L'histoire des antibiotiques



La théorie des germes
L’utilisation de plantes et autres produits naturels pour lutter contre les maladies remonte à l’aube des temps. Les propriétés antiseptiques de certaines plantes étaient utilisées de façon empirique dans les pharmacopées traditionnelles. Les Égyptiens distribuaient, par exemple, de l’ail aux ouvriers des pyramides pour les revigorer et les protéger. Les Chinois employaient une forme d’immunisation par laquelle ils inhalaient des poudres séchées provenant des croûtes de lésions causées par la variole, aux alentours de l’an 1000. Mais c’est seulement à la fin du XIXe siècle que le lien entre les maladies et les microbes a été établi, et que les notions d’immunisation, d’antitoxines et de bactériophages sont apparues.

En 1875, Cohn publia une classification de bactéries dans laquelle il utilisait pour la première fois la classification Bascillus. En 1879, Neisser attribua la blennorragie à un microbe. En 1880, Louis Pasteur atténua l’effet de certains agents pathogènes virulents afin qu’ils servent à immuniser contre des maladies plutôt qu’à en causer. En 1886, Theobold Smith démontra qu’il n’était pas nécessaire que les micro-organismes soient viables pour provoquer leur capacité de protection. En 1890, von Behring et Kitasato mirent en évidence que des antitoxines étaient pré- sentes dans le sang d’individus qui se rétablissaient d’un épisode de diphtérie. En 1915, Twort découvrit les bactériophages.


Ces découvertes successives posèrent les bases de la méde- cine moderne. L’acceptation de plus en plus générale de cette «théorie des germes» allait permettre quelques années plus tard la découverte des antibiotiques.

Les premiers antibiotiques
En 1889, l’Allemand Rudolf Emmerich fut le premier à effectuer des essais cliniques sur une substance antibiotique, la pyocyanase. Découvert par hasard un an auparavant, cet actif avait la capacité de détruire de nombreuses bactéries pathogènes, dont celles de la fièvre typhoïde, du charbon, de la diphtérie, de la peste et des abcès cutanés. Mais l’intérêt soulevé par cette découverte retomba rapidement, le médicament se révélant instable et toxique. Il fut cantonné à des utilisations externes sous forme de pommade pour les dermatoses.

Quelques années plus tard, Paul Ehrlich obtint de bons résultats sur la syphilis avec un colorant associé à de l’arsenic, le salvarsan. Mais la toxicité de la substance et ses effets secondaires importants relativisèrent cette efficacité.

Le milieu médical fourmillait alors de découvertes ponctuelles, d’essais cliniques, de pistes explorées puis abandonnées. La chimiothérapie semblait devoir émerger comme une révolution dans l’art de traiter les maladies, mais il restait encore aux médecins à trouver le médicament « miracle », à la fois efficace et sans effets négatifs, car l’enthousiasme du public risquait de disparaître.

Fleming et la pénicilline
De nombreuses personnes doivent leur survie à la pénicilline, soit directement, soit parce que cette substance « miracle » a sauvé la vie de leurs parents ou grands-parents.

En 1887, le Français Ernest Duchesne fut le premier à remarquer le pouvoir antibactérien des moisissures du genre Penicillium et à envisager des possibilités thérapeutiques. Mais son travail, encore trop précurseur, n’eut pas de suite.

En 1928, à l’hôpital Sainte-Marie de Londres, le docteur Alexander Fleming redécouvrit ce phénomène. Alors qu’il effectuait des recherches sur les staphylocoques, il remarqua dans l’une de ses boîtes de Petrices petites boîtes rondes utilisées pour tester la toxicité d’un produit sur une souche de bactéries – que les colonies de staphylocoques proches de la moisissure Penicillium étaient mortes. Il fut le premier à publier un article sur les effets antibactériens de la pénicilline.
Quelques années plus tard, Howard Florey, Ernst Chain et Norman Heatley étendirent les travaux de Fleming; ils réussi- rent à faire produire et à purifier la pénicilline, prouvant ainsi son intérêt en tant que médicament. Alors que leurs recherches commençaient à être couronnées de succès, la Seconde Guerre mondiale fut déclarée. Le projet fut déplacé aux États-Unis pour le préserver des bombardements allemands, et les travaux s’orientèrent vers la fabrication en grandes quantités de la moisissure produisant la pénicilline. L’objectif était de pouvoir fournir un médi- cament pouvant traiter les nombreux blessés dus à la guerre.

Le monde entier parla alors de la pénicilline et de ses effets miraculeux. Dans l’inconscient collectif, les antibiotiques com- mencèrent à devenir le remède aux maladies infectieuses.

La streptomycine
La fin de la Seconde Guerre mondiale vit l’apparition d’un autre antibiotique célèbre, la streptomycine.

Produite par un micro-organisme vivant dans le sol, Streptomyces griseus, cette substance fut découverte par Waksman en 1943. Elle se révéla efficace contre les bactéries de certaines infections courantes, de la méningite et, surtout, de la tuberculose.
La streptomycine fut le premier véritable médicament capable de lutter efficacement contre cette maladie chronique, souvent fatale à l’époque.

C’est avec la streptomycine que les premiers phénomènes de résistance furent découverts. Certaines bactéries devenaient résistantes au cours même du traitement, ce qui ne s’était encore jamais remarqué. Comme, par ailleurs, la streptomycine avait des effets secondaires importants à hautes doses, les chercheurs essayèrent de trouver des substances chimiquement proches, ce qui conduisit à la découverte de la néomycine.

À partir de là, les chercheurs du monde entier n’eurent de cesse de trouver de nouveaux antibiotiques et de créer des variétés de semi-synthèse à partir des souches existantes, dans le but d’une plus grande efficacité.

En parallèle, les bases de la médecine moderne, avec son cortège de consommation excessive d’antibiotiques, étaient posées. Sous les pressions croisées du public, des laboratoires pharmaceutiques et des pratiques médicales, la surconsommation d’antibiotiques prenait son essor.

                                                                                     

Jean-Marc Darguere  

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