Etude sur les ados et le porno : vers une génération 'Youporn' ?

Paris, le 17 mars 2016. Alors que le débat sur l'accès des sites pornographiques aux mineurs a été récemment relancé par la ministre des Familles, Laurence Rossignol, l'Observatoire de la Parentalité & de l'Éducation Numérique (OPEN) a souhaité faire le point sur l'évolution de la consommation de pornographie chez les adolescents et son influence sur leurs comportements sexuels. Réalisée par l'Ifop auprès d'un échantillon représentatif de 1 005 adolescents âgés de 15 à 17 ans, cette enquête permet d'y voir plus clair sur l'évolution et l'ampleur d'un phénomène qui suscite autant de craintes que d'idées reçues. Parmi les nombreux enseignements de cette enquête, on relève notamment les tendances suivantes :

 

Paris, le 17 mars 2016. Alors que le débat sur l'accès des sites pornographiques aux mineurs a été récemment relancé par la ministre des Familles, Laurence Rossignol, l'Observatoire de la Parentalité & de l'Éducation Numérique (OPEN) a souhaité faire le point sur l'évolution de la consommation de pornographie chez les adolescents et son influence sur leurs comportements sexuels. Réalisée par l'Ifop auprès d'un échantillon représentatif de 1 005 adolescents âgés de 15 à 17 ans, cette enquête permet d'y voir plus clair sur l'évolution et l'ampleur d'un phénomène qui suscite autant de craintes que d'idées reçues. Parmi les nombreux enseignements de cette enquête, on relève notamment les tendances suivantes :

LES CHIFFRES CLÉS
Une forte hausse de la fréquentation des sites pornographiques

La moitié des adolescents âgés de 15 à 17 ans ont déjà surfé sur un site pornographique (51%), soit une proportion en nette hausse (+ 14 points) en 4 ans (37% en septembre 2013). Et si les écarts entre sexe s'estompent, la fréquentation des sites X reste une pratique très genrée au regard du différentiel d'expérience entre garçons (63%) et filles (37%).

Une consommation qui repose essentiellement sur l'offre gratuite de film X sur Internet
L'essentiel de la consommation pornographique des ados sur internet s'effectue via des sites gratuits (96%, contre 78% chez l'ensemble des Français), à peine 4% des adolescents ayant déjà surfé sur un site payant au cours de leur vie (contre 22% chez l'ensemble des Français), que ce soit sous forme d'abonnement (4%) ou de payement à l'unité (3%).

Un accès à la pornographie de plus en plus précoce
A 15 ans, la moitié des adolescents interrogés ont déjà vu un film X, que ce soit sur un support télévisuel (46% avant 15 ans) ou sur le web (47% avant 15 ans). Ce rajeunissement de l'accès à la pornographie se retrouve aussi dans la baisse de l'âge moyen de la 1ère visite sur un site porno : 14 ans et 5 mois en 2017, contre 14 ans et 8 mois en 2013.

Une première expérience de la pornographie jugée prématurée pour une majorité d'adolescents
En majorité, les ados considèrent eux-mêmes que cette première expérience était prématurée. En effet, plus d'un ado sur deux (55%) considèrent qu'ils étaient « trop jeune » la 1ère fois qu'ils en ont vu, 45% qu'ils avaient « l'âge pour en voir » et 0% qu'ils étaient « trop âgés »...

L'initiation à la pornographie : une expérience plus collective pour les filles que pour les garçons

Alors que le premier visionnage d'un film X constitue pour la plupart des garçons (64%) une expérience solitaire généralement associée à une activité masturbatoire, la majorité des filles (53%) déclare avoir vu leur premier porno avec quelqu'un d'autre, essentiellement avec leurs ami(e)s (36%) et leurs petits amis (13%).

Le rôle important de la pornographie dans l'apprentissage de la sexualité des jeunes

Près d'un ado sur deux (45%) estime que les vidéos pornographiques qu'il a vues au cours de sa vie ont participé à l'apprentissage de sa sexualité, soit une proportion largement supérieure à celle observée dans la population adulte ayant déjà vu un film X (35% en 2009).

Une intégration des pratiques issues de l'univers du X dans le répertoire sexuel des adolescents

Près d'un ado sur deux (45%) a tenté de reproduire des scènes vues dans des films pornographiques, soit une proportion assez proche des adultes (47%).Toutefois, les ados reproduisent plus régulièrement des pratiques vues dans des vidéos X : 20% s'y sont adonnés « plusieurs fois », soit deux fois plus que dans la population adulte (11%).

 
 
LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE L'ENQUÊTE
 
LES USAGES ET LES MODES DE CONSOMMATION EN MATIERE DE PORNOGRAPHIE
 
1 - Une forte hausse de la fréquentation des sites pornographiques
La moitié des adolescents âgés de 15 à 17 ans admettent avoir déjà surfé sur un site pornographique (51%), soit une proportion en nette hausse (+ 14 points) en quatre ans (37% en septembre 2013). Ces données d'ensemble masquent toutefois des différences notables entre les sexes aussi bien en termes de niveau que de tendances.
Car si la fréquentation des sites X reste une pratique très genrée au regard du différentiel d'expérience entre les sexes - près de deux garçons sur trois (63%) ont déjà fréquenté au moins une fois un site pour adultes, contre un gros tiers des filles de leur âge (37%) -, on n'en observe pas moins un "rattrapage" de la gent féminine en la matière : la proportion de jeunes filles y ayant déjà visionné un film X a plus que doublé en quatre ans (+19 points), passant de 18% en 2013 à 37% en 2017.
Cet alignement progressif des comportements féminins sur les comportements masculins se retrouve aussi dans l'évolution de la consommation de films X sur un support télévisuel (de type VOD, TV, DVD), en baisse chez les garçons  (-5 points, à 41%) alors qu'elle progresse chez les filles du même âge (+7 points, à 27%).

2 - Un accès de plus en plus dématérialisé à la pornographie
Les résultats de cette enquête montrent également que la consommation de pornographie s'effectue désormais essentiellement en ligne (via un smartphone, un ordinateur ou une tablette) tandis que les supports physiques sont de plus en plus délaissés pour ce type de pratique.
Certains résultats plus ou moins comparables à ceux de l'enquête Espad réalisée en 2003 montrent ainsi qu'en une quinzaine d'années, la proportion d'élèves scolarisés de la 4e à la terminale ayant déjà vu un film X en vidéo ou à la télévision a diminué tandis que celle ayant fréquenté un site X a progressé durant la même période.
Aujourd'hui, la proportion d'ados ayant surfé sur des sites web via un smartphone (33%), un ordinateur portable (28%) ou une tablette (12%) est donc largement supérieure au nombre d'ados s'étant risqués à en voir sur des supports à usage plus collectif comme les DVD (10%), les chaînes de télévision (8%) ou les services de VOD (2%).
L'expérience de consommation de pornographie en ligne (51%) est d'ailleurs quasiment identique à l'expérience de consommation de pornographie (52%) en général - c'est-à-dire "quel que soit le moyen utilisé" -, signe que la prévalence des autres modes de visionnage est très marginale.

3 - Une consommation qui repose essentiellement sur l'offre gratuite de film X sur Internet
Au regard des résultats de l'étude, l'essentiel de cette consommation s'effectue par le biais des sites de streaming gratuits, le nombre d'amateurs ayant déjà payé pour visionner un film X sur le Web s'avérant marginal, que ce soit sous forme d'abonnement (4%) ou de payement à l'unité (3%).
La quasi-totalité de la consommation pornographique des ados sur internet s'effectue via des sites gratuits (96%, contre 78% chez l'ensemble des Français), à peine 4% des adolescents ayant déjà surfé sur un site payant au cours de leur vie (contre 22% chez l'ensemble des Français).
 

 
LA PREMIERE EXPERIENCE DE VISIONNAGE DE VIDEOS PORNOGRAPHIQUES

 4 - Un accès à la pornographie de plus en plus précoce et prématuré pour une majorité d'adolescents
A 14 ans, la moitié des adolescents interrogés ont déjà vu un film X au cours de leur vie, que ce soit sur un support télévisuel (46% avant 15 ans) ou sur le web (47% avant 15 ans). Or, leurs ainés étaient beaucoup moins nombreux à avoir été déniaisés aussi tôt. En effet, dans notre dernière enquête sur le sujet en 2013, à peine un tiers des jeunes âgés de 18 à 24 ans en avaient déjà vu un avant 15 ans à la TV (30%) ou sur internet (33%).
Ce rajeunissement de l'accès au porn se retrouve aussi dans la baisse de l'âge moyen du premier voisinage, qu'il s'agisse de la première exposition à une vidéo porno à la télévision (14 ans et 6 mois en 2017, contre 14 ans et 11 mois en 2013) ou sur un site web (14 ans et 5 mois en 2017, contre 14 ans et 8 mois en 2013).
Et il est intéressant de relever qu'en majorité, les ados considèrent eux-mêmes que cette première expérience était prématurée. A la question « Avec le recul, lorsque vous repensez à la première fois où vous vu une vidéo pornographique, diriez-vous que vous aviez l'âge pour en voir ? », plus d'un ado sur deux (55%) considèrent qu'ils étaient « trop jeune », 45% qu'ils avaient « l'âge pour en voir » et 0% qu'ils étaient « trop âgés »...

5 - Une initiation au porn qui se fait essentiellement via les sites de streaming en ligne
Le premier visionnage d'une vidéo pornographique s'effectue désormais essentiellement sur un site web (84%), et tout particulièrement via un ordinateur portable (34%), un smartphone (29%) ou une tablette (8%). A l'inverse, à peine un ado sur six (16%) a été initié au porn via des supports physiques comme les DVD (5%), les chaines de télévision (5%) ou les services de vidéo à la demande (1%). 

6 - L'initiation à la pornographie : une expérience plus collective pour les filles que pour les garçons
Alors que le premier visionnage d'un film X constitue pour la plupart des garçons (64%) une expérience solitaire généralement associée à une activité masturbatoire, la majorité des filles (53%) déclare avoir vu leur premier porno avec quelqu'un d'autre, essentiellement avec leurs ami(e)s et leurs petits amis.
Déjà observé dans le passé, le rôle initiateur joué par les partenaires masculins en matière de pornographie se confirme au regard du nombre de filles déclarant avoir vu leur premier film avec leur petit copain : 13% chez l'ensemble des jeunes filles, jusqu'à 21% chez les filles ayant déjà eu un partenaire sexuel.
Cette différence de modes d'initiation se doit toutefois d'être relativisée par la tendance qu'ont les femmes à  sous-déclarer les pratiques masturbatoires qui, mettant en relief la part individuelle et compulsive de leur sexualité, ne s'inscrivent pas dans le cadre « acceptable » d'une relation de couple.
 
L'INFLUENCE DE LA PORNOGRAPHIE SUR LA SEXUALITÉ
 7 - Le rôle important de la pornographie dans l'apprentissage de la sexualité des jeunes
Près d'un ado sur deux (45%) estime que les vidéos pornographiques vues au cours de leur vie ont participé à l'apprentissage de sa sexualité, soit une proportion largement supérieure à celle observée dans la population adulte ayant déjà vu un film X (35% en 2009).
Le rôle de la pornographie dans la découverte de la sexualité apparaît donc particulièrement important chez les adolescents, notamment chez ceux ayant déjà eu un rapport sexuel : 51% pour les initiés ayant déjà vu une vidéo X, dont 55% chez les garçons et 44% chez les jeunes filles.
A noter que cette influence du porn dans l'initiation sexuelle des garçons s'avère particulièrement forte chez les plus jeunes (51% à 15 ans, contre 44% à 17 ans), dans les minorités sexuelles (74%), les minorités religieuses (73% chez les musulmans) et les jeunes résidant en agglomération parisienne (66%) ou en zones prioritaires (73%).

8 - Une intégration des pratiques issues de l'univers du X dans le répertoire sexuel des adolescents
Près d'un ado sur deux (45%) initiés sexuellement et ayant déjà visionné un film X ont tenté de reproduire des scènes ou des pratiques vues dans des films pornographiques, soit une proportion similaire à celle observée chez l'ensemble des adultes (47%).
Toutefois, l'influence de la « culture porn » dans le répertoire sexuel semble plus forte dans la vie sexuelle des mineurs au regard du nombre d'ados reproduisant régulièrement des pratiques vues dans des vidéos pornographiques : 20% s'y sont adonnés « plusieurs fois », soit deux fois plus que dans la population adulte (11%).
Et si autant de filles (43%) que de garçons (45%) s'en sont déjà inspirés au moins une fois dans leur vie sexuelle, cette tendance à reproduire des codes et scénographies de la pornographie est plus régulière dans la gent masculine (22%) que féminine (16%), en particulier chez les garçons affirmant une part d'homosexualité (50%).

9 - Le nombre de Français passés de « l'autre côté de la caméra » reste néanmoins limité
A peine 3% des ados ont cherché à pimenter leur vie de couple en filmant leurs ébats ou jeux sexuels avec leur partenaire, soit un niveau largement inférieur à celui que l'on peut observer dans la population adulte (11% en 2013). La sextape reste donc une pratique encore marginale à cet âge.
La réalisation d'une vidéo amateur reste néanmoins un fantasme appartenant au domaine du réalisable pour plus d'un ado sur dix (11%), cette disposition ayant tendance à croître avec l'âge et le niveau de vie des adolescents (17% dans les milieux les plus aisés, contre 7% dans les milieux les plus modestes).
La publication ou la diffusion de photos ou vidéos de ses ébats ou jeux sexuels constitue elle aussi une pratique très marginale (1%), à l'exception notable des rangs des jeunes sortis du système scolaire où cette pratique atteint le seuil symbolique des 10%.
 

LE POINT DE VUE DE L'IFOP
Etroitement liée à la généralisation du haut débit et des terminaux mobiles offrant un accès aisé, discret et bon marché à ce type de contenu (le taux d'équipement des smartphones y a été multiplié par quatre en 5 ans par exemple), la banalisation de la consommation de pornographie chez les adolescents est un phénomène dont l'impact sur leur sexualité ne se limite pas qu'au visionnage passif d'images pornographiques. S'effectuant désormais principalement via des sites streaming gratuits, cette consommation de pornographie s'est en effet accompagnée d'un accès de plus en plus précoce et prématuré aux contenus pornographiques qui renforce le rôle des films X dans l'apprentissage de la sexualité et, plus largement, l'intégration des codes et scénographies de la pornographie dans le répertoire sexuel des ados.
François KRAUS, directeur du pôle Politique / Actualité à l'Ifop
 
 
LE POINT DE VUE DE THOMAS ROHMER - PRESIDENT DE L'OPEN
> Dans quel contexte avez-vous fait réaliser cette étude ?
La commande de cette étude s'inscrit dans le cadre des actions annoncées par L. Rossignol dans son plan national des violences faites aux enfants (mesure 7). En effet, mardi 21 mars se tiendront deux groupes de travail impliquant tous les acteurs économiques, associatifs et institutionnels impliqués autour de ce sujet. A l'issue de cette journée du 21 mars le flambeau  sera passé à l'OPEN pour mettre en application les préconisations de ces groupes de réflexion à travers la mise en place cette fois d'un groupe de travail que je co-piloté par l'OPEN et la DGCS ce qui devrait permettre d'inscrire les choses dans le temps.

> Quel est votre point de vue sur les résultats ?
Cette étude permet pour la première fois depuis 2003 de dresser un tableau exhaustif de la situation réelle de consommation de contenus Pornographiques par les Mineurs. Elle nous révèle que cette consommation est en hausse chez les ados, qu'elle se déroule désormais presque uniquement sur téléphone mobile grâce à l'accès gratuit qu'offre ces milliers de site qui sont présents sur la toile. Nous appelons tous les acteurs qui seront présents lors de la journée du 21 mars à prendre leur responsabilité
afin de faire en sorte que ces contenus qui  "sont faits par et pour des adultes" le demeurent.
Thomas Rohmer, président de l'OPEN
Expert depuis plus de 10 ans sur les questions de protection de l'enfance en lien avec les univers numériques, iThomas Rohmer a fondé il y a quelques mois l'OPEN (l'Observatoire de la Parentalité & de l'Education Numérique), il a été nommé par le Premier Ministre en octobre dernier "'expert protection de l'enfance et numérique" au sein du  HCFEA, et est administrateur bénévole de la Voix de l'Enfant en charge des questions numériques depuis 7 ans.
 
À PROPOS DE L'ETUDE :
Etude de l'Ifop pour l'Observatoire de la Parentalité et de l'Éducation Numérique réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 21 au 27 février 2017 auprès d'un échantillon représentatif de 1 005 personnes, représentatif de la population âgée de 15 à 17 ans résidant en France métropolitaine. La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, situation et filière scolaire, profession du chef de ménage, région, taille d'agglomération).
CONTACTS PRESSE :
OPEN |  Thomas ROHMER | Président de l'OPEN | 06 60 95 05 37 | thomas.rohmer@open-asso.org
IFOP | François KRAUS | Directeur du pôle Actualité | 01 72 34 94 64  | francois.kraus@ifop.com
A PROPOS DE L'OBSERVATOIRE DE LA PARENTALITE ET DE L'ÉDUCATION NUMERIQUE :
> L'OPEN (observatoire de la Parentalité & de l'Education Numérique) :
Association loi 1901, membre de La Voix de l'Enfant qui a une double mission :
> informer à travers la constitution et la mise à disposition de ressources pragmatiques afin de constituer un site portail de référence en la matière autour des enjeux liés au développement des univers numériques au sein des familles.
> former et sensibiliser dans un premier temps l'ensemble des adultes référents pour les enfants et dans un second temps les enfants et les adolescents autour de 6 thématiques :
> Réseaux sociaux & socialisation numérique
> La pornographie en ligne et les nouveaux codes de séduction à l'ère 2.0
> Les enjeux de santé : dépendance aux écrans, les risques liés aux ondes électromagnétiques, l'impact des écrans sur la vue
> La radicalisation et les phénomènes sectaires
> Les données personnelles et le big data
> Les jeux vidéo