Santé : usagers ou professionnels, à quel candidat apporter nos suffrages ?


 
À quelques jours du premier tour des élections et après un débat superficiel, j'observe que les candidats ne nous ont toujours rien dit de sérieux concernant leur vision de notre système social et de notre médecine, pas plus qu'ils n'ont développé les mesures concrètes qu'ils comptaient mettre en œuvre pour sortir la médecine française du déclin dans laquelle elle est entrée : plus de 50 000 morts par an dus aux dysfonctionnements du système, baisse de l'espérance de vie, malaise des soignants et fermeture programmée des hôpitaux publics, augmentation de la désertification, diminution des remboursements, enfermement des personnes âgées et handicapées, santé publique confisquée.

Il est grand temps que les candidats qui sollicitent nos voix sortent de leurs discours imprécis et fabriqués, que ce soit à l'intention de la population comme des professionnels de santé et, se fondant sur leurs propres programmes, répondent aux dix questions suivantes :
 
1. Quelles mesures à court et moyen termes pour lutter contre la désertification qui s'accroît de mois en mois (cf. la dernière étude d'Emmanuel Vigneron publiée dans le Monde du 31 mars 2017), sachant que l'augmentation du numerus clausus n'aura d'effet que dans plus de dix ans et que ni les primes ni les autres aides n'ont permis que les jeunes médecins s'installent dans les territoires affectés par la désertification ?
 
2. Quelle conception de l'organisation des soins, dont les défaillances se manifestent principalement par l'engorgement récurrent des urgences et la désertification ? Et dans cette organisation, quelle place pour les médecins généralistes de première ligne et quel rôle pour l'hôpital de demain ?
 
3. Comment faire face au taux de vacance dans les hôpitaux publics, qui atteint 41 % dans certaines spécialités et met en jeu leur existence même ?
 
4. Quelles mesures pour améliorer le circuit du médicament qui, en l'état, tue 30 000 Français par an ? Nous attendons des propositions concernant les différents segments : fabrication, autorisations de mise sur le marché (AMM), liens d'intérêt des experts, régulation des prix, encadrement de la commercialisation/promotion ; rôle et formation des prescripteurs et des pharmaciens ; bon usage.
 
5. Pour éviter le renoncement aux soins qui s'accroît, comment financer la suppression des restes à charge (RAC) dans l'optique, le dentaire et l'audition que vous promettez tous mais dont le coût est estimé à près de 5 milliards d'euros ?
 
6. Je constate que la question du reste à charge des dispositifs et des aides techniques pour les personnes handicapées et vieillissantes est totalement absente de la campagne. Une fois encore elles sont les grandes oubliées des présidentielles. Un fauteuil électrique, une aide à la communication sont-ils moins indispensables qu'une paire de lunettes ou une prothèse auditive ?
Comment pensez-vous soutenir l'innovation en faveur des personnes âgées et handicapées, des malades chroniques et du maintien à domicile ?
 
7. Si l'information médicale peut être considérée comme stratégique pour l'amélioration du parcours de soins et donner aux citoyens les outils fiables pour prendre en charge leur santé, quel service public d'information en santé ? Sous l'autorité de qui – de la Haute autorité de santé (HAS) ou du ministère ? Avec quel budget ?
 
8. Quelle participation des citoyens à la gestion du système de santé ? Tant au niveau individuel (DMP) que collectif (assurance maladie, HAS, Comité économique des produits de santé).
 
9. Les candidats ont mis l'accent sur la prévention. Or, les thématiques qu'ils ont choisi de traiter ne concernent pas les problèmes majeurs connus de tous les professionnels de santé. Comment comptez-vous agir contre le recul de la vaccination ? Quelles mesures proposez-vous pour lutter contre l'alcoolisme en général – et l'alcoolisme au volant en particulier, responsable d'1/3 des accidents ?
 
10. Pour terminer, conjuguant politiques européenne et du médicament, est-ce stratégique et, si oui, comment favoriser l'installation en France de l'Agence européenne du médicament qui doit quitter Londres, Brexit oblige ?
 
En conclusion : devant le décalage entre les propositions des candidats et la situation réelle de notre système de santé, je ne peux que m'interroger, et avec moi tous les soignants qui m'écrivent suite de la lecture de mon essai : y a-t-il au moins un prétendant qui a conscience de la dégradation des soins en France ? Professionnels de santé, usagers, citoyens, nous en doutons, et cela ne nous rassure pas au sujet de la prochaine mandature.
             
* Auteur de : Santé, le trésor menacé – Éditions L'Atalante, 15 € ; en numérique, 6,99 €.