Pleins feux sur les difficultés pouvant coexister avec le trouble du langage


On a longtemps cru que le trouble du langage était un trouble isolé. L’expérience clinique et les recherches récentes montrent toutefois clairement qu’il peut s’accompagner d’une panoplie d’autres difficultés. Celles-ci ne concernent cependant pas l’ensemble des enfants dysphasiques et n’apparaissent pas toutes en même temps.

Étant donné l’origine neurologique du trouble du langage, il est possible que des anomalies surviennent pendant le processus de maturation d’autres fonctions cérébrales, et ce, même en l’absence de lésions physiques ou de déficience intellectuelle globale. L’enfant atteint d’un trouble du langage et sa famille peuvent ainsi devoir affronter de multiples défis qui ne relèvent pas tous des difficultés langagières.

Dans ce chapitre, nous aborderons les différentes conditions pouvant accompagner le trouble de langage, soit les difficultés attentionnelles, motrices, praxiques et sensorielles. Les difficultés de communication propres au trouble de langage peuvent par ailleurs amener des difficultés dans les habiletés relationnelles et sur le plan de l’estime de soi. Des problèmes de comportement et des signes d’anxiété peuvent aussi se manifester.

Les difficultés associées peuvent évidemment s’exprimer à des degrés divers. Elles peuvent prendre la forme de légères particularités, de comportements plus problématiques ou d’une diminution significative de l’autonomie attendue. Les principales difficultés associées au trouble du langage et leurs impacts sont exposés ici afin de rendre compte de l’éventail de cas possibles et de faciliter la compréhension de ces enfants dont le trouble n’est pas toujours aussi spécifique qu’on pourrait le croire.

Le trouble du langage, les difficultés d’attention et le TDAH
Liens entre le trouble du langage et les difficultés d’attention
Les difficultés d’attention/concentration sont fréquemment associées au trouble de langage. Leur sévérité et leur impact varient selon les enfants, leur potentiel initial et l’environnement dans lequel ils évoluent, mais aussi selon l’importance de leur trouble de langage. Parfois, les difficultés attentionnelles ne sont pas suffisamment importantes pour les considérer comme un trouble à part entière : on parle alors d’une fragilité de l’attention. Celle-ci ne doit toutefois pas être négligée au moment d’établir le profil de l’enfant, d’aménager son environnement et de lui offrir des prises en charge. Dans d’autres cas, les difficultés sont plus importantes et ont un impact significatif sur les différents milieux de vie de l’enfant.

On peut alors parler de trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), un trouble qui se présente sous différentes formes selon les symptômes les plus souvent observés (inattention, agitation/impulsivité ou les deux en même temps).

Le TDAH peut se retrouver isolément, mais il est très souvent associé à la dysphasie. Les chercheurs ne s’en- tendent pas encore sur un pourcentage clair, mais l’expérience clinique et plusieurs études nous permettent d’estimer que près de la moitié des enfants avec un trouble du langage (entre 40 et 50 % selon Cohen et coll., 1998) présentent également un TDAH, ce qui est presque 10 fois plus élevé que dans la population générale, où la prévalence du TDAH chez les enfants tourne autour des 5 % (Polanczyk et Rhode, 2007). Les causes exactes du TDAH ne sont pas encore bien connues, mais on soup- çonne l’influence de plusieurs facteurs comme l’hérédité, la génétique, l’environnement, la prématurité ou les complications survenues lors de la naissance, pour n’en citer que quelques-uns.

Mieux comprendre l’impact des difficultés  attentionnelles sur le fonctionnement de l’enfant
Cette association fréquente entre problématique attentionnelle et trouble de langage est importante à considérer. Chez un enfant dysphasique, les difficultés d’attention peuvent en effet accroître les impacts du trouble de langage et compliquer la mise en évidence de l’origine des manifestations cliniques que présente l’enfant. Elles peuvent en outre retarder l’identification du trouble de langage et/ou minimiser l’efficacité des interventions et des stimulations du langage, notamment en raison des répercussions sur la disponibilité de l’enfant, son comportement et sa capacité à exprimer pleinement son potentiel. Le jeune peut aussi recevoir de l’aide plus tardivement ou évoluer plus lentement qu’un autre enfant avec un trouble du langage qui ne présente pas de TDAH.

Les difficultés d’attention ne se manifestent pas uniquement par de vagues « difficultés à se concentrer ». L’attention comprend plusieurs dimensions spécifiques dont l’atteinte peut donner lieu à des profils de compétences bien différents. On parle entre autres d’attention sélective (capacité à focaliser l’attention sur ce qui est pertinent), d’attention soutenue (capacité à maintenir l’attention sur une longue durée) et d’attention partagée (capacité à gérer deux choses en même temps). Il peut être pertinent de faire évaluer ces différents types d’attention afin, notamment, de mieux saisir le fonctionnement de l’enfant, les forces sur lesquelles il peut s’appuyer pour surmonter certains défis et les éléments auxquels il faut prêter attention lors de la mise en place d’interventions en lien avec son trouble de langage. Ces problèmes s’accompagnent aussi parfois d’une agitation motrice, d’un manque d’auto-contrôle et/ou d’impulsivité, ce qui perturbe également le fonctionnement de l’enfant au quotidien. Les particularités du déficit d’attention (voir l’encadré à la page suivante) peuvent donc avoir un impact non négligeable sur la compréhension des consignes, les apprentissages en général et le traitement du trouble de langage. L’enfant dysphasique dont l’attention est fragilisée ou déficitaire fait face à des défis relevant des deux troubles et doit jongler avec les conséquences liées à chacun d’eux. Il est moins disponible qu’un autre à apprendre et à utiliser les stratégies qui peuvent l’aider à surmonter les difficultés associées à son trouble de langage.

Manifestations les plus fréquentes du TDAH
Inattention
› Difficulté à prêter attention aux détails.
› Facilité à être distrait par toutes sortes de stimuli.
› Tendance à faire des fautes d’inattention.
› Difficulté à soutenir l’attention, décrochages fréquents.
› Difficulté à gérer plusieurs choses en même temps, à partager l’attention.
› Tendance à donner l’impression de ne pas écouter, difficulté à exécuter les consignes.
› Difficulté à se mettre à la tâche, à fournir un effort.
› Difficulté à terminer les tâches (exercices, devoirs, jeux).
› Difficulté à organiser les tâches.
› Évitement des activités qui nécessitent un effort mental soutenu.
› Perte fréquente des objets personnels.
› Oublis fréquents dans la vie quotidienne.
› Lenteur fréquente pour effectuer les tâches et les terminer.

Agitation
› Mouvements fréquents des mains et des pieds.
› Tendance à se tortiller sur la chaise, difficulté à rester assis.
› Tendance à se lever en classe ou dans d’autres situations (par ex. : souper).
› Tendance à courir ou à grimper partout.
› Difficulté à se tenir tranquille pendant les jeux ou les activités.
› Tendance à parler beaucoup, à passer du coq à l’âne.
› Présence de bruits de bouche, de cris, difficulté à moduler le ton de la voix.
› Pensées nombreuses et rapides, désorganisation mentale.
› Difficulté à ajuster le niveau d’excitation à la situation.

Impulsivité
› Tendance à agir sans réfléchir aux conséquences.
› Tendance à donner les réponses sans attendre la fin dequestions.
› Difficulté à attendre son tour.
› Tendance à interrompre les autres, à imposer sa présence.
› Réactions souvent exagérées, difficulté à gérer les émotions.
› Gestes brusques (involontaires), maladresse.
› Recherche de satisfaction immédiate des besoins, intolérance à la frustration.

 

 

Isabelle Meilleur, Annick Proulx, Tamara Bacheleet, Annik Arsenault

 

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Les troubles du langage chez l'enfant