Dents : qu'est-ce que la douleur ?



Chaque jour, le chirurgien–dentiste rencontre des patients dont la consultation est motivée par la douleur. Selon une enquête Sofres/ADF (Association Dentaire Française), 43 % des 35/44 ans, et 27 % des 65/74 ans ressentent la peur de la douleur. La peur est souvent le fruit d’une imagination trop fertile, alimentée par des idées fausses ou des pensées catastrophiques. De même, l’association d’un bruit caractéristique, d’odeurs propres aux soins dentaires peuvent provoquer une anxiété ou une phobie. C’est là tout notre conditionnement mental. Un maximum d’écoute, d’explications sur la nature et le déroulement des soins pourront désamorcer la peur.

La douleur est une nécessité biologique, une fonction d’alarme qui sert d’avertissement pour protéger l’organisme. Elle est définie par l’International Association for the Study of Pain (IASP) comme une expérience sensorielle et émotionnelle sagréable, associée à un dommage tissulaire réel ou potentiel. Au niveau du corps, l’information nerveuse est générée par un capteur sensoriel, puis propagée par deux catégories de fibres nerveuses : les fibres A et C. Celles-ci parcourent le corps et réagissent à des excitations qui déclenchent une douleur (par exemple le froid, la chaleur, la pression, une blessure...). Elles transmettent, sous forme d’influx nerveux, les messages douloureux vers la moelle épinière. L’information y subit une première intégration, avant d’être transférée vers le cerveau par un deuxième centre de relais d’information, le thalamus. De là, elle est projetée vers le cortex sensoriel spécifique. À ce niveau cérébral, les messages douloureux sont traités et transformés en perception de la douleur proprement dite.

Au niveau dentaire, la situation anatomique unique de la pulpe, enfermée dans des parois inextensibles (tissus minéralisés que sont l’émail, la dentine, et le cément), favorise l’augmentation de la pression interne de la dent. Cette pression, entraînée par les phénomènes inflammatoires (congestion de la circulation sanguine), est génératrice de douleurs précoces par compres- sion des fibres nerveuses.

Longtemps occultée, la douleur a désormais droit de cité. Le patient est son propre témoin, car c’est avant tout une expérience subjective. La douleur représente un stress qui diminue nos défenses naturelles et augmente le risque de complications. Elle est donc potentiellement nuisible, car elle a des effets nocifs sur la santé si elle se prolonge. Soigner la douleur d’une personne qui a mal n’est pas une marque de compassion, mais un acte médical inscrit dans l’engagement d’une meilleure qualité de soins pour protéger la santé de la personne qui souffre. L’expression de la douleur peut être majorée par des facteurs psychoaffectifs (stress, anxiété, dépression) et, selon la prédisposition individuelle de chacun, une même source de douleur peut entraîner une perception très différente.

Malgré leurs différences, la douleur physique et la douleur « morale » sont interdépendantes. Il est donc nécessaire pour un praticien de faire deux évaluations distinctes : celle de la douleur et celle de l’anxiété. La douleur n’est pas l’anxiété mais les deux sont rarement dissociables. Les praticiens doi- vent intercepter certaines situations avant qu’elles n’évoluent vers la chronicité avec les conséquences que cela implique pour l’individu. Autant la douleur « symptôme » constitue un signal d’alarme utile à la protection de l’organisme, autant la douleur chronique (par définition, présente depuis plus de six mois) est néfaste et entraîne des répercutions somatiques, psychologiques et sociales qui s’ajoutent aux troubles initiaux. Un traitement sans douleur est aujourd’hui ce que le dentiste peut s’enorgueillir d’offrir à un patient.

   Franck Amoyel   
                                                                              

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