Drogues : cessons la politique du déni permanent !
A l’ONU et en France, la réflexion avance pour une approche sanitaire et éducative
En 1998, lors de la dernière Session extraordinaire de l’Assemblée Générale de l’ONU (UNGASS) sur les drogues, les Etats membres avaient adopté comme slogan officiel : « Un monde sans drogue, nous pouvons le faire ». L’objectif était alors d’éradiquer toutes les drogues d’ici 2008[1]. A Vienne en 2009, ce délai était repoussé à 2019[2].
Alors que va se tenir du 19 au 21 avril 2016 la nouvelle UNGASS sur la drogue au siège de l’ONU à New York, la société française, et surtout son milieu politique, est particulièrement frileuse pour ouvrir un débat serein, pragmatique et dépassionné sur cette question.
Pourtant, il suffit de rappeler l’échec patent de décennies de « guerre à la drogue » et d’autres faits incontestés pour souligner la nécessité de changer de stratégie. Ce sont les pays qui ont mené en première ligne cette « guerre à la drogue « , la Colombie et le Mexique, qui ont demandé et obtenu ce débat. Leur expérience de la désagrégation sociale par le crime organisé, avec ses cortèges de morts et de corruption, nous impose de les écouter.
L’ONU ouvre cette session qui va être marquée par un pragmatisme éloigné de tous les a priori et les idéologies qui obscurcissent les débats et ne font que retarder des choix inévitables. En France, les politiques confrontés au même problème (répression coûteuse et inefficace – 850 millions d’euros, économie souterraine, règlements de comptes sanglants à répétition…) continuent à s’affronter uniquement pour savoir lequel sera le plus répressif.
Pourtant la réflexion et les propositions existent aussi en France. Avec le soutien institutionnel de la Direction Générale de la Santé et de la MILDECA, et l’accompagnement de la Haute Autorité de Santé, la Fédération Française d’Addictologie a tenu 7 et 8 avril 2016 deux journées d’audition publique sur la réduction des risques et des dommages en addictologie. Au terme de cette audition, qui a permis l’expression des réflexions de toute la « communauté addictologique » à travers des communications variées, riches et porteuses de nombreuses propositions, le jury présidé par le Pr Didier Sicard a élaboré un rapport d’orientation et 15 recommandations destinés aux décideurs, aux institutionnels, aux professionnels, aux patients et aux usagers pour contribuer tant à l’évolution des pratiques et des politiques publiques qu’à la mise en place d’un débat sociétal. Rendu public ce 18 avril, ce rapport recommande en priorité de privilégier une approche sanitaire plutôt que répressive qui « passe par la dépénalisation de l’usage et donc par la révision de la loi de 1970 qui est en conflit avec la loi de santé publique de 2016 ». En cohérence avec l’alcool, le tabac et les jeux, un marché régulé vaudra toujours mieux que la prohibition avec son marché illégal en matière de risques et dommages, pour les individus comme pour les Etats.
Il est temps en effet de sortir de ces impasses et la France doit être moteur pour une politique de réduction des risques et des dommages à la hauteur des enjeux de santé et de sécurité publiques dans une économie mondialisée.
[1] http://www.un.org/ga/20special/
[1] ONUDD (2009), Déclaration politique et plan d’action sur la coopération internationale en vue d’une stratégie
intégrée et équilibrée de lutte contre le problème mondial de la drogue,https://www.unodc.org/documents/commissions/CND/CND_Sessions/CND_52/Political-Declaration2009_V0984964_F.pdf
[1] Count the Costs (2013), The war on drugs : Wasting billions and undermining economies,http://www.countthecosts.org/sites/default/files/Economics-briefing.pdf