Signification du symbole



Classiquement, on définit le symbole par référence au « signe de reconnaissance » (sumbolon) grec consistant à réunir les deux moitiés d’un objet fragmenté.

Or, comme le fait remarquer Gilbert Durand : « On demande au symbole autre chose que le mécanisme univoque du sumbolon, on lui demande, justement, de «donner un sens» c’est à dire au-delà du domaine de la communication, de nous faire accéder au domaine de l’expression (8). » Nous adhérons à cette remarque d’autant que cette référence à l’objet coupé en deux ne tient pas compte de l’étymologie du mot symbole. Symbole « signe » vient du verbe sumballein « jeter ensemble, lancer ensemble, réunir », ce qui donne tout de suite un autre éclairage.
Il fait alors peut être allusion au jeu de balle chanté par Homère (Odyssée chant VIII). Il s’agit du jeu de la balle céleste, Ourania Sphaira ουρανια σφαιρα.

Dans cet épisode, deux jeunes hommes sont encouragés à danser devant Ulysse : Il s'agit de Halios et Laodamas. Nous notons que Halios peut être mis à la place de Hélios, le Soleil, et que Laodamas signifie « dompteur de peuple ». « Ils prennent en leurs mains une superbe balle (σφαιραν) rouge de couleur pourpre qu'avait fait l'habile Polybe. L'un se renversant en arrière lance sa balle jusqu'aux sombres nuées, l'autre sautant en l'air la recevait au vol avant de retoucher le sol de ses deux pieds. Puis, ayant terminé ces jeux de haute balle, ils dansèrent au ras de la terre nourrice, en rapides croisés et, debout dans l'arène, les autres jeunes gens leur battaient la cadence. »

En fait, explique René Alleau, à propos de ce passage, « l'un des joueurs se renversant en arrière lance sa balle vers le ciel, les autres bondissent et leur ambition est de la saisir avant qu'elle ne touche la terre. »

On peut dire aussi que la balle dans le jeu tente d'accéder au ciel mais en même temps unit la terre et le ciel. « Si elle traverse les airs elle est l’emblème de l’ascension du Soleil dans sa course et si elle descend jusqu’à terre du coucher de l’astre du jour. »

C’est vers l’invisible et vers l’indicible que « la balle céleste » du symbole « lance (Ballein) l’âme humaine vers le grand large de l’inconnu qui dans ses pures profondeurs voile le sens ultime de la réalité. »
Sumballein, lancer ensemble, jouer à plusieurs à la balle, symbolise aussi la collectivité des joueurs tentant d’accéder à la connaissance.
C’est cependant Pausanias (VIII, 54) qui nous donne la plus belle image du symbole et par analogie justement nous en fournit la clef.
Il nous explique que sumbola désigne « l’assemblée des eaux », le lieu où elles se réunissent, où elles se jettent ensemble et « coulent ensemble ».
Le symbole réunit ainsi les différents plans de l’existence, le vol de la balle vers les eaux d’en haut et l’écoulement des eaux d’en bas dans les abîmes de la terre.
Sous quelle forme se présente-t-il ?
Le symbole est un élément simple : une figure géométrique, un outil, un animal, un geste, un son, voire une sensation tactile, gustative, une odeur... Toute créature, au sens large du terme, est symbole.

Ce qui fait d’une chose un symbole, ce n’est donc pas sa nature, mais l’état de conscience du symboliste.

Le symbole est « la créature » considérée comme une manifestation des lois de la conscience et de l’univers, un archétype porteur de sens à tous les niveaux de manifestation de ces lois.
Ainsi la forme, l’usage artisanal d’un outil sont en relation directe avec des sentiments, des processus intellectuels, des principes moraux, des lois de la société, des phénomènes spirituels : le symbole par son sens s’étend du monde infernal (l’enfer intérieur des frustrations, des vices...) au monde surcéleste (celui qui est au-delà de toute matérialité) en passant par celui de la matière et de l’action.
Il en résulte que le sens d’un symbole n’est jamais une convention. Par exemple, un symbole tel le yin-yang des taoïstes ou la pierre cubique sont compris de la même façon par un Asiatique et par un Occidental. Simplement l’Asiatique aura plus de facilité à exprimer et approfondir sa compréhension du yin yang parce que ce symbole est plus utilisé dans sa culture. À l’in- verse, un Occidental aura (en principe) plus de facilité à exprimer sa compréhension de la pierre cubique parce que ce symbole est plus présent dans sa culture. De même, chacun d’eux aura plus de facilité à percevoir le sens du symbole en relation avec sa culture aux divers niveaux de manifestation de la loi qu’il représente. En principe, pour que cette différence apparaisse, il faut que l’un comme l’autre soit imprégné de la culture traditionnelle propre à sa civilisation : cosmologie, mythologie, sciences traditionnelles...

On n’explique pas un symbole
Un symbole est le point de départ d’une méditation. Ses significations, bien que précises, sont indéfinies et se découvrent par la pensée analogique. C’est pourquoi on ne peut expliquer un symbole, et nous dirons même que tenter de l’expliquer c’est, en quelque sorte, le refermer sur son image matérielle, en limiter arbitrairement les sens. En revanche, on peut donner à un symbole différents éclairages, combiner par exemple un point de vue judéo-chrétien et un point de vue pythagoricien, analyser le sens de ces points de vue, et les approfondir. Ces « éclairages » ne sont jamais l’explication du symbole, mais ils fournissent des instruments à celui qui désire en approfondir les significations sans s’égarer. En effet, le symbole est le signifiant de multiples signifiés non fixés par une convention, mais qui lui sont spécifiques, n’ont rien d’arbitraire et se déduisent les uns des autres.

Ainsi les sens du triangle ne sont pas ceux du carré, de même que, en marchant vers l’Est indéfiniment, un promeneur ne rencontrera pas les mêmes paysages qu’en marchant vers le Nord, mais, pour être certain d’avoir pris cette direction, il lui faudra une boussole ou un compas, ou encore une connaissance des mouvements des astres ; en un mot, des repères qui « éclairent son cheminement ».
La mythologie et les légendes
La mythologie et les légendes sont le grand véhicule de la connaissance traditionnelle. En particulier, elles contiennent les bases des sciences traditionnelles, non seulement de la civilisation actuelle, mais aussi de celles qui l’ont précédée.

Cependant, elles les transmettent sous une forme symbolique, voire codée.
Ce sont elles aussi qui « familiarisent » un peuple avec un symbole plutôt qu’avec un autre, ainsi qu’avec les formes particulières prises par les sciences traditionnelles dans une civilisation donnée.
C’est l’existence ou non de cette familiarité qui permet à un individu, mis en présence d’un symbole, de le relier à divers niveaux de l’être et de l’utiliser comme un outil de modification d’état de conscience.

 
Delclos M. & Caradeau J.-L.

 

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