Le principe de résonance

Le principe de résonance, que l’on peut appeler aussi loi d’attraction4, est une notion majeure et essentielle à intégrer si l’on veut saisir et comprendre comment les sons et les vibrations peuvent influencer notre vie et notre santé. Nous allons aborder ce sujet de manière historique, expérimentale et scientifique. Commençons par une expérimentation amusante et quelques repères historiques avec Christian Huygens.
© istock



Le principe de résonance, que l’on peut appeler aussi loi d’attraction4, est une notion majeure et essentielle à intégrer si l’on veut saisir et comprendre comment les sons et les vibrations peuvent influencer notre vie et notre santé. Nous allons aborder ce sujet de manière historique, expérimentale et scientifique. Commençons par une expérimentation amusante et quelques repères historiques avec Christian Huygens.

Des pendules de même longueur
Une expérience de physique simple permet d’expérimenter le principe de résonance : l’expérience des pendules appelés pendules simples en oscillation forcée. Des masses identiques (par exemple des cochonnets en bois), fixées à des cordelettes (pendules), sont suspendues à une autre cordelette transversale, tendue entre deux petits supports verticaux de laboratoire placés sur une table ou sur le sol. Ces objets oscillants ont une masse identique; ils pèsent le même poids, mais leur longueur de corde est différente, à l’exception de deux d’entre eux, qui ont une longueur de corde égale, une fréquence d’oscillation identique.

Un opérateur saisit l’un des deux pendules similaires et lui donne un ballant en le relâchant perpendiculairement à l’axe du support, imitant le mouvement d’une balançoire, en rompant sa position d’équilibre. Tous les autres pendules sont donc immobiles, à l’exception de celui qui oscille devenant un excitateur.

En laissant aller cette expérience quelques instants, il est aisé d’observer que le second pendule, dont la longueur de corde est identique à celle du pendule qui a été excité, se met à se mouvoir ostensiblement, puis à osciller aussi, tandis que les autres sont animés de mouvements très faibles en comparaison. Ce phénomène est appelé principe de résonance ou de cohérence, où en l’occurrence, dans cet exemple, une corde mise en oscillation par simple ballant met en vibration par résonance une autre corde proche et suspendue dans les mêmes conditions, ayant la même longueur (d’onde) qu’elle.

Il y a résonance lorsque l’excitateur impose une fréquence proche de la fréquence propre de l’oscillateur. L’amplitude peut devenir très grande lors- qu’il y a très peu de frottement.

Tout objet ou système physique, mécanique, électrique, magnétique, biologique est dit résonant lorsque son état d’équilibre est modifié par une sollicitation externe, ou vibration, générée à une fréquence identique, par syntonie ou chronicité. Il emmagasine alors de l’énergie à cette même fréquence, correspondant donc à sa vibration de résonance, ce qui le met à son tour en mouvement. C’est ce qu’on appelle des modèles de cohérence mus par la loi de vibration sympathique. Tout objet ou système matériel a donc sa propre fréquence d’oscillation ou de résonance. Lorsqu’un objet est excité à sa fréquence de résonance, les oscillations peuvent prendre de l’amplitude à un point tel que si la capacité de l’objet à résonner est dépassée, l’objet se fracture ou se brise. Ces principes, connus des musiciens, des luthiers et même des architectes antiques, et exploités depuis belle lurette, ont été mis scientifiquement en évidence par Christian Huygens au XVllle siècle, grâce à l’expérience des fameuses pendules qui portent son nom.

Ayant été obligé de garder la chambre pendant quelques jours, et même occupé à faire des observations sur mes deux horloges de la nouvelle fabrique, j’en ai remarqué un effet admirable, et auquel personne n’aurait jamais pu penser. C’est que ces deux horloges étant suspendues l’une à côté de l’autre, à la distance d’un ou deux pieds, gardent entre elles une justesse si exacte que les deux pendules battent toujours ensemble, sans jamais varier. Ce qu’ayant fort admiré quelque temps ; j’ai enfin trouvé que cela arrivait par une espèce de sympathie : en sorte que faisant battre les pendules par des coups entre- mêlés, j’ai trouvé que dans une demi-heure de temps, elles se remettaient toujours à la consonance, et la gardaient par après constamment, aussi longtemps que je les laissais aller5.

L’expérience des métronomes
Le métronome est un outil honni par tous les enfants qui apprennent la musique, et cela a été mon cas. Cependant, cet appareil sournois dans sa rectitude implacable à imposer mécaniquement le rythme a séduit le compositeur Györgi Ligeti6. Il composa en 1962 Poème symphonique, pour cent métronomes, dix exécutants et un chef d’orchestre.

Chaque métronome est placé immobile sur la scène, remonté et ajusté à une certaine fréquence. Lorsqu’ils sont tous remontés, le chef d’orchestre décide d’un silence de deux à six minutes. Puis, à son signal, tous les métronomes sont déclenchés aussi simultanément que possible. Les exécutants sortent de la salle alors que les métronomes battent la mesure. Ceux-ci s’arrêtent les uns après les autres et laissent percevoir de plus en plus nettement la périodicité des battements. Ensuite, à mesure que le déroulement des ressorts mécaniques s’épuise, seuls quelques-uns battent encore, ceux qui ont été réglés aux fréquences les plus lentes. La pièce se termine après que le dernier métronome a battu son dernier temps, suivi par un silence. Les exécutants retournent alors sur scène pour saluer.

Cette œuvre est créée le 13 septembre 1963 à l’hôtel de ville de Hilversum, aux Pays-Bas, lors d’une réception officielle, dernier événement d’une série de concerts menée par la fondation Gaudeamus, où elle cause un énorme scandale. Inconscient de la portée de l’événement − qui doit inclure une retransmission télévisée −, Ligeti joue lui-même le rôle du chef d’orchestre et donne le départ des métronomes dans la salle de banquet. Après la performance, le public, qui n’était pas au courant de son contenu avant son exécution, proteste vivement. À la demande de la mairie d’Hilversum, la diffusion du concert à la télévision hollandaise est annulée et remplacée par un match de football7.
Nous évoquons cet épisode culturel, car il montre comment ce grand compositeur aimait à s’amuser, mais aussi parce qu’il développe notre exemple métronomique par l’idée de la synchronicité mécanique. Dans cette œuvre, des déphasages et des résonances synchrones et progressives s’entremêlent, et nous avons repris l’expérience non pas de Györgi Ligeti, mais de Christian Huygens, à l’aide de quatre métronomes mécaniques de même modèle8.

Chaque métronome est accordé à la même fréquence de battement. Ils sont disposés sur un matériau plan, telle une planchette de bois, au-dessous de laquelle est placé un dispositif d’oscillation composé de deux objets cylindriques, ou de tout autre système pouvant assurer un balan régulier et la mobilité latérale du dispositif, dans le même axe que l’oscillation métronomique. Pour la suite de l’expérience, après que leur système de ressort interne a été remonté, les métronomes sont animés un à un, de façon aléatoire et désordonnée. Au bout de quelques instants, les quatre métronomes de l’expérience se mettent successivement à osciller en phase, de manière synchrone, appliquant la troisième loi du mouvement établie par Isaac Newton en 1687, stipulant que pour chaque action, il y a une réaction égale et opposée.

Pour chaque action, il existe une réaction égale et opposée: l’action est toujours égale à la réaction ; c’est-à-dire que les actions de deux corps l’un sur l’autre sont toujours égales, et dans des directions contraires9.

Il a fallu attendre le début du xxe siècle pour que les phénomènes d’oscillation soient compris et étudiés en physique dans les systèmes dynamiques s’accordant rythmiquement par énergie dissipative. Ces mécanismes universels se retrouvent jusque dans le principe des neurones miroirs, appelés aussi neurones échos ou empathiques10, celui de la synchronisation des cellules cardiaques, dans le fonctionnement des lasers reposant sur une cohérence dans le flux des photons et dans la vibration tonitruante des dunes chantantes que nous évoquions dans Le son de vie et la sonorité des mondes11.

Musiciens en duo : une activité cérébrale identique
Lorsque des musiciens jouent ensemble, leurs cerveaux sont aussi en résonance. Cela a été révélé par l’étude d’électroencéphalogrammes de plusieurs guitaristes qui entraient en cohérence au rythme de leur partition et montraient une activité électrocérébrale similaire.

Cerveau et rythmes sonores
Une neuroscientifique12 de l’Université catholique de Louvain (UCL), en Belgique, a montré lors d’une recherche que les neurones sont sensibles aux rythmes musicaux et synchronisent les mouvements du corps avec ces pulsations. Elle a analysé les ondes cérébrales produites lors de l’écoute de musiques par des volontaires et a mis en évidence un phénomène de résonance entre les neurones et les sons perçus. Les cellules cérébrales entrent donc en résonance par synchronisation avec des tempos musicaux.

Les diapasons sympathiques
Une troisième expérience très simple permet de vérifier en s’amusant la loi de vibration sympathique. Il suffit de disposer de deux diapasons identiques, que l’on trouve facilement dans les magasins de musique, par exemple deux diapasons de 440 Hz, le la de référence dans le système international13. Pour que l’expérience se déroule dans de bonnes conditions, il est aussi nécessaire de recourir à une caisse de résonance comme celle d’une guitare, ou à une petite boîte en bois utilisée pour emballer les bouteilles de vin. Ensuite, il suffit de déposer l’un des deux diapasons sur la caisse de résonance, sans l’activer, puis d’exciter le second et de le poser à côté du premier. Le diapason vibrant est ensuite retiré du support résonant et le premier diapason qui était au départ silencieux se met alors à chanter. Nous avons répété cette expérience des centaines de fois: elle est toujours immanquablement instructive14.

Si l’expérience est renouvelée avec deux diapasons différents, par exemple 440 Hz et 329,62 Hz (la et mi «normal»), rien ne se passe, quel que soit le diapason excité, alors qu’avec deux diapasons identiques à 440 Hz ou deux diapasons à 329,62 Hz (peu importe leur note, à partir du moment où leur fréquence est la même), si l’un d’entre eux vibre et que le second est dans son champ d’influence vibratoire, le second va vibrer en résonance, car les deux fréquences sont en cohérence.
Sur le plan émotionnel, lorsque vous sentez que vous êtes « sur le même diapason» qu’une autre personne, c’est un peu le même phénomène qui se produit.

La corde sensible
Cette quatrième expérience peut être entreprise avec deux cordes du même instrument, une cithare par exemple. Dans ce cas, les deux cordes doivent être accordées à la même fréquence. Pour visualiser le processus, déposez l’instrument à l’horizontale sur une table. Découpez des petits morceaux de papier aux dimensions identiques, pliez-les en deux parties égales et disposez-les en cavalier et au centre des cordes de l’instrument. Animez l’une des deux cordes accordées de manière semblable : la deuxième va immédiatement vibrer en sympathie. Cette loi est valable pour deux objets identiques, deux diapasons ou deux cordes. Maintenant, voyons si l’expérience se vérifie avec deux objets différents, par exemple une corde et un diapason.

Vous aurez pris soin préalablement d’accorder une des cordes d’une lyre, d’une cithare ou d’une guitare à la fréquence d’un diapason dont vous disposez. Prenons à titre d’exemple le plus courant, le diapason à 440 Hz, mais n’importe quel autre fera l’affaire. Placez ensuite des morceaux de papier sur les cordes, comme dans l’expérience précédente. Après avoir activé le diapason, placez-le sur la caisse de résonance de l’instrument. Que se passe-t-il ? Aussitôt, un seul morceau de papier vibre, et peut même quitter son emplacement et chuter, alors que les autres ne bronchent pas : celui qui était placé sur la corde accordée à 440 Hz a été animé exclusivement d’une vibration.

L’expérience peut être renouvelée à l’infini, et nous apportons alors une nuance à ce qui vient d’être énoncé et qui va donner à la loi de résonance son universalité, à savoir : quand deux objets, quels qu’ils soient, sont accordés à la même fréquence, lorsqu’un des deux objets vibre et que le second est dans son champ d’influence vibratoire, le second objet va vibrer, en résonance. Dans notre expérience, la corde, en cohérence avec la fréquence du diapason et donc accordée à la même fréquence, s’est mise à vibrer lorsque le diapason est entré en contact avec la caisse de résonance de l’instrument. Le morceau de papier en équilibre a vibré ou a même été éjecté du fait de la vibration transmise à la corde, alors que tous les autres, accordés à d’autres fréquences, sans exception, sont restés immobiles15.

C’est le même processus que nous expérimentons sur le plan émotionnel quand un événement, quel qu’il soit, vient « toucher notre corde sensible ». Et si l’on comprend que le corps est un instrument, que chacune de nos cellules vibre, que nos organes vibrent, que nos os, nos muscles, nos tendons, nos nerfs, etc., vibrent aussi, il est aisé de comprendre comment les sons peuvent nous affecter et comment ce principe peut constituer les bases d’une recherche pour une nouvelle médecine basée sur la physique des vibrations.

D’autres cordes
Une cinquième expérience harmonique réalisée avec un piano est encore plus instructive et ouvre de plus vastes horizons. Il faut pour l’entreprendre, idéalement, disposer d’un piano à queue (l’expérience ne fonctionne pas sur un piano électronique) dont la pédale est en position appuyée, de telle manière que les étouffoirs soient désactivés pendant toute la durée de l’expérience, laissant les cordes en résonance libre. En appuyant, par exemple, sur la note do, située à la 10e touche blanche en partant de la gauche du clavier, l’observateur pourra remarquer que les cordes correspondant aux touches 17 (do), 21 (sol), 24 (do), 26 (mi), 28 (sol), 29 1/2 (touche noire) (sib), 31 (do), 32 (ré), 33 (mi), 34 1/2 (touche noire) (fa#) et 35 (sol) s’activent en résonance, avec une intensité décroissante. Si la personne menant l’expérience ne perçoit aucune vibration, il s’agira d’amplifier sa visibilité, en plaçant des morceaux de papier à califourchon sur lesdites cordes, comme nous le suggérions pour l’expérience précédente. La loi harmonique se vérifie alors ici par une «tolérance d’approximation»16, et ce, même si l’accord approximatif actuel du piano n’est pas dans l’intonation juste.

Sur un piano à queue, couvercle ouvert et pédale forte abaissée, si nous frappons une note, le phénomène de résonance fait que, par «sympathie», les cordes correspondant à un son dont la hauteur est en rapport d’affinité avec la note jouée entrent spontanément en vibration [...] cette suite de sons correspond [...] au tableau des harmoniques pour les quatre premières octaves17.

Il est facile de reproduire cette expérience avec une cithare, et nous l’avons nous-même entreprise en prenant soin d’accorder l’instrument en intonation juste, et là le phénomène devient facilement observable. Nous avons d’ailleurs fabriqué une série de diapasons permettant un tel accordage.

Dans cette expérience, nous avons accordé plusieurs cordes à 64 Hz (do) afin de générer une bonne puissance acoustique de départ. Puis nous avons installé des morceaux de papier de 5 mm à califourchon sur d’autres cordes accordées aux fréquences suivantes et correspondant aux notes : 128 Hz (do), 192 Hz (sol), 256 Hz (do), 160 Hz (mi), 384 Hz (sol), 448 Hz (sib minus) et 512 Hz (do). Ces fréquences respectent l’échelle des huit premières notes de la série harmonique, à partir d’une fondamentale do à 64 Hz (harmonique 1). Habitué à entreprendre ce genre d’expérience pour des cordes accordées à la même fréquence ou pour une corde activée par un diapason accordé à la même vibration, nous avons constaté les résultats suivants.

Dans l’expérience que nous avons menée et répétée à plusieurs reprises, les cordes accordées à des notes harmoniques vibrent de manière affaiblie et en forte décroissance, jusqu’à la 5e harmonique seulement, c’est-à-dire jusqu’au mi 160 Hz dans cet exemple. Lorsque la note fondamentale est activée, les morceaux de papier disposés sur les cinq cordes harmoniques supérieures s’animent de petits mouvements. Ceux qui sont placés sur les cordes accordées avec des fréquences au-delà de la 5e harmonique restent immobiles ou sont animés de mouvements imperceptibles à l’œil nu.
Dans l’expérience suggérée par Jacques Chailley, utilisant un piano à queue, les cordes sont plus longues et animées par la dynamique du martèlement. L’énergie acoustique générée est, semble-t-il, plus conséquente que le simple pincement de la corde de la cithare, et les cordes sont plus longues. Il est donc fort possible qu’avec un piano des harmoniques plus hautes soient activées aussi. Elles le sont quoi qu’il en soit, même si le phénomène n’est pas visible à l’œil nu. Un équipement de laboratoire perfectionné et sensible le montrerait à coup sûr.
Cette résonance harmonique de la corde est très audible également avec un monocorde, instrument composé d’une quinzaine de cordes identiques accordées à l’unisson. Lorsque les cordes sont activées, les harmoniques se mettent à chanter. Le fait qu’elles soient répétées amplifie et renforce la résonance sympathique. Ces mêmes harmoniques sont audibles même si l’on ne pince qu’une seule corde. Il faut alors prêter l’oreille et développer ainsi sa conscience de l’écoute. Cette écoute harmonique d’une seule corde est facile à entreprendre avec une guitare. D’autres exemples permettent d’explorer la loi de résonance sympathique. Comment cette loi a-t-elle été utilisée dans l’architecture ?

La résonance grecque vue par les Romains
Le renommé architecte romain Vitruve décrit dans ses Dix livres d’architecture18 l’utilisation de résonateurs disposés dans des cavités aménagées dans les gradins des théâtres grecs. Il décrit le principe de résonance. Le génie acoustique des Grecs ne se limite pas aux infrastructures des ruines qui sont parvenues jusqu’à nous. Pensons, par exemple, au précieux témoignage que représente le théâtre d’Épidaure dans le Péloponnèse. Nous croyons qu’ils considéraient leurs théâtres comme des instruments musicaux, et après eux, les Romains qui les ont imités. Ces lieux d’écoute étaient sonorisés, semble- t-il, par les concepteurs grecs au moyen de vases de bronze appelés echea, enchâssés dans des niches acoustiques, servant de résonateurs et accordés à des fréquences précises basées sur la voix humaine. Ces artifices créaient une amplification naturelle de la voix, sans micro ni sonorisation. Ils ajoutaient leurs effets résonants aux tracés architecturaux des théâtres, connus pour leur conception harmonique, reconnus pour leur efficacité acoustique. Voici ce qu’en dit Vitruve :
Suivant les principes que nous venons de faire connaître, et par des rapports mathématiques, on fait des vases d’airain en rapport avec la grandeur du théâtre, et on les fabrique de façon que, quand on les frappe, ils rendent, l’un le son de la quarte, l’autre le son de la quinte, en parcourant ainsi toutes les autres résonances jusqu’à la double octave.

Ces vases doivent être placés, suivant les règles de la musique, dans des niches.
[...] Au moyen de cette disposition, la voix qui viendra de la scène, comme d’un centre, s’étendra en rond, frappera dans les cavités des vases, et en sera rendue plus forte et plus claire, selon le rapport de résonance qu’elle aura avec chacun des vases.Je suis un vase en airain qui résonne
Si aucune installation de ces sonorisations antiques n’a pu être retrouvée de façon intacte, du fait de la préciosité de tels ouvrages, puisque le bronze dont ils étaient faits pouvait être notamment recyclé à d’autres fins, pour d’autres sortes d’acoustiques, canonnières cette fois, ces anciens usages sont documentés par des observations in situ dans plusieurs théâtres de Crète, par exemple (entre autres ceux de Lyttos et de Gortyne), montrant des niches où des vases auraient pu être disposés et, semble-t-il, observés.

Dans trois de ces théâtres crétois, nous avons une rangée de niches, et dans celui de Lyttos trois rangées, de treize cellules, pour les vases harmoniques : [cf. Vitruve ci-dessus] et, de peur que nous devions imaginer que l’existence de ces vases soit conjecturale, nous nous sommes nettement dit que ces cellules sont clairement visibles. Sur le plan de la grande salle de Gortyne appa- raissent ces mots [de Onorio Belli, 1586]: Haveva tredici vasi di rame posti nelle Sue Celle che si vedono benissimo (Nous avons treize pots en cuivre placés dans leur cellule, que l’on voit très bien) et Belli ajoute que les gens les appellent des fours, tandis que dans la description du théâtre de Lyttos, il parle de vases d’airain, dont presque toutes les niches sont encore visibles. Le nombre représenté ici (treize) est celui donné par Vitruve, et par conséquent, ces exemples sont du plus haut intérêt pour confirmer la déclaration du père de l’architecture par rapport à ces évidences de l’exquise délicatesse de la Grèce antique.

Les acousticiens modernes rapprochent à juste titre ces echea des résonateurs de Helmoltz et des vases acoustiques appelés bass-trap utilisés aujourd’hui dans l’acoustique architecturale. Cet ancien usage s’est perpétué aussi, différemment certes, dans l’architecture du Moyen Âge.

La recherche de l’effet acoustique appelé résonance
Dans de nombreux édifices datant du Moyen Âge et construits jusqu’à l’époque du xviie siècle, on a retrouvé sur de nombreux sites dans toute l’Europe, de la Russie à l’Espagne, des poteries incluses dans les voûtes et les murs d’églises et de chapelles. L’inventaire ne cesse de s’étoffer au gré des restau- rations, et à la différence des théâtres antiques, il est aisé d’observer aujourd’hui des poteries acoustiques in situ dans de nombreux édifices ayant échappé à la ruine ou à des restaurations abusives. Certaines lois acoustiques étaient, semble-t-il, connues des bâtisseurs. Faits de terre cuite et fabriqués parfois dans un unique but acoustique, ou choisis le plus souvent parmi des pièces de vaisselle domestique, ces vases sont placés dans les voûtes et les murs du chœur et au-dessus des stalles, où chantaient les moines, et on en retrouve même dans la nef de nombreux édifices. Ces instal- lations jouaient le plus souvent, semble-t-il, le rôle de correcteurs, en piégeant par résonance des fréquences indésirables, en atténuant les échos et en amortissant la réverbération20. Le rôle d’amplificateur du son de la voix humaine est supposé, comme l’exceptionnel caveau phonocampique de la cathédrale de Noyon, en France, déjà cité par René Floriot, le montrerait à titre d’hypothèse.
Le caveau phonocampique21 de la cathédrale de Noyon

Il est une cavité construite sous le chœur de la cathédrale de Noyon, appelée caveau phonocampique, qui semble être une cavité résonante. Elle date du xve siècle et servait hypothétiquement d’amplificateur pour les voix chantées. Des acousticiens se penchent sur ce cas exceptionnel. Cette cavité construite en brique est tapissée de vases acoustiques
[...] hémisphériques en terre cuite qui, superposés horizontalement en étages circulaires, tournent leurs orifices vers le centre du caniveau. La voûte est terminée par une grille à jour qui fait communiquer l’appareil avec le chœur. Ici, l’on a supprimé la communication, mais conservé le caveau, pensant qu’il pouvait aider la voix de l’officiant22.

Lévitation en Chine
En décembre 2006, une équipe de scientifiques chinois de la Northwestern Polytechnical University, à Xiana, dirigée par le Pr Wen-Jun Xie, a réalisé une expérience qui est devenue très populaire. Sur une pièce métallique ronde était disposé un petit animal de 2 cm (fourmi, poisson). Au-dessus était placé un aimant vibrant à la fréquence d’un champ électrique de 17 200 Hz, ou une longueur d’onde de 2 cm.

L’animal participant à l’expérience s’est alors mis en état de sustentation par lévitation acoustique. L’expérience montre comment un animal peut entrer en cohérence avec une fréquence ou une longueur d’onde correspondant à sa taille et se mettre dans un état antigravitationnel. Est-ce le début d’une nouvelle science qui permettra, à terme, d’expliquer les mystères exposés dans ces lignes ? D’autres expériences plus récentes montrent qu’il est maintenant possible de focaliser des trains d’ondes ultrasoniques en provenance de plusieurs émetteurs et de les diriger vers des objets en suspen- sion dans l’air (pour l’instant des gouttes d’eau), et de modifier leur position dans l’espace par variation de l’intensité acoustique.

Le développement de ces recherches nous permettrait sans doute de découvrir comment des ultrasons ou d’autres vibrations amplifiées, audibles ou non et accordés à une fréquence idoine, permettraient de faire s’effondrer n’importe quel mur de béton ou encore de soulever n’importe quel bloc de petite taille ou de 100 tonnes ou plus, car ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Si on arrive, par un procédé technique, à faire entrer en état de lévitation une goutte d’eau, un petit animal ou un objet, alors le même procédé, amplifié et adapté, pourrait s’appliquer à n’importe quel élément, quelle qu’en soit la masse. Si ces recherches passionnantes étaient appliquées à l’industrie, cela impliquerait des transformations draconiennes, que notre humanité n’est pas nécessairement prête à assumer dans le moment23.

Voyons comment ces principes de la physique de résonance, que nous venons d’illustrer par des exemples entre autres musicaux, ont été adaptés justement à l’acoustique instrumentale.

La lutherie sympathique
Dans la musique, les propriétés acoustiques des cordes sympathiques ont été utilisées pour les cordes vibrantes en lutherie depuis des lustres. Par exemple, au xviie siècle, la viole d’amour24 a été inventée en Europe. C’est une sorte de grand violon de la taille d’un alto, ayant un manche plus large et une caisse de résonance plus épaisse, comprenant sept cordes métalliques, agrémenté de sept autres fines cordes de métal pour un total de quatorze cordes (jusqu’à seize sur des violetta anglaises). Les cordes sympathiques sont placées sous la touche et insérées dans le manche, de telle manière que l’ar- chet ne les atteint pas. Elles entrent en résonance quand le jeu instrumental émet les mêmes notes auxquelles elles sont préalablement accordées. L’ins- trumentiste accordera son instrument en fonction de la pièce jouée. L’effet acoustique est remarquablement enchanteur de par la résonance sympa- thique offerte dans le jeu instrumental, créant une atmosphère tendre et chaleureuse donnée par la résonance harmonique des cordes sympathiques. Ces qualités ont apparemment donné son nom à l’instrument: la viole d’amour. Heinrich Biber, Domenico Scarlatti et Antonio Vivaldi, pour ne citer qu’eux, ont composé pour cet instrument remarquable dont Léopold Mozart disait qu’il créait « une ambiance calme au soir25 ».

Un autre exemple d’instrument «sympathique» est le baryton, qui fut inventé à la même époque que la viole d’amour. Il se peut que son nom vienne d’une déformation de viola di pardone. En effet, l’histoire raconte comment un duc anglais amnistia un condamné après qu’il eut écouté le son de l’instrument que le prisonnier avait fabriqué dans son cachot. Cette viole compte, en plus de ses six cordes de jeu, sept à neuf cordes sympathiques placées derrière le manche. Le nyckelharpa (Suède, xvie siècle) comporte lui aussi des cordes sympathiques. De la famille des vièles, cet instrument est joué avec un archet et les notes sont obtenues par une sorte de clavier qu’anime l’interprète, au lieu de poser ses doigts directement sur les cordes. Le nyckelharpa produit des sonorités très chaleureuses évoquant le violoncelle26.

Cette trop brève énumération serait inéquitable si nous ne nommions pas des instruments beaucoup plus anciens. Parmi eux, le célèbre sitar indien datant de plusieurs millénaires. Le sitar est un descendant de la vina inventée par Shiva et attribut de la déesse Sarasvatî. Il peut posséder jusqu’à treize cordes sympathiques. Elles donnent à cet instrument ce son si doux et caractéristique. Le sarod est lui aussi un instrument à cordes pincées en provenance de l’Inde, qui peut avoir jusqu’à quinze cordes sympathiques.

Les vièles indiennes, représentées par le sarangi et le dilruba, complètent les quatre ou cinq cordes principales avec jusqu’à quarante et une cordes sympathiques.

Le kabuli rabâb est quant à lui une vièle de tradition arabe originaire d’Iran, du Pakistan et d’Afghanistan, comportant également des cordes sympathiques.

Toute corde métallique non étouffée répond au principe des cordes sympathiques, comme nous en exposions les propriétés lors d’expériences citées plus haut. Le processus ne se reproduit pas sur un piano, du fait de la présence des étouffoirs, sauf lorsqu’on active la pédale en permanence. Après avoir présenté brièvement ces quelques instruments que vous trouverez sûre- ment sympathiques en les écoutant, voyons à présent comment la loi sympathique peut s’illustrer autrement qu’artistiquement ou architecturale- ment.

L’effet Castafiore
Lorsqu’une cantatrice ou un chanteur émet un son sur la même note qu’un verre à vin, en cristal ou non, celui-ci se met en résonance et absorbe les ondes. Si l’amplitude des ondes reçues dépasse l’élasticité du verre qui résonne à leur réception, ou va au-delà de sa capacité de résonance (une chanteuse d’opéra peut produire un son ayant une intensité dépassant 120 dB et aller jusqu’à 140 dB), alors l’excès de dilatation est suivi de la rupture du résonateur: le verre se brise.
Si l’expérience des diapasons sympathiques est facile à reproduire, il n’est pas donné à tout le monde de faire se briser un verre, tenu à bout de bras, même s’il est en cristal, au son de sa propre voix, mais certains expérimenta- teurs le démontrent. Voyons à présent comment le même phénomène peut s’illustrer dans le génie civil.

Les ponts
Le 16 avril 1850, un détachement de soldats marchait au pas sous la pluie, tête baissée, alors qu’ils traversaient le pont suspendu de Basse-Chaîne enjambant le Maine à Angers, en France. Le rythme de leur pas cadencé fit rompre les structures du pont et 226 soldats d’infanterie périrent noyés dans la rivière du Maine27. Déjà à cette date, le règlement militaire du Ministère de la Guerre français interdisait aux fantassins de marcher au pas sur un pont.

Le même genre de catastrophe s’était d’ailleurs produit dix-neuf ans plus tôt, en Angleterre, lorsqu’un bataillon de l’armée de Sa Majesté avait traversé un pont suspendu enjambant la rivière Irwell, à Broughton, près de Manchester. Le rythme du pas cadencé du détachement militaire engendra un balancement du tablier qui s’amplifia à mesure que les soldats avançaient, jusqu’à ce qu’un des piliers du pont cède et entraîne le tablier dans la rivière et les fantassins avec lui. Cela se passait le 12 avril 1831. Là, plus de quarante soldats périrent par noyade après la rupture vibratoire du pont.
Ces deux histoires pontonnières sont caractéristiques et bien documentées. Bien que des théories contradictoires mettant en cause d’autres facteurs (rouille, usure, mauvaise conception, vent) ont également été avancées pour expliquer ces ruptures, on attribue aussi l’effondrement de ces ouvrages d’art à une relation de résonance d’oscillations verticales produites par le pas cadencé d’une troupe d’infanterie et les structures d’un pont, ce qui reste plausible.

Si l’on comparait un pont suspendu à un instrument à cordes, les câbles du pont seraient justement les cordes, et le tablier, la table d’harmonie. Le pas cadencé de la troupe jouerait alors le même rôle qu’un diapason vibrant posé sur la caisse de résonance, ayant la capacité d’exciter une des cordes dudit instrument accordée à la même fréquence. Les composantes du pont sont alors mises en vibration et la cadence des pas rythmés amplifie le phénomène au fur et à mesure que la troupe avance. Elle est alors éprouvée par l’amplification de l’oscillation produite par la fréquence répétée et régulière du pas généré par le régiment militaire; l’amplitude croît alors de manière exponentielle. Il y a un effet de résonance entre un oscillateur (ici le pas cadencé) et un résonateur, en l’occurrence le câble ou les chaînes qui supportent le tablier du pont. La mise en résonance produit une rupture lorsqu’elle dépasse la capacité qu’a le résonateur de recevoir l’amplitude des ondes. Comme tout est vibration, tout dans l’univers répond à une longueur d’onde ou à une fréquence, et tout a donc une capacité de résonance et de cohérence, quelle que soit son échelle. Donc, même si la version de la mise en résonance est contestée dans ces exemples pontonniers, le principe est à retenir.

Dans ce même domaine des «viaduqueries», pour illustrer le même phénomène, il est cité, souvent à tort, l’exemple du pont de Tacoma, dans l’État américain de Washington, qui s’est effondré le 7 novembre 1940 sous l’impulsion d’un vent constant soufflant à 68 km/h. Dans ce cas, c’est un phénomène différent qui est à l’origine de la catastrophe survenue quatre mois après l’inauguration de ce pont dont le tablier était soi-disant révolutionnaire quant à sa minceur, et donc plus léger que sur un autre pont de ce type.

Ici, pas de troupe militaire marchant au pas cadencé. Le vent a engendré des vibrations tourbillonnantes, créant des oscillations longitudinales et des torsions transversales d’une amplitude de plus de 8 m, mettant à l’épreuve l’élasticité de la structure à un point tel qu’elle a cédé. C’est la conception aérodynamique, la minceur et l’étroitesse du tablier qui sont ici en cause, et les nouvelles conceptions de ce type sont maintenant testées en soufflerie.

D’ailleurs, depuis son inauguration le 1er juillet 1940, les oscillations verticales de ce pont étaient une curiosité touristique à l’origine du surnom donné à ce défunt ouvrage d’art : Galloping Gertie. Il n’y eut aucune victime lors de la catastrophe, sauf un chien dont le propriétaire s’est extrait de justesse de son véhicule laissé sur le pont et qui put rejoindre la rive sain et sauf, voyant son bien dégringoler dans le vide avec les débris pontonniers. Il ne s’agit pas ici à proprement parler d’un phénomène de résonance, mais plutôt d’une déformation par aéroélasticité en auto-excitation tourbillonnaire due aux lacunes aérodynamiques de l’ouvrage.

Les rafales de vent ne pouvaient avoir l’énergie et la régularité nécessaires sur une durée aussi longue que celle observée : plus d’une demi-heure, avec une période de cinq secondes, c’est-à-dire une fréquence de 0,2 hertz [...].
L’oscillation du tablier crée donc des tourbillons synchrones, dont l’action amplifie l’oscillation ; en retour, celle-ci donne naissance à des tour- billons encore plus importants, et ainsi de suite. C’est ce mécanisme subtil qui a provoqué in fine l’effondrement du pont de Tacoma29.
Le physicien Mark Ketchum en explique les détails sur son site Internet et donne la référence d’une étude datant de 1991 et mettant au jour le mythe de la résonance en donnant l’exacte cause à l’origine de la destruction de ce pont-là.
Plus récemment, on a dû aussi interdire le pont du Millenium Bridge de Londres, en Angleterre, conçu dans les années 1990 pour enjamber la Tamise. À la suite de son inauguration le 10 juin 2000, il fut prématurément fermé au public seulement quelques jours plus tard, pour des raisons de sécurité. Le ballant latéral observé lors de son utilisation risquait d’endommager ses structures et mettait en danger les gens empruntant l’ouvrage. Cette oscillation latérale du tablier était provoquée par le rythme des pas des 90 000 piétons traversant la passerelle le jour de son ouverture. La moyenne de 2 000 personnes présentes en permanence sur la structure du pont créait une mise en cadence intermittente par résonance synchrone, à des fréquences mesurées entre 0,5 et 1 Hz. L’oscillation maximale du pont était telle que les piétons devaient parfois se tenir aux balustrades afin de ne pas trébucher. L’accès à la passerelle a été limité les jours suivants, avant d’être interdit au public pour plusieurs mois.

Les ingénieurs concepteurs de l’ouvrage se sont penchés sur la question. Il s’avère qu’un piéton effectuant un parcours oscillant, tel un pont suspendu ou une passerelle, aura tendance à adapter inconsciemment le rythme de sa marche à l’oscillation du plancher qu’il parcourt, afin d’en faciliter la pour- suite, selon la loi du moindre effort. S’il marche dans le rythme, aussi infime soit-il, le parcours du marcheur sera ressenti comme avec un pas plus léger. Ainsi, au fur et à mesure de la traversée, d’autres piétons adoptent le même principe et le support oscillant qui les supporte vibre de plus en plus fort en amplifiant progressivement son oscillation, alors que les piétons synchro- nisent inconsciemment leurs pas avec le balancement naturel de la structure qui s’amplifie à mesure qu’ils l’empruntent. Les deux phénomènes se conjuguent en augmentant sans cesse, la synchronisation des pas s’amplifiant à mesure que le ballant s’amplifie aussi, illustrant humainement l’expérience de la synchronisation mécanique des métronomes, évoquée plus haut. L’effet s’est prolongé au Millenium Bridge de Londres jusqu’à ce que le Service de sécurité de l’ouvrage soit alerté et l’accès immédiatement limité.

Les concepteurs de la passerelle ont par la suite conçu des systèmes de correction, à l’aide d’amortisseurs placés sur les piliers permettant de maîtriser les oscillations du pont sur toute sa longueur ; et après de nouveaux tests, il put être rouvert au public en février 2002. Cette correction vibratoire ressemble à s’y méprendre à une correction acoustique, transcodée à l’usage d’une corde sensible, d’une membrane structurelle composant un ouvrage d’art.

Les liaisons radio, télévision et téléphonie sont établies sur le même principe de syntonisation, et la science démontrera un jour que le même phénomène se transpose au niveau de la biologie et qu’il est à l’origine de la perception télépathique ou de la communication directe.

L’effet de sol des hélicoptères
L’effet de sol est un phénomène de résonance caractéristique connu dans le pilotage des hélicoptères. Cette particularité est connue dans l’aérodynamique des véhicules terrestres ou aériens. Dans le cas des hélicoptères, il concerne une interférence entre le vortex produit par le rotor et la surface du sol, qui en modifie la dynamique. Cet effet est visible au début de l’épisode de la série MacGyver intitulé Deathlock (1986). Le spectateur observe un hélicoptère atterrissant au sommet d’un gratte-ciel. Peu de temps après l’atterrissage, l’effet de sol met l’appareil en vibration et amorce un tremblement. Comme le pilote décolle immédiatement, en laissant la portière de la cabine des passagers ouverte, l’effet est supprimé. En restant en vol stationnaire à cet endroit vertigineux, l’hélicoptère risquait la destruction. Le réalisateur n’a pas jugé nécessaire de rejouer la scène, qui donne du piquant à la situation, conforme à la thématique héroïque de la série télévisée et permet d’illustrer le phénomène.

Cet effet s’explique par un phénomène de résonance entre la longueur d’onde des pales de l’hélicoptère (envergure du rotor) et le vortex d’air créé en dessous de l’appareil, lorsque l’aéronef est à une hauteur de rotor du sol (le rotor et les pales donnent la longueur d’onde). Quand l’appareil se rapproche du sol, l’effet de sol améliore les conditions de vol en rendant l’appareil plus léger du fait de l’effet de résonance, et le phénomène s’amplifie à mesure que l’aéronef s’approche du sol. Lorsque l’hélicoptère est en vol stationnaire, il n’y a plus de traînée. La surface du sol produit alors un écho amplifié (comme en acoustique) et modifie le flux d’air induit par les pales du rotor en amplifiant la vibration du vortex. Une résonance peut se produire et détruire l’appareil. Si elle est maîtrisée, elle accélère le processus de décollage par le même processus, en améliorant sa puissance grâce à l’amplification du vortex qui agit comme une sorte de ressort30.

Tesla et la résonance
Le savant Nikola Tesla31, dont nous reparlerons, était passionné par le phénomène de résonance. Il considérait l’atmosphère terrestre comme une cavité résonante. La loi de résonance sympathique est universelle et, selon lui, elle pouvait s’appliquer à tout. C’est d’ailleurs cette application qui a permis à ce chercheur d’inventer la radio.

Le phénomène de résonance que nous venons brièvement de décrire dans ses implications tant culturelles qu’artistiques et acoustiques est une approche incontournable qui impliquera, selon nous, l’avenir de la médecine et de l’industrie. L’humanité aura à considérer ce phénomène sur tous les plans. Ses principes ont aussi inspiré les militaires depuis plusieurs millénaires, et il se peut fort que Nikola Tesla ait détruit certaines de ses découvertes de peur de les voir utilisées à des fins destructrices à grande échelle. Voyons comment ces principes résonants peuvent s’appliquer de nos jours, dans la fiction ou dans la réalité.

-------------------------

3. Exposition des connaissances mathématiques utiles pour la lecture de Platon. Par J. Dupuis, Hachette, Paris 1892.
4. La loi d’attraction peut être illustrée par l’attirance d’une onde par son résonateur, comme une visualisation et sa manifestation. Cette loi est développée dans le livre Le secret de Rhonda Byrne, Éditions Un monde différent, Montréal, 2008.
5. Christian Huygens. Correspondance de 1664 à 1665. La Haye: Société hollandaise des sciences, 1893, p. 244. www.age-classique.fr./.
6. Le réalisateur Stanley Kubrick a utilisé plusieurs fois la musique de György Ligeti dans ses films, en particulier les œuvres Atmosphères, Requiem et Lux Æterna dans 2001, l’Odyssée de l’espace (scène du monolithe noir).
7. Wikipédia.fr.Wikipédia.org/wiki/Po%C3%A8me_symphonique_(Ligeti).
8. Expérience reproduite par l’auteur : youtube.com – Sonologie 2014 – Résonance partie 1.
9. Isaac Newton. Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (Principes mathématiques
de la philosophie naturelle), Londres, 1687. D’après la traduction d’Émilie du Châtelet,1756.
10. Les neurones dits miroirs sont activés par imitation ou résonance lorsqu’un individu
observe ou imagine une action et voit son propre système intérieur reproduire le schéma neuronal du même mouvement électriquement identifié par l’imagerie cérébrale. Source : Wikipédia et Giacomo Rizzolatti, Corrado Sinigaglia, Les neurones miroirs, Odile Jacob, 2007.
11. Québecor, Montréal, 2011.
12. Sylvie Nozaradan, auteure de cette étude, est médecin en neurologie et pianiste professionnelle.
13. Emmanuel Comte. La vibration du la (à paraître aux Éditions MedSon).
14. Expérience reproduite par l’auteur : youtube.com - Sonologie 2014 − Résonance partie 2.
15. Expérience reproduite par l'auteure : youtube.com - Sonologie 2014 − Résonance partie 4. Apportons la nuance suivante : si d’autres cordes sont accordées à l’octave de la fréquence de référence choisie pour notre expérience, elles vont être excitées aussi, selon le même principe et par autosympathie. C’est-à-dire que les cordes mises en vibration vont à leur tour en faire vibrer d’autres. Ce phénomène est facile à expérimenter avec un piano: en retirant les étouffoirs (appui sur la pédale de résonance), si l’on joue n’importe quelle note, toutes les notes identiques et donc à l’octave, plus graves ou plus aiguës, vont se mettre à vibrer en sympathie, de même que certaines harmoniques, comme nous allons l’expliquer, du fait que la vibration d’une corde est plus riche en harmoniques que celle d’un diapason. Expérience reproduite par l’auteur : Sonologie 2014 − Résonance partie 4.
16. Cette expérience est suggérée par Jacques Chailley, voir la note suivante.
17. Jacques Chailley, Cours d’histoire de la musique, Éditions Alphonse Leduc, Paris, 1967, tome 1, p. 9.
18. Vitruve. Les dix livres d’architecture, corrigés et traduits en 1684 par Claude Perreault, Éditions Pierre Mardaga, Bruxelles, 1996.
19. Les dix livres de Vitruve, Éditions Les Libraires Associés, Paris, 1965, traduction intégrale de Claude Perreault, 1673, chap. 5, p. 90-92.
posé à l’acoustique architecturale) que celui utilisé pour les ponts, comme il sera expliqué plus loin pour le Millenium Bridge de Londres.
21. Phonocampique est un terme utilisé en acoustique désignant l’endroit où se trouve l’objet qui renvoie le son.
22. M. A. Bechet. Notes d’art et d’archéologie, 1982, cité dans L. Cloquet, Traité d’architecture, Paris et Liège, Librairie Polytechnique, Ch. Béranger, 1901, p. 248-249. On peut voir ce résonateur sous le lien http://faculty.vassar.edu/antallon/noyon/caveau/fl/.
23. 24. La gravitation est très rentable, et une part immense de l’activité humaine en vit : indus- trie du levage, grues, industrie automobile, suspensions en tous genres, pneumatiques, freins, etc.
Est-ce une altération de viole des Maures, instrument à archet transmis par les Arabes, le rebâb, comportant lui aussi des cordes sympathiques ?
25. Versuch einer gründlichen Violinschule, publié à Augsburg en 1756, la même année que la naissance de son fils Wolfgang (Traité en vue d’une méthode fondamentale pour le violon, de Léopold Mozart, aux Éditions Zurfluh, AZ 1391R).
26. L’artiste espagnole Ana Alcaide en joue admirablement. http://www.youtube.com/watch?v =iYSq9fpq7qc.
Une autre théorie veut que l’effondrement du pont soit dû aux intempéries et à l’oxyd tion des supports de l’ouvrage d’art: «La troupe avait rompu le pas sur l’ordre du lieutenant-colonel qui commandait la troupe, mais un vent violent a provoqué des oscilla- tions de la passerelle suspendue, amplifiées par la présence des soldats qui se sont portés d’un côté sur l’autre pour s’équilibrer. Rupture due à la tempête et à l’oxydation des câbles noyés dans la chaux grasse. Il s’écroule emportant 226 soldats.» http://fr.structurae.de/ structures/data/index.cfm?ID=s0004743.
28. Archives municipales de la Ville d’Angers, 1849-1870.
29. Pour la science, no 364, février 2008. http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/f/fiche-article- pont-de-tacoma-la-contre-enquete-18305.php.
30. 31. Destruction d’un hélicoptère Boeing CH-47 Chinook par effet de sol. http://www.youtube. com/watch?feature=player_embedded&v=RihcJR0zvfM.
Nikola Tesla, l’homme aux 900 brevets. Inventeur ou plutôt découvreur, comme il préfé- rait se présenter lui-même, de la bobine qui porte son nom (1891), de la radio (1893), du radar (1900), de la résonance de Schumann (1905) et du tube néon, précurseur de la découverte des rayons X, inventeur du tube cathodique, du courant alternatif, des bougies d’allumage pour les automobiles, du tachymètre et du contrôle robotisé à distance (1900). Il avait même imaginé l’Internet et la télévision, avec la transmission à distance d’images et de sons...

 
Emmanuel Comte

 

Si cet extrait vous a intéressé,
vous pouvez en lire plus
en cliquant sur l'icône ci-dessous 

Couverture du livre