Franc-maçonnerie : Le meurtre d’Hiram par les trois mauvais compagnons et l’extinction des piliers


C’est au troisième degré, au grade de maître, qu’apparaît Hiram et le mythe de son assassinat par trois mauvais compagnons.

Ce mythe sera raconté et mimé par les membres de la loge, lors de la cérémonie qui marque le passage du grade de compagnon au grade de maître.
Les murs de la loge sont, en cette occasion, tendus de noir. Les trois piliers et le pavé mosaïque qui se trouvaient au centre du temple (l’équivalent du Hékal) ont disparu. À leur place se trouve un cercueil.

Un rideau noir masque l’Orient où se tient d’habitude le vénérable maître. Il masque le Delta, le Soleil et la Lune. L’Orient devient alors le Débir séparé du Hékal par un voile, comme dans le second temple.

Le vénérable maître, qui est alors le très humble représentant du roi Salomon, a quitté l’Orient. Il se trouve donc dans le Hékal. Le pilier Sagesse, qui n’a fait que changer de place, est toujours allumé. Il est situé près du vénérable maître placé à l’extrémité sud-est du Hékal.

Notez que cette disposition est propre à un rite (le Rite Écossais Ancien et Accepté), mais que le symbolisme qui inspire le rituel du passage au grade de maître est partout le même.

Hiram, dans cette histoire, est le maître des Maçons qui construisirent le temple de Salomon ou le chef des maîtres maçons et des ouvriers maçons. Trois compagnons, désirant connaître le « mot de maître », celui qui va les faire passer de compagnons à maîtres et leur permettre d’obtenir un
salaire supérieur, décident de forcer Hiram à le leur révéler.

Celui-ci ayant refusé, ils lui portent trois coups, alors qu’il tente de s’échapper par les différentes portes du Temple. Le premier coup est donné à la porte du Midi, le second à la porte de l’Occident et le troisième, celui qui entraîna la mort, à la porte de l’Orient.
À partir de cette séquence, on fait jouer au futur maître le rôle d’Hiram.
On lui fait faire le tour de la loge en partant de l’Orient. On l’arrête au Midi, où il reçoit le premier coup, donné à l’aide d’un instrument d’architec- ture par le surveillant qui s’y trouve (une règle). On le fait continuer jusqu’à l’Occident où il reçoit de l’autre surveillant le deuxième coup à l’aide d’un autre instrument (un levier)... Enfin, il reçoit le coup fatal à l’Orient (non à « l’Orient » puisque ce dernier est invisible derrière le rideau). Il lui est donné par le vénérable maître de la loge.
Là encore, nous avons choisi parmi les différents rites l’un des « modèles les plus explicites ».
Les instruments varient suivant les rites et les époques. Les deux pre- miers coups sont toujours frappés aux mêmes points cardinaux, mais pas toujours par les surveillants.

Le dernier coup est porté au front avec un maillet et renverse l’impétrant sur le sol. Il est alors couché, la tête du côté de l’Occident les pieds du côté de l’Orient et on le recouvre du linceul.

Hiram et les trois mauvais compagnons
Hiram, nous l’avons expliqué dans le chapitre précédent, symbolise la sagesse, l’intelligence et le savoir : les trois vertus résumant les dix paroles qui créent le monde, ce temple de l’Éternel.
Hiram, reflet de l’architecte divin
Parce qu’il crée le temple, qui est un reflet de la création, Hiram, fils de lumière (Ur), est le reflet (le fils) de l’architecte divin, car pur reflet des trois vertus divines.
On peut l’identifier à Élohîm Hayim (Élohîm des vivants ou des exis- tants), le nom par lequel Dieu se révèle et crée, l’architecte de la création (suivant Genèse 1, « Berechit bara élohîm » (Au commencement Élohîm créa ), dont les étincelles composent toutes choses existantes (1).
Mais, bien qu’identifié à Élohîm Hayim, Hiram reste homme et agit dans le monde terrestre puisqu’il s’agit (pour l’instant) de la construction d’un temple terrestre, d’un temple de pierres.
La lumière et l’ombre
Nous sommes dans la manifestation, manifestation où se côtoient sans cesse l’ombre et la lumière.
Les trois mauvais compagnons, qui assassinent Hiram, ne peuvent qu’être les antagonistes de ces trois vertus : le manque de sagesse (le fanatisme) ; le manque d’intelligence (ne pas comprendre que les biens spirituels ont plus de valeur que l’or et l’argent) ; le manque de savoir, autrement dit l’ignorance.
C’est pourquoi, en Maçonnerie, les trois mauvais compagnons qui ont tué Hiram sont considérés comme des allégories et généralement désignés comme étant le fanatisme, l’ambition et l’ignorance, défauts que chacun porte en soi à des degrés divers, tout comme chacun porte en soi à des degrés divers les trois vertus d’Hiram.
Les trois piliers et les trois vertus
Dans la théologie juive, le premier temple fut détruit en raison des péchés d’immoralité, d’idolâtrie et des effusions de sang commises par le peuple hébreu.

En Franc-Maçonnerie, cette destruction est symbolisée par l’assassinat d’Hiram car les trois vertus qui créent et soutiennent le temple de l’Éternel sont détruites par les trois mauvais compagnons.
Il s’agit donc maintenant d’un temple intérieur, d’un temple moral, mais, comme toujours en Franc-Maçonnerie, on continue d’utiliser un langage de constructeurs, un langage de Maçons.
C’est pourquoi les trois vertus sont symbolisées par trois piliers, piliers qui soutiennent le temple idéal, le temple de l’univers – ou de l’Adam – d’avant la chute.
Ces trois piliers sont ceux qui sont disposés dans la partie centrale du temple, aux trois angles du triangle de Pythagore et délimitent un espace sacré sur le pavé mosaïque.
Dans un premier niveau de lecture, ils laissaient supposer un quatrième pilier.
Ici, il n’en est rien. Ils sont en analogie avec les trois angles du Delta.
Ils portent des noms : Sagesse, Force et Beauté en correspondance avec les trois vertus d’Hiram.
Le pilier Sagesse correspond, sans difficulté, à la sagesse.
Le pilier Force est bien en correspondance avec l’intelligence qui affermit les cieux.
Le pilier Beauté ne peut être compris que si l’on sait que cette « beauté » est celle de Platon, celle qui découle de la science et de l’harmonie des nombres. La beauté dans ce sens est bien en analogie avec la science.
Ces trois piliers, qui sont déjà présents au premier degré, sont illuminés à chaque ouverture des travaux, des deux premiers grades, en même temps que sont invoquées les trois vertus afin que la construction du temple puisse être entreprise.
Mais le Maçon est homme, son temple appartient à la manifestation et ne peut donc s’élever que sur une opposition permanente et cyclique d’ombre et de lumière, ainsi que, d’emblée, l’enseigne le pavé mosaïque situé sous les trois piliers du temple maçonnique.
C’est pourquoi, les trois mauvais compagnons résident dans le temple, même s’ils sont tapis dans l’ombre.
De la sorte, dans le mythe maçonnique, les trois mauvais compagnons sans cesse assassinent Hiram et font écrouler les piliers du temple qui perd sa lumière.
Ce temple est évidemment le cœur ou l’âme de l’homme. Hiram, le fils de la lumière et ses trois vertus, sagesse, intelligence et connaissance, y représente l’homme purifié ou réalisé. L’homme doit donc chasser de ce temple les trois mauvais compagnons. Alors, seulement, dans la partie secrète de son temple intérieur, analogue au Débir, la présence divine pourra se manifester.
Dans le cœur de l’homme, comme dans le temple maçonnique, Hiram meurt et renaît à chaque instant... Le but est évidemment qu’un jour, il cesse de mourir.
Les trois piliers et les trois principaux officiers de la loge
Chacun de ces trois piliers est allumé par une personne différente.
Le pilier Sagesse est allumé par le maître de la Loge, tandis qu’il dit : « Que la sagesse préside à la construction de notre édifice. »
Le pilier Force est allumé par le premier surveillant, disant : « Que la force l’achève. »
Et le pilier Beauté est allumé par le second surveillant disant : « Que la beauté l’orne. ».

Ces extraits de rituel sont aussi choisis dans un rite particulier, l’un des plus explicites en la matière. L’ordre des formules peut varier et celles-ci peuvent elles aussi varier. Dans certains rites, les trois formules dites par le maître de loge et par les deux officiers qui l’assistent sont remplacées par une invocation au Grand Architecte de l’Univers, source de toute force, de toute sagesse et de toute beauté. Cette invocation peut être dite par le maître de loge ou par un des membres de la loge. Il existe même des rites où les piliers ne sont présents qu’implicitement et d’autres où c’est l’un des « officiers » de la loge qui allume les trois lumières.
La loge en deuil et l’extinction des piliers
Lorsque l’on ouvre au grade de maître, la loge est en deuil d’Hiram. C’est pourquoi les piliers sont éteints. Seul subsiste le pilier Sagesse, car la Sagesse était là avant la création du monde : « J’étais présente, dit la

Sagesse, lorsque Dieu disposa les cieux et qu’Il traça un cercle à la surface de l’abîme...Je fus maître d’œuvre à ses côtés. » (Proverbes VIII)

Lors du rituel, relatant le mythe d’Hiram et son assassinat, lors de l’ini- tiation au grade de maître, les trois officiers en analogie avec les trois piliers et les trois vertus, vont se transformer en leurs antithèses (ils reprendront leurs qualités premières, lors de la séquence conduisant à la résurrection d’Hiram).

Ils vont jouer le rôle des trois mauvais compagnons. Ce sont eux qui portent successivement les coups à Hiram. Car chacun, dans le monde terrestre, oscille entre le bien et le mal, le noir et le blanc, entre une qualité et son contraire.

Ils sont tous trois, comme les mauvais compagnons du mythe maçonni- que, symboliquement placés aux trois portes où les coups sont portés.

L’un des surveillants est au Sud, l’autre à l’Occident et le vénérable maître, le maître de la loge, à l’Orient.

 

 
Delclos M. & Caradeau J.-L.

 

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