Consommation excessive d'alcool : des effets mieux connus sur la sécurité publique


Les statistiques du ministère de l’intérieur montrent que l’abus d’alcool se traduit par des actes de violence, en particulier intrafamiliale, des incivilités et des actes criminels ou délictueux, tout en aggravant fortement l’insécurité routière.

Un bilan contrasté des données de sécurité publique
Si en matière de sécurité routière, les acteurs publics sont parvenus à constituer, à partir des données statistiques, un véritable outil au service de la lutte contre l’alcool au volant, ce n’est pas le cas pour les faits de délinquance et de violence dont l’alcool est souvent l’origine.

a) Des données précises en matière de sécurité routière
Les données de l’observatoire national interministériel de sécurité routière (ONISR) proviennent principalement de trois sources : le fichier des bulletins d’analyse des accidents corporels ; les études détaillées d’accidents réalisées par l’Institut français des sciences et des technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux et par le Centre européen d’études de sécurité et d’analyse des risques ; enfin, le registre du Rhône, qui met en application les principes de l’épidémiologie.

Outre le suivi des « Accidents, Tués, Blessés » communiqués par les forces de l’ordre à l’ONISR du département où s’est produit l’accident, des statistiques sur l’activité de contrôle de la sécurité routière sont établies selon un rythme hebdomadaire et mensuel. Les infractions liées à l’alcool, à la vitesse, à l’usage des stupéfiants sont recensées dans une autre application dénommée C.V.A. (Contrôle Vitesse Alcoolémie).

b) Une connaissance moindre de la délinquance liée à l’alcool
Les statistiques policières sur la mesure de la délinquance sont aujourd’hui principalement issues de l’état 4001, formulaire administratif qui recense certaines infractions constatées et élucidées par les services de police et de gendarmerie. Créé en 1972, cet état mensuel comporte 107 index, dont un seul (l’index 59) est relatif aux débits de boissons et infractions à la réglementation sur l’alcool et le tabac. Il n’intègre cependant aucun indicateur retraçant la délinquance propre à l’abus d’alcool, alors que celle-ci est très fréquemment relevée.

Conscients de ces limites, les pouvoirs publics ont adopté, en septembre 2012, une nouvelle présentation des infractions constatées sous la forme de 14 agrégats. Plusieurs d’entre eux sont nouveaux : l’un est propre aux violences intrafamiliales, notamment conjugales, un autre est consacré à la délinquance routière et un troisième dénommé « comportements portant atteinte à la tranquillité publique » recense les infractions ou incivilités qui, sans être forcément graves, nuisent au quotidien des habitants. Cependant, il manque toujours un instrument de mesure de l’impact de l’alcool sur les faits de violence.

Les conséquences de la conduite en état alcoolique
La loi du 1er octobre 1970 a rendu obligatoire le contrôle de l’alcoolémie après un accident ou la constatation d’une infraction. Le seuil était alors fixé à 0,8 g/l pour la contravention et à 1,2 g/l pour le délit. Il a été abaissé en 1995 à 0,5 g/l pour les contraventions. L’alcool est la deuxième cause d’accidents mortels après la vitesse: il est responsable de 25 à 30 % en moyenne des accidents mortels et de 50 % environ des délits routiers.

Comme le montre le graphique ci-dessus, trois périodes peuvent être distinguées. À partir des années 1960, le nombre de personnes tuées sur les routes augmente de manière continue pour culminer à plus de 18 000 décès en 1972. Il recule ensuite de manière continue à un taux supérieur à 2 % par an pour atteindre 4 275 en 2008. De 2008 à 2012 il se contracte moins vite pour se situer en 2010 sous le seuil des 4 000 morts. Cependant dans la période récente, la mortalité routière est repartie à la hausse (+ 3,5 % entre 2013 et 2014, soit 116 décès et 2 441 blessés de plus). En 2015, le nombre de tués pour cause d’alcoolémie a atteint 1 039. Le bilan est plus inquiétant encore dans les départements d’outre-mer avec 173 tués de plus en 2014 par rapport à 2013, soit une hausse de 9,5 %.

Par ailleurs, il a été constaté que des mesures telles que le retrait immédiat de permis en cas d’ivresse ou la mise en place de contrôle d’alcoolémie ont eu un effet positif sur la réduction de l’accidentalité. On note également que le déploiement des radars automatiques a été, de toutes les mesures destinées à lutter contre les excès de vitesse, la plus efficace, mais cette mesure n’est malheureusement guère transposable à la lutte contre l’alcoolémie au volant, sauf sous forme d’une multiplication des contrôles routiers.

Le lien entre alcool et violence
L’appréhension du rôle de l’alcool est plus diffuse dans les cas d’atteinte aux personnes. En effet, l’alcool n’est pas un élément constitutif de l'infraction mais une cause ou une circonstance de sa commission. En outre, dans nombre de cas, les causes peuvent s'avérer multiples (par exemple, poly-consommation d’alcool et de stupéfiants). En l'absence d'infraction, la consommation d’alcool en tant que telle ne peut être évaluée par les forces de l’ordre, hormis lors des opérations de sécurité routière. Pour autant, celles-ci indiquent de manière empirique que près de 70 % des violences et agressions seraient consécutives à un abus d'alcool. Une étude réalisée, en 2013, par les directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale, à partir d’un échantillon de 146 morts violentes au sein du couple, montre que la présence d’alcool dans le sang a été constatée dans plus de 30 % des affaires. Cette étude relève par ailleurs une alcoolisation des victimes à hauteur de 23,3 %, avec une proportion de 17,8 % des affaires pour lesquelles l’alcoolisation des deux membres du couple est avérée.

La corrélation entre alcool et actes de violence (violences intrafamiliales, délits sexuels, mauvais traitements à enfants, délinquance des mineurs) n’est pas précisément documentée, et les recherches cliniques et épidémiologiques sur ce thème sont rares.

Afin d’y remédier, la MILDECA a demandé à une équipe de recherche de l’université de Grenoble de réaliser une étude permettant d’éclairer les liens entre alcool, stupéfiants et violences dans les procédures judiciaires. Les résultats de cette étude sont attendus dans le courant de l’année 2016.
Les enquêtes « cadre de vie et sécurité » (CVS), réalisées conjointement par l’Insee et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), apportent aussi des éléments d’analyse probants sur le rôle de l’alcool et des drogues dans les violences. Celle portant sur la période 2010-2012 a ainsi établi que 19 % des personnes de14 ans et plus considèrent que les violences physiques qu’elles ont subies, au cours des deux années précédentes, sont le fait d’une personne sous l’emprise de l’alcool au moment des faits. Cette part est estimée à un peu plus de 11 % pour les insultes.

Extrait du rapport de la Cour des Comptes sur les bilans des politiques de lutte contre les consomations nocives d’alcool.

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