Appréhender la douleur

Définir et délimiter le cadre de votre douleur ont un effet bénéfique permettant d’arrêter de ne penser qu’à elle, même lorsqu’elle vous laisse tranquille.

 

Tout n’est pas toujours positif mais on peut toujours trouver à positiver.

En médecine, le diagnostic a toujours logiquement précédé le traitement : les douleurs de tous les jours n’échappent pas à cette règle.

L’étude positive du phénomène douloureux, tant dans ses signes que dans ses causes, va avoir un double effet bénéfique :
• un effet thérapeutique direct, en faisant sauter un certain nombre de verrous psychologiques qui nous enferment dans notre douleur : anxiété concernant l’existence ou la gravité potentielle d’un signe inexpliqué, crainte concernant la nature même de la maladie, inquiétude ou déprime en rapport avec l’incertitude de son devenir ou son évolution...

• un effet indirect d’information, nous amenant à mieux comprendre et accepter tel ou tel aspect ou secteur de la prise en charge et donc à préciser le traitement le mieux adapté.

Ces deux effets vont vous amener à franchir une étape fondamentale de la guérison : détourner votre regard de la douleur pour le tourner vers le soulagement.

DE QUOI PARLONS-NOUS ?
Avant de développer un sujet, il est bon de le situer et d’en tracer les limites...

1. Comment circonscrire la douleur ?
Définir et délimiter le cadre de votre douleur ont un effet bénéfique permettant d’arrêter de ne penser qu’à elle, même lorsqu’elle vous laisse tranquille.
La considérer comme un objet d’étude vous permet aussi de prendre du recul.
Vous pourrez en outre cibler et orienter utilement votre traitement.

Définition de la douleur
Selon l’Association internationale pour l’étude de la douleur, cette dernière est définie comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel, ou décrite dans des termes évoquant une telle lésion ».

Dès cette définition, on voit bien apparaître le double aspect de la douleur : aspect de ressenti purement sensoriel et aspect en rapport avec l’affectif et le psychisme.

Les douleurs de la vie courante
La douleur dans toutes ses composantes est un vaste problème que cet ouvrage n’a pas pour vocation de développer.

Le « tout courant » n’est pas toujours facile à délimiter, néanmoins il est utile de le faire car il va cerner au plus près le type de douleurs auxquelles se consacre ce livre.
En effet, les circonstances dans lesquelles un individu, quel que soit son âge, peut être amené à ressentir une douleur sont multiples et les implications variables, tant sur le plan de ses causes et mécanismes que sur celui de sa prise en charge.

Il faut d’emblée préciser que les douleurs qui seront évoquées n’ont rien de commun avec celles qui concernent la médecine d’urgence, la chirurgie lourde ou les soins postopératoires et palliatifs.
Nous avons sélectionné parmi les douleurs de la vie courante les trente qui sont les sujets des plaintes les plus fréquentes tant en cabinet médical qu’en officine pharmaceutique, les « douleurs de tous les jours », en les calibrant suivant deux critères.

On sait, par élimination, qu’elles ne recouvrent d’aucune manière une maladie grave, sévère, voire potentiellement mortelle.

Elles ne nécessitent, du moins si besoin est, que le recours au simple conseil du professionnel de santé et/ou à un traitement banal, tout en laissant au préalable une marge d’autogestion raisonnable.

2. Quelle place tient-elle au niveau de l’individu ?
Se positionner par rapport à sa douleur et ne lui laisser que la place qu’elle mérite est important : cela permet de relativiser la situation et de ne plus avoir « la tête dans le sac ».
De surcroît, en modifiant la relation que l’on entretient avec elle, on peut être amené à découvrir d’autres possibilités de la juguler.

Les enseignements de la douleur
Au-delà même de la valeur de signal élémentaire qu’elle peut avoir en vous avertissant de telle ou telle situation anormale, la douleur peut aussi avoir une valeur informative et une signification contextuelle.

Elle peut en effet vous avertir que quelque chose ne va pas dans votre vie, que ce soit sur le plan psychologique, familial, professionnel ou autre, ou sur le plan physique, surmenage, mauvaise hygiène de vie, etc.
Elle vous amène ainsi à vous interroger d’un côté sur votre part de responsabilité dans sa survenue, de l’autre sur les mesures que vous avez à prendre pour la faire céder en même temps que résoudre le problème.

Ce point de vue est bien entendu tout aussi valable pour les âges extrêmes de la vie − l’enfance et le troisième âge −, le mode d’expression de la douleur ayant pour but d’attirer l’attention sur un plan physique et plus particulièrement sur un plan affectif.

C’est pourquoi il faut éviter les deux attitudes extrêmes suivantes : être esclave de sa douleur et se laisser envahir par elle ou la nier et ne pas tenir compte des enseignements qu’elle peut nous apporter.

À l’instar de beaucoup d’événements désagréables de l’existence, un échec par exemple, il faut savoir oublier sa douleur une fois qu’elle est passée, mais savoir également s’en souvenir pour profiter des enseigne- ments qu’elle nous a délivrés... et éviter qu’elle ne revienne.

Comment considérez-vous votre douleur ?
Nos douleurs font partie de nous. Si nous les considérons comme des ennemis à abattre à tout prix, nous n’avons qu’une solution : tirer dessus à coups de canon... Et ce faisant, tirer sur nous-mêmes ! Ceci est supportable s’il s’agit d’une douleur ponctuelle ; par contre, s’il s’agit d’une douleur durable, cette stratégie peut devenir destructrice.

Il vaut mieux apprendre à connaître et apprivoiser ses douleurs plutôt que de les considérer comme des ennemis.

3. Quelle place prend-elle au niveau de la société ?
Savoir que la douleur est un phénomène de tout temps et de tout lieu est une maigre consolation, mais cela vous permet de ne plus vous sentir seul à en souffrir, de pouvoir en parler et de l’extérioriser.

Au surplus, cela permet d’alléger d’autant le traitement car une douleur « partagée » est une douleur amoindrie.

Petite histoire de la douleur
Très longtemps la douleur n’a pas été considérée comme un phéno- mène à reconnaître et à prendre en charge « en tant que tel ».
Elle était annexée à un état maladif ou accidentel et donc naturelle, inévitable, parfois niée, voire même sublimée dans certains cas.
S’il est un exemple à donner comme raccourci représentatif à la fois de l’évolution des mentalités vis-à-vis de la douleur et des moyens techniques qui lui sont opposés, c’est bien celui de l’accouchement, événement qui pourtant n’a rien de maladif en soi.

L’Église commandant jusque-là d’accepter la douleur de l’accouche- ment comme un châtiment implicite, c’est seulement en 1846 qu’un gynécologue écossais, le docteur Simpson enfreint pour la première fois le principe biblique sacré : « Tu enfanteras dans la douleur. »

Ses confrères protestent, avancent que la douleur d’un enfantement est la garantie morale de l’amour maternel.

Le clergé s’insurge, refusant un temps de baptiser les enfants nés dans ces conditions.
En France, c’est seulement en 1952 que naîtra, si l’on peut dire, « l’accouchement sans douleur », sous l’impulsion du docteur Fernand Lamaze... on sait avec quelles difficultés !

L’anesthésie péridurale se développera, elle, plus tardivement, dans les années 1980.

La place allouée à la douleur dans notre société
Elle a grandement évolué au fil du temps, tant sur le plan de sa reconnaissance que sur celui de sa prise en charge.

Elle est à présent reconnue et acceptée comme un phénomène à part entière ; partant, elle donne lieu à une prise en charge spécifique et autonome comme en témoignent, entre autres, la multiplication des centres antidouleur et l’utilisation du sirop codéiné dans certaines douleurs de l’enfant.

L’information sur les mécanismes et les visages de la douleur est partie prenante dans cette « nouvelle donne ».

L’environnement socioculturel
Le ressenti et l’extériorisation de la douleur varient beaucoup suivant l’éducation familiale, l’ethnie, la religion, les acquis culturels.

Le niveau socioculturel a peu d’influence sur le seuil de la sensation proprement dit mais influe énormément sur le niveau où cette sensation est considérée comme douloureuse ou devient intolérable. Complémentairement si la famille apprend à un enfant « à ne pas s’écouter » et à ne pas faire attention aux petits bobos de tous les jours, il est fort à parier que le sujet adulte supportera mieux la douleur.

Sur le plan des ethnies :
• certaines ethnies extériorisent leurs sentiments et sont plutôt extraverties : la rétention émotionnelle n’existe pas ; plaintes et demandes de médicaments sont plus fréquentes ;
• d’autres au contraire encouragent le sujet à supporter des douleurs de plus en plus fortes lors de certains rites d’initiation ; la plainte est alors dévalorisante ;
• d’autres enfin préconisent l’indifférence devant la douleur, voire sa négation ou sa sublimation, comme une épreuve d’origine divine.

Les stades de la douleur
Douleur fonctionnelle : elle est due au simple dérèglement d’un organe, sans signe de lésion.
Douleur lésionnelle bénigne : il existe des lésions organiques, réver- sibles grâce au traitement.
Douleur lésionnelle sérieuse : il y a un risque potentiel de séquelles douloureuses définitives.

 

Dr Jean-Loup Dervaux 

                                                                              

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