mêmes. Il ne définit pas une recette applicable à tous. Il présente une nouvelle approche intégra6ve qui relie la psychothérapie et la sexologie humaine. Il invite le lecteur à une réflexion sur lui-même, à partager peut-être avec un ou une autre, l’amant ou le partenaire. De celle- ci peuvent se dégager de nouveaux repères et un inves6ssement nouveau pour s’engager autrement dans la vie amoureuse, pour mieux la vivre et l’assumer, avec l’Autre.
Michel Bonhomme
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