Prise en compte des spécificités des troubles du spectre de l’autisme dans le processus de décisions en protection de l’enfance



1. Contexte et enjeux
Les professionnels qui concourent à la protection de l’enfance ne disposent pas tous de la formation et des informations actualisées sur les troubles du spectre de l’autisme (TSA), ni des contacts, relais et ressources spécialisés et compétentes sur le territoire leur permettant de prendre en compte de façon éclairée les spécificités des TSA dans le cadre de leurs missions.

Cette situation peut conduire à des décisions en contradiction avec l’intérêt de l’enfant, peut générer des informations préoccupantes ou des signalements qui ne tiennent pas compte du handicap de l’enfant et des difficultés rencontrées par les familles.

En effet, certains comportements peuvent être interprétés comme la conséquence de maltraitance alors qu’ils peuvent être spécifiques aux troubles du spectre de l’autisme, par ailleurs, les difficultés de comportement repérées peuvent s’expliquer par une carence de l’offre d’accompagnement adapté aux TSA (interventions recommandées par la Haute autorité de santé et l’ANESM en mars 2012, état des connaissances scientifiques en 2010, recommandations portant sur le diagnostic d’autisme chez l’enfant de 2005)

Par ailleurs, il s’agit également, pour l’ensemble des professionnels de la protection de l’enfance et de la justice, de pouvoir soutenir les parents et répondre aux demandes éventuelles d’accompagnement de leur enfant avec TSA tout en exerçant de façon éclairée leur mission d’identification de danger ou de danger potentiel.

Tous les professionnels sont concernés par cette question : les professionnels impliqués dans le premier niveau d’informations préoccupantes, leur évaluation, le signalement, les services ou organisations qui conduisent les mesures judiciaires, les magistrats, les enseignants, les experts judiciaires.

La finalité de ce plan d’action annexée au Plan Autisme 2013-2017 et à la feuille de route relative à la protection de l’enfance est bien de mettre en œuvre toutes les actions permettant d’éviter qu’un processus de décision de protection de l’enfance s’enclenche par manque de connaissance des TSA et de coopération entre les différents professionnels, associations et institutions concernées ou par défaut de réponse adaptée au handicap de l’enfant.

2. Un plan d’actions en cohérence avec les politiques publiques
Afin d’en garantir la pleine cohérence de mise en œuvre, les mesures de ce plan d’action s’inscrivent dans les axes prioritaires du 3ème Plan Autisme 2013-2017 :

I. Diagnostiquer et intervenir précocement. III. Soutenir les familles.
V. Former l’ensemble des acteurs.
Elles s’articulent aux différentes mesures qui les composent et les complètent.

> La feuille de route « une réponse accompagnée pour tous »
Par ailleurs, cette action s’inscrit dans les principes qui président à la démarche visant à favoriser un accompagnement adapté aux besoins évolutifs des personnes en situation de handicap sans rupture de parcours, déclinés dans le cadre de la mission confiée à Marie-Sophie Desaulle « Une réponse accompagnée pour tous », faisant suite au rapport « Zéro sans solution » remis par Denis Piveteau en juin 2014.
Concrètement, il s’agit à chaque fois que cela est nécessaire d’organiser le processus de concertation et de décision permettant de mettre en place toutes les réponses adaptées à la spécificité des TSA
Les dispositions prévues par l’article 89 de la loi de modernisation du système de santé, portant sur le dispositif d’orientation permanent, permettent, sous l’égide de la MDPH, de garantir ce tour de table en accord et avec l’usager afin qu’un plan d’accompagnement global puisse être proposé.

La mise en œuvre de la réponse accompagnée pour tous prévoit également un rôle majeur des associations représentatives des familles et des personnes en lien avec le Défenseur des droits.
Enfin, la formation croisée au niveau local est majeure et fait partie des priorités de cette feuille de route afin de faire évoluer les pratiques et le fonctionnement des établissements, services et institutions concernées par le handicap, et a fortiori par les TSA.

L’ensemble de ces moyens contribueront donc à rendre effectives et efficaces les actions spécifiques relatives au processus de décisions en protection de l’enfance lorsqu’il s’agit d’autisme.
> La feuille de route « protection de l’enfance »
L’amélioration de la prise en compte des spécificités de l’autisme dans les processus de décision
en protection de l’enfance s’inscrit dans une démarche plus large de réforme de cette politique, traduite dans la feuille de route 2015-2017 pour la protection de l’enfance. S’appuyant sur les dispositions de la loi du 14 mars 2016, cette réforme devra permettre :
- De définir un cadre national pour l'évaluation des informations préoccupantes. La loi prévoit en effet que les évaluations d’informations préoccupantes sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de professionnels identifiés et formés. Un décret est en cours de préparation pour préciser les modalités de cette évaluation et favoriser le recours aux experts dans les situations qui le justifient (notamment quand les enfants sont atteints de troubles du spectre de l’autisme ou qu’il existe un doute sur le diagnostic)

- de généraliser le projet pour l'enfant et d’en faire le document de référence à partir duquel s'articulent tous les autres documents concernant l'enfant accompagné en protection de l'enfance.
- de s’appuyer sur le projet pour l’enfant pour mieux prendre en compte les besoins spécifiques des enfants en situation de handicap accompagnés en protection de l’enfance.
- de renforcer la continuité des parcours des enfants en protection de l’enfance et de mieux s’appuyer sur les ressources de l’environnement de l’enfant.
- d’améliorer la connaissance des publics en protection de l'enfance en organisant la remontée de données (DREES/ ONED) et de procéder à des études.
- de revoir les formations initiales des travailleurs sociaux pour permettre l'approfondissement de problématiques spécifiques. Pour les professionnels qui vont travailler auprès d'enfants, il est indispensable qu'ils soient mieux formés aux différentes étapes du développement de l'enfant, à la connaissance de ses besoins fondamentaux, aux signes et conséquences des maltraitances et à l'identification des manifestations du handicap de l'autisme, et conséquemment de pouvoir distinguer la maltraitance des troubles liés au handicap.
- de faciliter la mise en place des formations pluri-institutionnelles.

3. Objectifs principaux du plan d’action :
> Changer le regard, les représentations et améliorer les connaissances sur les TSA auprès des professionnels impliqués dans le processus de décision en protection de l’enfance
> Améliorer la prise en compte des spécificités de l’autisme lorsqu’un processus de décision en protection de l’enfance est engagé

Ces objectifs se déclinent en trois sous-objectifs :
Au travers de l’ensemble de ces actions, il s’agit d’un point de vue opérationnel de pouvoir :
1. Mieux prendre en compte les spécificités de l’autisme dans les procédures de protection de l’enfance, depuis la manifestation d’une information préoccupante, jusqu’aux investigations judiciaires, une fois l’autorité judiciaire saisie
2. Renforcer les connaissances et l’appui aux professionnels en matière d’autisme (formations, outils partagés)
3. Favoriser les approches pluri institutionnelles et s’appuyer davantage sur les représentants des usagers et les associations pour accompagner les enfants autistes et leurs familles (hors et dans le champ de la protection de l’enfance)4. Déclinaison opérationnelle du plan d’action :

Les actions décrites répondent aux objectifs cités ci-dessus et sont réparties en trois grands axes :
1. Sensibiliser et former l’ensemble des acteurs concernés à l’autisme.
2. Développer les supports, outils d’appui et données de cadrage à destination des professionnels.
3. Identifier des partenaires et experts sur les territoires, et développer le recours et les liens avec les experts et organismes ressources en matière d’appui, de diagnostic ou l’accompagnement des enfants avec autisme.

Axe 1 : Sensibiliser et former l’ensemble des acteurs concernés à l’autisme.
Action 1 : Communiquer et sensibiliser
Il faut agir sur les représentations et les idées fausses concernant l’autisme :
- Une campagne de communication très large et grand public sera conduite par le gouvernement en lien avec les partenaires concernés (comité de suivi du Plan Autisme).
- Cette communication confirmera les orientations prises par le gouvernement (3ème Plan, recommandations en vigueur) et contribuera à sortir de la croyance caricaturale et erronée selon laquelle le comportement de la mère serait responsable de l'autisme de son enfant.
- Parmi les outils de cette campagne de communication, la création d’un site Internet gouvernemental délivrant une information conforme aux recommandations est prévue.
Une fiche action communication, avenant au troisième plan autisme annexée au Plan Autisme, précise le contenu et le calendrier de cette campagne de communication.
Action 2 : Sensibiliser et former les professionnels impliqués dans le premier niveau d’informations préoccupantes

Il convient que les professionnels impliqués dans le premier niveau d’informations préoccupantes (professionnels de santé ou du travail social, enseignants...) soient mieux, informés, sensibilisés mais également formés aux spécificités de l’autisme conformément aux recommandations HAS/ANESM en vigueur. Il convient qu’ils puissent s’appuyer sur des outils communs, comme des grilles de signaux d’alerte qui permettent de faciliter le repérage de l’autisme et donnent des repères pour distinguer les manifestations de carence et de maltraitance des symptômes de l’autisme.
- Le CNFPT programmera une journée de formation visant l’information et la sensibilisation des professionnels qui émettent ces informations préoccupantes. Sur la base de cette journée, un kit clé en main de sensibilisation/formation sera élaboré.

- Via les ODPE (Observatoires départementaux de la protection de l’enfance), qui sont chargés du suivi et de l'évaluation du schéma de protection de l’enfance, une sensibilisation des acteurs du territoire sera proposée.

Action 3 : Améliorer la qualité de la qualification de l’information préoccupante et de l’évaluation :
-Pour inciter les DGA de département à former leurs salariés et les associations à l’autisme, une conférence autisme sera organisée entre le SG-CIH (chef de projet autisme) et l’Association nationale des directeurs d’action sociale et de santé des conseils départementaux.
Dans le cadre de ces formations, auxquelles seront associées les associations, la question du soutien et des compétences des parents sera abordée sous l’angle des recommandations HAS et ANESM et des priorités fixées dans le cadre du Plan Autisme 2013-2017.
Action 4 : Développer la formation de tous les professionnels de la protection de l’enfance et de la justice sur l’autisme
- Des programmes de formation continue seront mis en place en concertation avec les OPCA concernés (action prioritaire nationale interprofessionnelle entre UNIFAF/ANFH et CNFPT par exemple), auxquels les associations seront associées.
- Pour mieux former les travailleurs sociaux aux approches spécifiques, en protection de l’enfance mais aussi en matière d’autisme, les établissements de formation en travail social (EFTS) revoient leurs programmes de formation initiale. Un audit des contenus de formation délivrés par les EFTS est en cours.
- Les professionnels qui sont chargés de l’évaluation de l’IP devront par ailleurs bénéficier d’une formation spécifique. (Cf. la feuille de route pour la protection de l’enfance 2015-2017 / article 9 de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant).
- Par ailleurs, pour mieux former la chaîne des professionnels, et conformément aux mesures prévues par le Plan Autisme, des formations pluri-professionnelles seront organisées en matière d’autisme et impliquant donc les professionnels de la protection de l’enfance et de la justice.
Action 5 : Renforcer les compétences en matière d’investigation éducative et d’expertise
- Renforcer, dans le cadre des travaux menés par la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse portant sur l’amélioration de l’évaluation des situations individuelles, le repérage et la prise en compte des problématiques de santé et notamment du handicap.
- Sensibiliser les professionnels des associations du secteur associatif habilité et du secteur public de la PJJ, qui conduisent des mesures judiciaires d’investigation éducative, à la formation de leurs personnels aux connaissances actualisées en matière d’autisme et à l’intérêt de mettre en avant leur connaissance des recommandations dans leurs méthodes d’évaluation.
Action 6 : Développer les connaissances des magistrats en matière de handicap et de santé
- Sensibiliser les juges des enfants et magistrats des parquets chargés des affaires des mineurs aux problématiques de l’autisme et du handicap, notamment en provoquant la publication d’articles dans les revues spécialisées des magistrats ou dans les revues lues par ceux –ci (Actualités Sociales Hebdomadaires, Journal du droit des jeunes, Lien social...),
- Organiser régulièrement une conférence sur l’autisme au sein des écoles de la magistrature.

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