Zoroastre, premier fondateur d’une religion du livre



Pour beaucoup, Zoroastre serait l’expression d’une figure mythique que l’on retrouve dans la littérature de la Grèce antique. Quant à ceux qui considèrent Zoroastre comme un personnage historique, ils divergent sur les dates de son existence. Les indices archéologiques les plus récents semblent converger entre les xxe et xve siècles av. J.-C. L’analyse linguistique des Gathas, qui seraient les seuls textes directement attribués à Zoroastre, suggère pour sa part une période comprise entre 1400 et 1000 av. J.-C. Ces Gathas sont cinq hymnes qui se décomposent en dix-sept chants. Ils forment le cœur de la liturgie zoroastrienne, tout en étant aussi la partie la plus ancienne de l’Avesta. Ce livre sacré, d’un millier de pages, constitue pour les zoroastriens le code sacerdotal, quoique les trois quarts du manuscrit originel aient disparu. Cette disparition intervint pour partie à l’époque des conquêtes d’Alexandre le Grand, lors de l’incendie de la bibliothèque de Persépolis, puis lors des invasions arabo-musulmanes au viie siècle. L’Avesta est rédigé dans une langue indo-iranienne archaïque, l’avestique, vieille d’environ 3 000 ans. Celle-ci se révèle très proche des textes védiques indiens du Rig-Veda, qui pourraient ainsi nous relier à Krishna en Inde. Quand aux estimations grecques, influencées par la mythologie iranienne, elles prétendent qu’il aurait vécu au cours du viie siècle av. J.-C. C’est cette datation qui est retenue par les Parsi, qui sont les derniers adeptes d’une confession dérivée du zoroastrisme, qui était la religion des Perses jusqu’à leur conversion à l’islam. Cette communauté, qui comporte moins de 200000 adeptes, est aujourd’hui en voie de disparition d’autant plus rapide que seule l’endogamie, c’est-à-dire le mariage entre eux, est auto- risée. Les Parsis sont de nos jours quasiment inexistants en Iran, où ils furent opprimés jusque vers 1950. Ils constituent une communauté encore significative à Bombay, parmi laquelle figure la famille Tata, emblématique de la réussite industrielle en Inde. De petites diasporas survivent également aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Pour ce qui est du culte, il est animé par des prêtres, parmi lesquels on trouve les mobeds, qui ont un rang plus élevés. Ils ont un rôle d’enseignant, et officient, lors de certains rites, comme le Yasna, qui en est le principal, à l’occasion duquel ils lisent certains textes de l’Avesta.

Selon Zoroastre, l’initiateur de cette religion monothéiste, Dieu, qu’il nomme Ahura-Mazda, est la force créatrice du monde. Il a aussi créé l’homme en lui accordant le libre arbitre afin qu’il puisse toujours choisir entre le bien et le mal. Tout homme est donc un ouvrier de Dieu qui doit contribuer à transfigurer le monde. Cette religion est reconnue pour avoir eu une influence très importante dans l’histoire des spiritualités. Outre le fait qu’elle soit, semble-t-il, la première religion monothéiste insti- tuée par des livres, elle enseignait un Dieu créateur de l’ordre survenant du rien initial, puis créateur de l’univers et des mondes, ainsi que des quatre éléments, l’eau, la terre, le feu et l’air. Éléments que les zoroastriens vénèrent et respectent au plus haut point, puisque venant de la divinité. Certains historiens considèrent que le zoroastrisme a pu avoir une influence notable sur le judaïsme lorsque les Perses prirent Babylone au vie siècle av. J.-C., là où avaient été déportés de nombreux Hébreux. Les Perses, qui leur rendirent la liberté, jouissent d’ailleurs d’une image positive dans les textes bibliques. On peut aussi observer que la plupart des textes judaïques qui traitent de la vie après la mort appartiennent à la période de domination perse, postérieurement à la captivité de Babylone (597 à 538 av. J.-C.), période pendant laquelle les élites juives, en exil à Babylone, entrèrent en contact avec la Perse et les religions iraniennes et kurdes.

Dans sa conception le zoroastrisme semble très moderne. Jugeons plutôt. Pour ses adeptes, Dieu n’a pas besoin d’adoration ni d’intermédiaires, et ne joue pas de l’ignorance des peuples. Clairement influencée par la loi karmique, sa doctrine est fondée sur l’humata, la « bonne pensée », l’hukhta, la « bonne parole » et l’huvarshta, la « bonne action ». Zoroastre se serait rendu compte que toute l’évolution du monde est basée sur l’« action » et la « réaction ». Pour lui, la réponse la plus noble à toute attitude est la bonne action. De ce fait, si, en société, les gens s’adonnent à la bonté, ils ne récolteront que la bonté, et s’ils se livrent à la méchanceté, ils seront envahis par le mal et en subiront des conséquences néfastes. Chacun doit donc répondre de ses actes en vertu de la nature de son fravahr qui est, en quelque sorte, l’esprit de l’homme préexistant à sa naissance et qui perdurera après sa mort. On peut donc considérer le fravahr comme étant analogue au karma hindouiste. Les zoroastriens admettaient une vie après la mort et un jugement des âmes, chaque être humain étant jugé selon ses mérites. Selon Zoroastre, la bonté est quelque chose comme une lumière qui vient du fond de soi, et est inhérente à l’homme. En fait, il y a en tout homme deux tendances, l’une qui le porte au bien, l’autre qui le porte au mal. Ce précurseur proposait de toujours pencher du côté du bien, ce qui se fait par une constante dialec- tique, sachant qu’en définitive, c’est l’homme qui choisit car il n’y a pas d’obligation. Celui qui remplit sa responsabilité pleine et entière envers les autres est un saoshyant. Dans la mythologie iranienne, ce nom est celui du Sauveur suprême dont l’avènement marquera l’arrivée des derniers jours et du frashkan, l’ultime renouveau.


Christophe Queruau Lamerie     
                                                                              

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