Nutrition : pourquoi les graisses ont-elles été diabolisées ?


Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les graisses n’ont pas toujours été considérées comme nos ennemies numéro 1. Il n’y a pas si longtemps, ce sont les sucres que l’on ciblait en premier quand on voulait perdre du poids. Du début du xixe siècle à la fin des années 1960, les médecins sont même unanimes pour dire que la seule solution pour perdre du poids est de réduire sa consommation de féculents et de sucre. En clair, de restreindre drastiquement la part de glucides dans son alimentation quotidienne. En 1825, le célèbre gastronome français Jean Anthelme Brillat-Savarin, que nous avons cité en préface de cet ouvrage, est l’un des premiers à en faire la constatation. À l’époque, les lipides ne sont donc pas du tout sur la sellette, bien au contraire. Le concept de base de la diète low carb high fat (pauvre en glucides et riche en graisses) remonte au xixe siècle. Dans les années 1860, William Banting, un jeune Anglais obèse teste, sur les conseils de son médecin, le Dr William Harvey, un régime faible en glucides. Il perd alors plus de 20 kg. Enthousiasmé par ces résultats, il raconte son expérience dans une Lettre au grand public sur la corpulence. Traduite et publiée dans différents pays européens et aux États-Unis, elle lance la première mode de régime de l’histoire (on dit même que cette méthode fut suivie avec succès par Napoléon III ou Otto von Bismarck !). Le concept est ensuite repris par le Dr Robert Atkins, inventeur du célèbre régime éponyme qui publie, en 1972, Diet Revolution.

Et pourtant, au moment même où paraît ce futur best-seller, les choses sont déjà en train de changer... Certains scientifiques commencent à accuser les graisses de tous les maux. Sur la base d’une étude scientifique à la méthodologie douteuse (voir encadré ci-après), ils font le lien entre consommation de matières grasses, augmentation du taux de cholestérol et explosion des maladies cardiovasculaires. On commence aussi à raisonner en termes de calories : quand on consomme trop de calories par rapport à ce que l’on dépense, on grossit. Ni une ni deux, les lipides deviennent alors les premiers nutriments à être montrés du doigt. Les lipides sont en effet les plus caloriques : 9 kcal par gramme contre 4 pour les protéines et les glucides. La logique paraît implacable : en remplaçant les lipides par des glucides, on réduit le nombre de calories et donc on grossit moins. Mais c’est un peu vite oublier comment le corps fonctionne, et que l’organisme stocke aussi les glucides en excès sous forme de graisse.

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À L’ORIGINE DE LA GUERRE ANTICHOLESTÉROL, UNE ÉTUDE AMÉRICAINE... COMPLÈTEMENT BIAISÉE !
La guerre anticholestérol et antigras débute dans les années 1950 aux États-Unis. Un scientifique américain, Ancel Keys, constate que les personnes qui ont des accidents cardiovasculaires ont souvent un taux de cholestérol élevé. La tentation est grande d’établir un lien de cause à effet entre les deux : l’excès de cholestérol dans le sang, en bouchant les artères, devient alors la cause numéro 1 des accidents cardiaques. Sa logique est implacable : c’est ce que l’on appelle l’hypothèse lipidique. Il appuie ses résultats sur une étude, que l’on appellera ensuite l’ « Étude des 7 pays » en 1970. Il y compare les habitudes alimentaires de sept pays (la Finlande, les États-Unis, les Pays-Bas, l’Italie, la Yougoslavie, la Grèce, le Japon et la Crête), et démontre que dans ceux où une alimentation pauvre en graisses saturées est privilégiée, le taux d’accidents cardiaques est moins élevé. À l’inverse, il est plus élevé dans les nations grandes consommatrices de viandes et de produits laitiers.
Ses conclusions, reprises à l’échelle mondiale, sont à la base des recommandations nutritionnelles actuelles qui diabolisent les graisses saturées et conseillent une réduction des calories. Mais, on le sait aujourd’hui, cette étude, même si elle est l’une des premières à souligner les bienfaits de l’alimentation méditerranéenne, est largement biaisée. En effet, elle élimine de son champ d’observation un certain nombre de pays qui vont à l’encontre de ses conclusions. Ainsi, la France et l’Allemagne de l’Ouest sont écartées. Or ces pays, connus pour leur régime alimentaire riche en graisses (fromage, viande, charcuterie, yaourts...) affichent à l’époque un faible taux de maladies cardiaques. À l’inverse, l’étude d’Ancel Keys met à l’honneur des pays comme la Grèce ou la Crète où l’alimentation, pauvre en fromage et en viande selon ses constatations de l’époque, explique le bon état des artères de ses habitants. Mais ce que le scientifique oublie de dire, c’est qu’il a visité ces pays au sortir de la Seconde Guerre mondiale, période de vaches maigres ! L’alimentation ordinaire des Grecs et des Crétois est d’ordinaire beaucoup plus riche, notamment en matières grasses. Il prend également soin de ne pas mentionner que les Grecs de l’île de Corfou, qui consomment beaucoup moins de graisses saturées que leurs voisins crétois, présentent un taux de maladies cardiaques plus élevé.
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En finir avec la guerre contre les graisses (et avec le règne des glucides !)
Aujourd’hui, le lien direct entre graisses et maladies cardio-vasculaires commence à être reconsidéré. Certaines graisses (les oméga), reconnues pour leurs effets protecteurs sur le système cardiovasculaire, sont ainsi mises en avant, tout comme d’autres que l’on qualifiait autrefois de « mauvaises graisses » (les matières grasses saturées présentes dans l’huile de coco par exemple). Une petite révolution ! Par ailleurs, de nombreux spécialistes de la nutrition et des professionnels de la santé7 vont plus loin en remettant en question la base même des recommandations nutritionnelles actuelles. De nouvelles études montrent que le lien direct entre consommation de graisses et maladies cardiovasculaires n’est pas aussi clair, et que la vision manichéenne des graisses doit être remise en question. D’autres causes physiologiques expliquent les dépôts athéromateux (plaques d’athérome ou de gras) dans les artères. « Ces observations me conduisent à me demander si le lien entre les graisses saturées et les maladies cardiaques était vraiment prouvé... », explique le Dr Ronald Krauss (cardiologue et chercheur qui a beaucoup travaillé sur le mauvais cholestérol) dans un article du Time, en juin 2014.

Une étude publiée dans la revue Microvascular Research8 a par ailleurs montré tout l’effet indispensable sur le corps d’un régime, pour le coup méditerranéen, riche en protéine et en graisse, que l’on retrouve dans le poisson gras (oméga-3), les légumes, les fruits frais, les noix (oméga-3) et dans l’huile d’olive (oméga-9). Ces protéines et ces graisses ont une action bénéfique sur la santé cardiovasculaire à long terme, entre autres grâce à l’amélioration de la fonction antioxydante du bon cholestérol protecteur endothélial (paroi des artères).

Alexandra Dalu / Alix Lefief-Delcourt

                        
                                                                              

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