L’organisation neuromusculaire chez l'Homme


Notre développement moteur est marqué par la lenteur. Pour faire l’acquisition du langage, il faut plusieurs années. Pour adopter la position debout et faire ses premiers pas, cela demande le même temps que la Terre prend pour faire le tour du Soleil, soit une année. Cela s’explique par le fait qu’à la naissance les connexions des circuits entre les aires motrices et sensitives cérébrales avec nos muscles sont très peu développées. Progressivement, grâce aux stimulations de son environnement, l’enfant s’éveille à ses sens, à sa proprioception 5. C’est à force de répéter des cen- taines de fois les mêmes mouvements que l’enfant va découvrir les différentes parties de son corps et ses volumes. Il utilisera son corps comme un outil pour se déplacer dans l’espace et s’orienter à tâtons face aux objets qu’il perçoit.

Emmi Pikler, pédiatre hongroise, considère qu’il est important, dans la phase sensorimotrice, de respecter le développement du mouvement spontané chez l’enfant. Celui-ci ne prendra jamais une position qu’il ne peut prendre et qui pourrait le mettre en danger. Lorsqu’il se sentira prêt à explorer de nouvelles possibilités – comme se retourner, ramper, s’asseoir, se tenir debout, marcher, toucher, saisir, lâcher un objet, etc. –, il le fera tout naturellement. Malheureusement, certains enfants sont brimés très tôt dans leurs mouvements naturels, car des parents soucieux de la performance de leur bambin lui imposent prématurément des postures. Celles-ci, qu’il ne maîtrise pas encore, entravent le développement harmonieux de sa motricité. Elles engendrent des crispations qui peuvent empêcher une bonne coordination de l’ensemble des parties de son corps. Il est donc déconseillé de placer un enfant dans une position qu’il ne peut pas changer par lui- même ; ce serait un abus psychologique. Évidemment, cela ne veut pas dire abandonner l’enfant à lui-même, car il a besoin d’être dans un cadre sain et de recevoir les soins d’hygiène appropriés. Cependant, il est crucial de respecter le libre mouvement du bébé et d’encourager ses progrès puisque cela a une répercussion sur l’ensemble de son développement :
Ces mouvements participent à la construction d’une sécurité intérieure et d’une conscience de leur propre valeur, de leur compétence. En expérimentant et en découvrant ses possibilités motrices, l’enfant développe un esprit d’initiative, une curiosité et un intérêt pour la découverte du monde. Il fait preuve d’attention et de persévérance dans ses tentatives; il découvre le plaisir de l’activité riche, autonome et il éprouve un sentiment de réussite6.

Il est reconnu que toute cette intégration sensorielle s’arti- cule dans le climat émotionnel dans lequel l’enfant baigne. « L’activité sensorielle et motrice, à la base du travail d’appropriation de soi et de construction du monde, répond à certains critères et à certains buts : elle est directement dépendante du climat émotionnel qui règne autour du bébé et elle vise l’équi- libre sensorimoteur, la capture et l’assimilation des informations7. »

Si l’enfant se sent enveloppé dans les bras de sa mère, accueilli et aimé, le processus de l’appropriation de soi se fera en harmonie. Au contraire, si l’enfant est négligé, mal aimé, il aura une impression de vide et expérimentera une relation tendue avec le parent. Il enregistrera des tensions, des angoisses qui s’installeront dans certaines parties de son corps. Son appropriation de soi sera perturbée et cela aura des conséquences fâcheuses sur son psychisme et sur son identité. Ainsi, très tôt, le bébé peut vivre des frustrations qui laisseront des traces sous forme de tensions dans son corps. Son organisation neuromusculaire s’établit par son patrimoine génétique, mais il se construit davantage en fonction de son vécu, de son histoire émotionnelle.

Je pense qu’il est rare de trouver le climat émotionnel par- fait dans une famille, chacune contient sa propre histoire qui baigne dans un contexte socioculturel avec ses normes spéci- fiques. Il s’avère que nous subissons tous, à des degrés divers, des pressions familiales et sociales. Ainsi, chaque personne s’est organisée différemment dans son corps, car chacune possède son histoire émotionnelle.


Martine Veilleux    

                        
                                                                              

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