Développer notre conscience...

Lorsque je regarde un bébé dans les yeux, je ne peux concevoir qu’il vient de naître du néant. Quelle que soit l’expression de son visage, je sens toujours que la part la plus profonde de lui-même vient de plus loin. Comme s’il était encore en lien avec un autre monde, un monde d’avant la naissance, avant même la conception.
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Lorsque je regarde un bébé dans les yeux, je ne peux concevoir qu’il vient de naître du néant. Quelle que soit l’expression de son visage, je sens toujours que la part la plus profonde de lui-même vient de plus loin. Comme s’il était encore en lien avec un autre monde, un monde d’avant la naissance, avant même la conception.


Quelles autres occasions aussi intimes que l’accompagnement vers la mort et la célébration d’une naissance nous permettent de nous rapprocher ainsi de notre source ? Nous interroger sur notre naissance, c’est développer notre conscience qui ne demande qu’à nous révéler d’où nous venons et qui nous sommes vraiment.

Où étaient nos enfants avant de naître, avant même d’être conçus ? Existaient-ils quelque part, dans un autre espace, une autre vibration ? Ou la totalité de leur être est-elle née lors de la rencontre entre un spermatozoïde et un ovule ? Notre regard sur l’éducation commence par le regard que nous portons sur l’incarnation. D’où viennent nos enfants ? Les avons-nous choisis, ou est-ce eux qui nous ont choisis ? De quoi sommes-nous réellement responsables ?

Pour certains parents, aucune conscience n’existe ni avant ni après la vie. Les enfants sont la chair de la chair des mamans, le sang de leur sang, le fruit de l’amour entre un homme et une femme. Le bébé n’existe qu’à partir de la conception ; il naît de nulle part, comme la Terre est née du big bang. Les parents qui sont dans cet état d’esprit considèrent souvent leurs enfants comme le prolongement d’eux-mêmes ou le seul résultat de leur création. Pour les chrétiens, l’enfant est un don de Dieu, un cadeau du ciel, une perle de vie qu’ils ont la responsabilité d’éduquer. L’enfant reçoit le souffle divin au moment du baptême. Mais il y a, dès la conception, une volonté divine, puisque Dieu est considéré comme étant à la source de chaque vie. Selon la religion juive, l’enfant existe plus tôt, dès le mariage, avant même la conception, et il est l’œuvre de trois composantes : l’homme, la femme et Dieu. Chez les musulmans, la rencontre entre le divin et l’enfant a lieu autour du cinquième mois de grossesse ; plus précisément, c’est au cent vingtième jour que la nature divine est reconnue à l’enfant.

Pour que mieux vivre ensemble soit possible, les lois divines doivent être en harmonie avec les lois terrestres. Lorsque la loi Veil a été élaborée, en France, au début des années 1970, signifiant la suspension des suites pénales après un avortement, les principales traditions religieuses ont été prises en compte ; notamment pour définir avec précision à partir de quel moment le fœtus était considéré par les différentes traditions comme un être humain à part entière. En effet, dès lors qu’il est question d’interruption volontaire de grossesse ou de fécondation in vitro, la science va à la rencontre de la spiritualité pour tenter de mieux définir nos origines. Selon le bouddhisme et l’hindouisme, notre âme dépasse la temporalité de notre corps. D’incarnation en incarnation, il s’opère une migration de l’être dont l’âme, l’esprit, l’atman, selon les traditions, est le fil conducteur. Chaque nouvelle vie se présente comme une exploration, une occasion d’expérimenter et de s’améliorer, une opportunité pour acquérir davantage de conscience. L’influence parentale est donc loin d’être la seule que connaisse l’enfant ; l’enfant suit son karma, son propre chemin qui dépasse la temporalité de son incarnation.

L’hypothèse bouddhiste permet notamment d’expliquer certains comportements étonnants d’enfants qui, par exemple, parlent spontanément une langue qu’ils n’ont pas étudiée et que ne parlent pas leurs parents, ou décrivent des situations qui semblent venir de la résurgence de mémoires de vies passées. L’hypothèse de la réincarnation, selon laquelle ce sont les enfants qui choisissent leurs parents, peut permettre aux parents de mieux accueillir les épreuves difficiles qui émaillent parfois une incarnation terrestre. Devant une maladie génétique, une mort prématurée, croire que l’âme trans- migre peut donner un sens plus large à l’incarnation et apaiser les parents. Pour d’autres parents, enfin, la naissance reste un mystère qui échappe totalement à la connaissance. D’où vient l’enfant? Où était-il avant de naître? Le mystère de nos origines est tellement fascinant que ces parents préfèrent préserver sur ce sujet le charme de l’inconnu.

D’où venons-nous? À quel moment la conscience devient-elle une entité cohérente ? Que donnons-nous vraiment lorsque nous croyons donner la vie? Quelle est la responsabilité réelle des parents vis-à-vis de leurs enfants ? Qu’est-ce qui dépend d’eux ? À quelle phase du développement la conscience est-elle réellement en lien avec le corps physique? À partir de quand commence vraiment le processus d’éducation? Méditer sur notre origine, nous familiariser avec le mystère de la vie, nous émerveiller de la magie avec laquelle les enfants viennent au monde, voilà le premier cadeau que nous offre l’enfant — et cela, avant même sa naissance.

 

 

Arnaud Riou


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Pour une parentalité bienveillante