Le crédo maçonnique

Oui, c’est bien certain puisque tout le monde l’affirme... La franc-maçonnerie ? Une institution dangereuse ! Nous devons nous méfier d’une société qui se dit « secrète », qui est obligée de se cacher pour célébrer ses « mystères » et dont les membres ne veulent pas révéler leur appartenance, qui la cachent même parfois à leur famille.


Oui, c’est bien certain puisque tout le monde l’affirme... La franc-maçonnerie ? Une institution dangereuse ! Nous devons nous méfier d’une société qui se dit « secrète », qui est obligée de se cacher pour célébrer ses « mystères » et dont les membres ne veulent pas révéler leur appartenance, qui la cachent même parfois à leur famille.

Est-ce un mal honteux ? Les informations filtrent pauvrement et ne révèlent que ce qu’ils en disent ; d’ailleurs la rumeur collective confirme que ce sont des groupes peu fréquentables. Ces maçons évoluent dans leurs temples étrangement décorés, avec des colonnes, des bougies, de bizarres décorations, eux-mêmes revêtus de ridicules petits tabliers, de sautoirs multicolores. Ils ont des mots et des signes de reconnaissance leur permettant de se faire reconnaître dans le monde entier et, en cas de péril, ils usent de « signes de détresse ». Ils se donnent des âges qui n’ont rien à voir avec l’état civil. Volontiers ils se font nommer « les frères trois points », les « fils de la veuve » ou les « enfants de la lumière » en employant des expressions chargées d’un symbolisme qui leur est particulier : ils veulent donc se dissimuler. Ils sont réputés pour leurs réunions nocturnes où ils boivent plus que de coutume, en portant de nombreuses santés. Ils font de la politique comme leurs ancêtres qui ont ourdi la Révolution. Ils « mangent du curé », vomissent sur la religion dont ils se moquent durant leurs rites où ils « singent » les mystère chrétiens, comme à Pâques, celui de la sainte Cène : à coup sûr, ce sont des lucifériens... Comment faire confiance à ces hommes qui ne se réunissent qu’entre eux, qui s’embrassent, refusant le plus souvent les femmes, sans doute pour mieux assouvir leur homo- sexualité. Actuellement des femmes suivent leur exemple, se réunissent de la même manière, uniquement entre elles ; elles bravent les hommes et sont souvent lesbiennes; tout ce qui est rapporté sur la classe masculine s’applique également aux dames. D’autres groupes réunissent hommes et femmes ensemble, dans un même temple, et l’on s’interroge sur leurs simagrées qui se passent à huis clos. Ne pratiquent-ils pas des messes noires, des cérémonies sacrilèges, tout en complotant contre les lois du pays ? Les francs-maçons français se cachent, car ils veulent dissimuler la portée de leurs réunions. Il n’est qu’à les voir entrer furtivement dans leurs locaux gardés où pour pénétrer il faut donner le mot de passe : ils sont sombres, avec un petit sac à la main, contenant ce qu’ils nomment « leurs décors » !

En Angleterre, mais surtout aux USA, ils ne craignent pas de défiler dans les rues avec leurs ornements maçonniques, d’étranges oripeaux. Une procession burlesque d’hommes fatigués, qui ne peuvent égaler les athlètes ; un morne défilé qui fait regretter le somptueux carnaval ou même le cortège de revendication organisé par les syndicats, où le tintamarre distrayant est plus chatoyant...

Des intellectuels qui pénètrent partout, qui se mêlent de tout et principalement de leurs affaires, se soutenant avec les Juifs, leurs complices qui intriguent et s’installent dans tous les ministères afin de pouvoir prendre le pouvoir. Ils seraient près de six millions dans le monde, dont quatre millions aux USA, un million en An- gleterre, cinq cent mille en Europe continentale, cent vingt mille en France. Une sorte d’Opus Dei pour des anti religieux !

Cependant, dès 1940, nous avons pu prendre partiellement connaissance de leurs rituels, de leurs étranges coutumes, de leur arrivisme, de leur copinage, qui seraient à la base de notre défaite militaire. Si, le 16 juin, Hitler, est à Paris, au Trocadéro avec l’archi- tecte Speer et le sculpteur Arno Brecker, si l’appel à la résistance du 18 juin est peu entendu, le 25 juin c’est l’armistice ; sans perdre de temps, dès le début août, une exposition antimaçonnique est organisée par Marquès-Rivière, écrivain, ancien franc-maçon, adjoint au nouveau directeur de la Bibliothèque nationale, Bernard Faÿ ; le 13 août, Pétain dissout les « sociétés secrètes », et c’est l’exposition antimaçonnique au Grand Palais à Paris. Bernard Fay centralise leurs archives, les expose en les rendant publiques. Quelle précipitation ! Sous la pression de Jean Bernard dit « La Fidélité d’Argenteuil », le chef de l’État français rétablit à Vichy, le 1er mai 1941, une partie du compagnonnage en zone libre, tout en luttant contre la franc-maçonnerie et le 13 août, le Journal officiel publie les noms des dignitaires maçons qui doivent démissionner de leurs fonctions publiques. Journaux, revues, radios, films, critiquent la franc-maçonnerie seule responsable de tous nos désastres. Bernard Faÿ s’installe dans les locaux du Grand Orient, Henri Coston dans ceux de la Grande Loge ; au square Rapp à Paris, on dénonce tout ce qui est société secrète. En 1943, la propagande se sert du cinéma : d’après le scénario de Jean Marquès-Rivière, Paul Riche réalise le film Forces occultes pour les productions Nova-Films en faisant évoluer des artistes comme Maurice Rémy, Marcel Vibert-Boverio, Gisèle Parry, Pierre Darteuil...-

Toute une activité secrète est ainsi dévoilée, avec cependant trop de hargne. Pour ma part, étudiant à cette époque, j’ai consigné certaines phases des rituels, des valeurs symboliques et philosophiques puisées dans cette abondante diatribe. Étaient-ils réellement coupables tous ces hommes pourchassés à qui l’on imputait tous nos malheurs, et qui par ailleurs paraissaient posséder des écrits de haute sagesse? Pouvaient-ils tant dissimuler ? Trop de propagande, trop de rancœurs, trop d’antimaçonnisme : on en vient à s’interroger sur la réalité des faits...

Car nous pouvions prendre connaissance de l’article I de sa Constitution de 1723 disant notamment : « La franc-maçonnerie est un ordre initiatique traditionnel et universel, fondé sur la fraternité. Elle constitue une alliance d’hommes libres et de bonnes mœurs, de toutes races, de toutes nationalités et de toutes croyances... Elle a pour but le perfectionnement de l’humanité; à cet effet, les francs-maçons travaillent à l’amélioration constante de la condition humaine, tant sur le plan moral et sur le plan spirituel et intellectuel que sur le plan du bien-être matériel. » Améliorer l’humanité!...Des rêveurs ? Un bien vaste programme paraissant contredire bien des affirmations d’une campagne de dénigrements, qui provoque curiosités et malentendus.

On oublie que cette société, effectivement fermée afin de mieux travailler dans la recherche des valeurs sacrées, dans la plus haute spiritualité, désire l’amélioration de l’être intérieur ; bien que lar- gement infiltrée par la police, les inspecteurs des Renseignements généraux, rien n’est finalement répréhensible dans l’attitude des maçons. Quelques-uns, à titre personnel, peuvent délaisser les aspects initiatiques, mais leur attitude individuelle ne peut modifier l’esprit spirituel de l’Ordre qui ne répond pas aux accusations et qui, par sa liberté, sa tolérance, ne peut être comparé à une « secte » dogmatique.

On peut se demander comment naît cette fraternité, comment des êtres de races, de religions, de cultures aussi différentes, parviennent à avoir une conception semblable en évoquant le Grand Architecte de l’Univers. Qu’y a-t-il de commun entre Montesquieu, Choderlos de Laclos, Jean-Paul Marat et des généraux républicains comme Kléber, Marceau, Hoche, Brune ou le cosmonaute Edwin Aldrin qui met ses pas sur la lune ? Doumergue, Doumer, Mendès-France ont été francs-maçons comme Arago, Proudhon, Berryer ou Crémieux. Harry Baur, Pierre Dac sont des frères comme Mozart, Sibelius, Flemming ou Armstrong, ou encore Gaston Monnerville et Félix Éboué. La liste serait longue à établir, mais dans chacune de nos activités, nous trouvons des noms prestigieux. Il suffit de se reporter au Dictionnaire des francs-maçons français de Michel Gaudart de Soulages et Herbert Lamant ou au Dictionnaire de la franc-maçonnerie établi sous la direction de Daniel Ligou pour disposer d’approches fort inattendues.

Comment se fait-il que la majorité des présidents des USA revendiquent leur appartenance à la franc-maçonnerie ? Comment se fait-il que parmi nos gloires reposant au Panthéon qui abrite « la mémoire des grands Français passés des ténèbres à la lumière », selon la belle expression de Jack Lang, nous découvrions parmi les soixante-sept places occupées, dix-huit noms appartenant à la maçonnerie, soit un pourcentage de près de 27 % 1 ? Ne convient-il pas de réfléchir sur cette remarque de Marquès-Rivière qui, initié franc-maçon, s’est converti comme un de ses détracteurs : « La maçonnerie a trop été mêlée à la grandeur de la nation et quelques- uns de ses membres ont joué un rôle historique trop considérable pour que des injures ne puissent pas indirectement rejaillir sur la gloire de la patrie2 ».

Chacun peut lire la Déclaration de principe clôturant le convent de Lausanne du 22 septembre 1875 :
« La franc-maçonnerie proclame, comme elle a proclamé dès son origine, l’existence d’un principe créateur, sous le nom de Grand Architecte de l’Univers.
« Elle n’impose aucune limite à la recherche de la vérité, et c’est pour garantir à tous cette liberté, qu’elle exige de tous la tolérance.
« La franc-maçonnerie est donc ouverte aux hommes de toute nationalité, de toute race, de toute croyance.

« Elle interdit dans les ateliers toute discussion politique et religieuse ; elle accueille tout profane, quelles que soient ses opinions en politique et en religion, dont elle n’a pas à se préoccuper, pourvu qu’il soit libre et de bonnes mœurs.

« La franc-maçonnerie a pour but de lutter contre l’ignorance sous toutes ses formes ; c’est une école mutuelle dont le programme se résume ainsi : obéir aux lois de son pays, vivre selon l’honneur, pratiquer la justice, aimer son semblable, travailler sans relâche au bonheur de l’humanité et poursuivre son émancipation progressive et pacifique. »

Les francs-maçons, ne serait-ce que par leur appellation, ne sont-ils pas les descendants de nos maîtres ouvriers, les Compagnons du tour de France, qui ont édifié chapelles et cathédrales à l’époque médiévale et qui font la gloire de la France ? On a honoré cette chevalerie du travail; leurs règlements (les vieux devoirs) ont marqué les Constitutions du nouvel Ordre maçonnique. Des maçons qui sont francs, sans doute parce qu’ils obtiennent certaines franchises, des exemptions sur les impôts ou sur les gardes à assurer, mais surtout francs comme la pierre sans défaut qu’ils savent reposer dans son lit afin d’éviter toute altération, tout dé- litage : des francs-maçons qui héritent de la noblesse de caractère de leurs ancêtres et qui sont alors fort différents de tout ce qui a été colporté sur eux. Peut-être pratiquent-ils des mystères provenant d’antiques civilisations, de courants spirituels qui émanent de la pensée traditionnelle. Ces reproches, ces critiques, ces accusations, ne seraient-ils pas que le reflet d’une mauvaise interprétation des symboles et des allégories mythologiques ? Ce ridicule tablier n’est-il pas le souvenir de l’ancienne tenue de travail du maçon opératif qui se protège de la chaux et des éclats de pierre, qui actuellement, situe tout intellectuel dans un contexte manuel afin d’unir le simple geste à la pensée la plus élaborée ? Tout est symbole, tout est signe... Ne convient-il pas d’interroger ces structures plus profondément ?

Dans un monde en perpétuelle évolution, les apparences extérieures du rite peuvent se modifier, tout en conservant un noyau immuable, sacré. Si les techniques se transforment, la nature de l’homme reste la même avec des qualifications identiques. L’homme ne varie guère dans son attitude fondamentale à l’égard de l’univers, cet ensemble ordonné. Les idéologies matérialistes périclitent et le déterminisme cède sous les lois d’incertitude, alors que l’être éprouve un besoin croissant de spiritualité. D’où cette multiplication de groupes à la recherche d’une nouvelle spiritualité. La franc-maçonnerie puise dans son passé et honore les valeurs traditionnelles qui visent le perfectionnement de l’individu.

Le non-initié, qui ne peut pénétrer au sein de cette société très fermée, ne conçoit que difficilement la signification des rites ; leur différence lui échappe malgré livres, brochures qui ne cessent de paraître.

La franc-maçonnerie continue d’être mystérieuse car elle conserve une approche du sacré, des valeurs traditionnelles dont notre civilisation a perdu l’écho. Depuis quelques années, l’ésotérisme pratiqué par de rares chercheurs intéresse un plus large public par son aspect mystérieux, qualifié de « secret ». De nombreux auteurs, en quête de publicité et d’argent, inondent les rayons de librairies à partir de « vraies révélations » et le public, crédule, mal instruit, rêve aux récits des pires extravagances. Suivant les dispositions d’esprit, les anecdotes les plus audacieuses sur la franc-maçonnerie prennent corps en taxant celle-ci des pires méfaits, ou au contraire montrent une société de pensée réservée aux seuls initiés. Un dilemme qui ne justifie pas une action concrète, car c’est en s’élevant spirituellement que l’on peut parvenir à une meilleure initiative dans la vie sociale, en respectant la liberté sous toutes ses formes, en privilégiant le travail qui ennoblit l’homme et qui combat tous les privilèges particuliers ou collectifs. Mais les mêmes clichés perdurent et montrent le fragile vernis de notre civilisation.

La franc-maçonnerie, avec sa constante psychologique, sa mentalité initiatique, sa recherche de la parole perdue, est injustement calomniée. Est-ce aussi pour ces raisons que ses initiés se cachent et ont souvent peur de révéler leur appartenance ?

Alors, contre ces assertions non fondées, j’ai décidé de clamer ma foi, de dire ce que la maçonnerie a pu m’apporter. Consignant cette approche de la pensée traditionnelle aux environs de 1950, initié en mai 1954, devenu l’ami de la plupart des grands dignitaires, je ne suis mandaté par aucune institution maçonnique pour mentionner mes réflexions. Mais devant tant d’articles décevants, destinés à augmenter le tirage d’une revue, devant tant de médisances, il me paraît utile de montrer l’inexactitude d’une douzaine de ces communiqués. Je sais que mon écrit n’aura pas la renommée des douze Tables de la Loi, ni la hardiesse des douze travaux d’Hercule, mais en hommage aux douze apôtres ou des douze chevaliers de la Table ronde réunis autour d’Arthur, je désire apporter un simple témoignage puisé dans la structure de l’Ordre. Pourquoi douze ? Douze signes du zodiaque entrent dans le sys- tème solaire et cachent le treizième comme le suggère Gérard de Nerval dans son poème Artémis; c’est la mesure du temps, des heures de la journée et comme je l’ai noté 3 ce sont principalement les douze fondements de la Jérusalem céleste, la riche numérologie de l’Apocalypse avec ses 144 000 fidèles de la fin des temps ou ses douze tribus d’Israël composées de 12 000 membres.

Et puis douze ne s’écrit-il pas 12 = 4 x 3 : le nombre de la terre multiplié par celui du ciel ; le quaternaire multiplié par le ternaire ; le quadrivium multiplié par le trivium! Mais n’est-ce pas aussi 12 x 30 = 360, trois cent soixante degrés, le retour sur soi-même après avoir tout parcouru ! Soyez et multipliez : je ne puis en dire plus...

Alors puisque douze est le nombre de l’harmonie, de la stabilité, de l’équilibre, nous devrons nous contenter de douze réfutations pour asseoir ce credo...

                                                                                         
  Jean-Pierre Bayard 

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Credo maçonnique