Les principes de la médecine coréenne

Il est intéressant de découvrir comment les systèmes de santé traditionnels (hanbang) et modernes se sont développés, cohabitent et fonctionnent en Corée.

L’année 2013 a vu la traduction pour la première fois en anglais des 25 volumes de l’ouvrage fondateur des médecines orientales : le Dongui bogam, dont on a célébré le 400e anniversaire de sa rédaction cette même année. Anniversaire qui s’est traduit par les festivités de la première exposition mondiale consacrée aux médecines traditionnelles et ethnomédecines à Sancheong du 6 septembre au 20 octobre 2013.

La médecine traditionnelle coréenne s’appuie sur la médecine traditionnelle chinoise et la médecine populaire coréenne elles- mêmes élaborées à base d’herboristerie et de « remèdes de bonnes femmes ». Des trois pays – Chine, Japon et Corée – à maintenir la coexistence de la médecine conventionnelle et de la médecine traditionnelle, c’est la Corée qui a le pourcentage de tradipraticiens le plus élevé (15 %), suivie de la Chine (13 %) tandis qu’au Japon, on compte seulement 1 % de praticiens de la médecine kampo2 en 2008.

Depuis 1999, la formation des tradipraticiens coréens suit le cursus des études médicales conventionnelles : un enseignement de quatre années après le bac dans une université publique pour obtenir l’équivalent d’un master. Un praticien traditionnel peut ensuite s’installer pour exercer ou bien compléter sa formation, au sein de l’une des 11 universités privées, par quatre années sup- plémentaires comprenant une année d’internat en hôpital puis la rédaction d’une thèse, afin d’obtenir un doctorat et être considéré comme un spécialiste. En réalité, en 2009, seuls 9 % de l’ensemble des tradipraticiens coréens possédaient un doctorat.

Quelques chiffres permettent de se faire une idée de l’impor- tance de s’appuyer sur deux systèmes de soins et d’assurance maladie pour la médecine occidentale et la médecine orientale :
• 145 plantes sont inscrites dans la pharmacopée coréenne, mais depuis 1993, seules les plantes dites médicinales sont distribuées légalement (68 extraits à formule unique et 56 médicaments à formule composée sont couverts par l’assurance maladie), néanmoins 69 % de la population fait appel à la médecine traditionnelle.
• 7,2 % du PIB sont consacrés aux dépenses de santé, 9 000 docteurs en médecine orientale travaillent dans 81 hôpitaux orien- taux et 7 172 cliniques orientales ; 500 étudiants issus de 11 écoles deviennent chaque année docteurs en médecine orientale.
• la proportion aujourd’hui est de un médecin pratiquant la médecine traditionnelle coréenne contre six médecins pratiquant la médecine occidentale.
• le système contemporain de santé coréen se caractérise par un système dual de soins permettant à ces deux conceptions de pratique de santé de coexister. Ce système de soins de santé conventionnel est relativement bien établi et 86 % de la popula- tion coréenne recourent régulièrement à la médecine traditionnelle coréenne (TKM).
• en Corée du Nord, la médecine TKM – ou koryo 3 – est si intégrée au système national de santé que les soins de TKM et les soins de médecine conventionnelle sont dispensés dans les mêmes établissements.
• les principaux problèmes de santé ayant conduit les habi- tants à une admission pour une consultation dans un hôpital de TKM en 2011 étaient les troubles osseux, articulaires ou mus- culaires, la dyspepsie, l’ostéo-arthrite du genou et les troubles nerveux de la face.
• la taille du marché des produits médicinaux issus des médecines traditionnelles asiatiques est en pleine expansion. Selon les estimations, la production de materia medica chinoise se montait à 83,1 milliards de dollars en 2012, soit une hausse de plus de 20 % par rapport à l’année précédente. En Corée du Sud, les dépenses annuelles consacrées à la médecine traditionnelle tota- lisaient 4,4 milliards de dollars en 2004, pour monter à 7,4 milliards de dollars en 2009.

La médecine traditionnelle coréenne (TKM), dénommée Han- bang en coréen, repose principalement sur une théorie médicale très ancienne qui voit dans la maladie un conflit entre jeonggi et sagi, c’est-à-dire respectivement entre l’énergie positive et l’énergie négative qui traverse un être humain. Or, cette dernière n’est pas toujours susceptible, à elle seule, de provoquer les mala- dies. Des problèmes peuvent survenir lorsqu’elle est supérieure à l’énergie vitale du corps, mais aussi quand elle descend en dessous d’un certain niveau et que l’énergie vitale du corps se trouve également assez affaiblie. La TKM vise essentiellement à consolider et à maintenir cette force vitale en vue de supprimer les symptômes constatés, à partir d’un diagnostic adéquat de l’état du malade. Dans la mesure où elle considère le corps humain comme un tout, la TKM replace l’ensemble des symptômes dans le contexte global des fonctions corporelles. Face à un sujet présentant une bouche sèche, des yeux rougis, des maux de tête, des troubles du sommeil, des difficultés respiratoires, des problèmes de transit, le médecin occidental administrera le plus souvent des médicaments contre la fièvre, la migraine, l’insomnie et la constipation tandis que le praticien traditionnel coréen, après avoir diagnostiqué un excès de yang, prescrira une préparation à base d’igmocho sog ou marihuanilla (Leonurus sibiricus), une plante réputée pour avoir des propriétés calmantes, fébrifuges et laxatives. C’est donc l’ensemble des symptômes qui est ainsi traité à partir d’une évaluation de l’état général. Pour les personnes sujettes aux frissons, troubles gastriques, migraine ou diarrhée aiguë, une décoction de racine de ginseng, de tubercule de bai zhu (Atractylodes japonica), de gingembre séché, de réglisse ou de racine d’aconit détoxifiée est indiquée pour stopper l’afflux d’énergie froide dans l’organisme par un apport de chaleur en association avec un traitement global des symptômes. Contrairement aux médicaments occidentaux, les produits phytothérapiques résultent d’une préparation individualisée employant des substances exclusivement naturelles dont la structure molécu- laire complexe ne permet pas toujours de juger de leur efficacité.

Aujourd’hui, la TKM vise à l’amélioration de l’état de santé général par une médication végétale ayant pour fondement théorique la présence de l’énergie vitale dite qi, l’équilibre du eum et du yang, les yin et yang chinois, et le heosil4 qui constitue le cycle d’épuisement et de rétablissement. Si différentes pathologies peuvent se déclarer, c’est parce que s’amenuise la force vitale du qi, lequel varie selon les individus au niveau quantitatif, mais aussi en raison de facteurs spécifiques liés aux habitudes, notamment alimentaires, de chaque individu. Le meilleur moyen de conserver le qi est de rester serein en toutes circonstances, de se nourrir sainement et d’éviter autant que faire se peut les états de tension mentale. Conformément à la théorie du eum et du yang, les organes se répartissent selon ce même équilibre, qu’il convient de maintenir pour se prémunir des maladies. Le heo-sil représente quant à lui, par sa première composante, l’état d’épuisement résultant d’une perte d’énergie vitale qui exige des théra- pies de stimulation de la vitalité physique et, par la seconde, une santé défaillante nécessitant un traitement adapté.

La théorie des quatre constitutions Sasang (sa : quatre et sang : type en coréen), une branche plus récente de la TKM, propose une approche typologique unique en son genre en définissant quatre morphologies humaines : Tae-yang, Tae-eum, So-yang et So-eum ; c’est-à-dire, respectivement, le grand yang, le grand yin, le petit yang et le petit yin, qui déterminent également, par la dimension variable de leurs organes correspondants, la personnalité, les tendances pathologiques et la nature des traitements requis.

Doté d’un torse bien développé propice au yang, le sujet de type So-yang se caractérise par ses réactions rapides, tandis que celui du So-eum, où prédomine, au contraire, la partie inférieure du corps, possède un très bon sens de l’équilibre et une grande patience, mais peut, en revanche, souffrir de troubles digestifs. Le type Tae-yang, avec un assez fort volume thoracique, induit au niveau corporel une faiblesse du dos et des jambes peu favorable à l’endurance lors d’une longue marche. Le type Tae-eum présente une constitution corpulente dont les rondeurs annoncent un caractère jovial et généreux. Les recherches en Corée font apparaître que la majeure partie des Français, des Japonais et des Italiens appartiendraient respectivement à la première, la deuxième et la quatrième de ces catégories.
Voilà une occasion unique, en découvrant cette classification, de tester la pertinence et les résultats de ce système médical traditionnel.

 

Pierre  Ricono         
                                                                              

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