Le monde en face / Devenir il ou elle

« J’ai toujours été mal à l’aise dans ma peau, depuis toute petite. » « Psychologiquement, j’avais l’impression de mener une double vie et c’était vraiment trop dur à supporter »… Comme tant d’autres, Léna, Lucas, Eléna, Bas et Connor ont la certitude, depuis leur plus jeune âge, de ne pas être nés avec le bon sexe, dans le bon corps. Ce sentiment de ne pas être eux-mêmes les enferme dans une adolescence pavée de souffrances. Entre rejet familial et errance médicale, ils se battent pour trouver une issue à leur mal-être.

Aux Pays-Bas, ce problème est pris en charge très tôt. Grâce à un accompagnement médical adapté, les jeunes peuvent entamer dès 12 ans leur transition. Entourés par des associations, ils sont également soutenus dans le milieu scolaire. En France, le retard est flagrant, mais des structures spécialisées pour ados transgenres se mettent timidement en place à Paris. Filmés dans leur vie quotidienne, dans leur environnement familial, lors des consultations à l’hôpital et au fil d’entretiens avec les associations et les médecins qui les suivent, Lucas, Eléna, Léna, Bas et Connor invitent à porter un nouveau regard sur la construction de l’identité masculine et féminine… Au travers de leurs témoignages s’esquisse une nouvelle génération d’adolescents transgenres qui parviennent à affirmer plus tôt leur identité. Leur transition est difficile mais plus impossible, facilitée par le Web, l’échange d’expériences. Leur parcours et leurs projets autorisent l’espoir de les voir s’intégrer comme n’importe quel autre jeune dans notre société, contrairement à la plupart de leurs aînés, trop souvent stigmatisés et marginalisés.

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EXTRAITS

Lucas, 15 ans, lycéen : « Quand j’étais petit, j’étais un peu garçon manqué […] ; à l’adolescence, j’ai cru que j’étais homosexuel, du coup j’en ai parlé à ma mère, mais j’étais toujours mal. J’avais l’impression que mon corps ne m’appartenait pas, je ne pouvais pas me l’approprier. […] Le plus dur, c’est de ne pas savoir l’expliquer aux autres, d’être agressif comme ça ; […] ça m’est arrivé de me scarifier à des moments où j’étais très en colère, histoire de ne plus ressentir de douleur. »

Léna, 16 ans, lycéenne : « C’est au moment de la puberté qu’on se rend compte que notre corps commence à évoluer de la mauvaise façon, et c’est l’élément déclencheur pour moi. J’ai commencé par faire des recherches sur Internet, je suis tombée sur des témoignages d’autres transgenres et je me suis reconnue dans leur histoire. J’ai écrit une lettre (à ma famille) parce que je ne me sentais pas capable d’en parler. Après, j’étais soulagée, mais il y a encore beaucoup de problèmes à régler. »

Eléna, 18 ans, à la recherche d’un emploi : « Je sais que je suis une femme depuis l’âge de 5, 6 ans. Quand je me regardais dans des miroirs, je me voyais en fille […]. Mon enfance, j’en ai pas profité parce que j’étais mal avec moi-même ; ma puberté, ç’a été une catastrophe… J’ai pris mon mal en patience jusqu’à 15, 16 ans ; ça m’a pris un an avant de parler à mes parents, le temps de me renseigner, de réfléchir. Ma famille a voulu me faire interner en hôpital psychiatrique […]. Je voulais faire ma transition jeune parce que plus tard le résultat ne serait pas le même ; et puis je ne voulais pas gâcher la moitié de ma vie à ne pas être moi-même. »

Bas, 15 ans, collégien : « Je veux absolument faire l’opération nécessaire pour changer de sexe. »

Connor, 16 ans, lycéen : « Je suis né comme ça parce qu’il y a eu une petite erreur ; après, ça reste en toi. Il y a des recherches, mais je ne saurais pas dire pourquoi je suis comme ça. »