Bilan des politiques de lutte contre les consommattions nocives d’alcool

 

La consommation d’alcool est un sujet sensible en France, car l’alcool est associé aux évènements festifs, aux modes de vie et à la culture. Cet héritage social et culturel, renforcé par des enjeux économiques, induit une tolérance générale vis-à-vis de la consommation d’alcool qui explique, pour une large part, la difficulté à définir et à mettre en œuvre dans la durée une politique intégrée de santé et de sécurité.

 

La Cour des comptes a conduit une évaluation des politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool visant à analyser les évolutions de la consommation et l’état des connaissances scientifiques sur les comportements à risque, et à apprécier l’efficacité des principaux leviers d’action publique et les limites des politiques conduites.

 

La consommation d’alcool est un sujet sensible en France, car l’alcool est associé aux événements festifs, aux modes de vie, à la culture et à la gastronomie. Cet héritage social et culturel, renforcé par les enjeux économiques qui lui sont attachés, induit une tolérance générale vis-à-vis de la consommation d’alcool qui explique, pour une large part, la difficulté à définir et à mettre en œuvre dans la durée une politique intégrée de santé et de sécurité.

Sur les 8,8 millions de consommateurs réguliers d’alcool, l’observatoire français des drogues et des toxicomanies1 estime à 3,4 millions le nombre de consommateurs à risque, dont 10 % seulement seraient pris en charge. Selon la seule étude récente disponible en France, publiée en 20132, environ 49 000 décès étaient attribuables à l’alcool en 2009, ce qui en ferait la deuxième cause de mortalité évitable. Une étude publiée en 20153 notait que l’alcool était la première cause d’hospitalisation (580 000 patients pour un coût estimé à 2,6 Md€) et que la consommation excessive d’alcool était associée à une soixantaine de pathologies.

En partant de ce double constat, la Cour a décidé, en application de l’article L. 111-3-1 du code des juridictions financières, de procéder à une évaluation des politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool. Conduite avec les principales parties prenantes associées au sein d’un comité d’accompagnement, cette évaluation vise à apprécier l’impact de ces politiques sur la société, en présentant les facteurs positifs et négatifs à la lumière d’exemples étrangers pertinents et en tenant compte des points de vue de ces parties prenantes4. Elle débouche sur des recommandations qui sont formulées en fonction des marges de progrès identifiées.

La Cour n’a pas retenu l’expression « lutte contre l’alcoolisme » qui lui est apparue réductrice par rapport à l’état des connaissances et des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et lui a préféré celle de « consommations nocives d’alcool », même si le terme de « mésusage de l’alcool », utilisé en addictologie, serait scientifiquement plus pertinent.

Les catégories d’usage de l’alcool
D’après la Société française d’alcoologie, on distingue en France cinq catégories d’usage :
- le non-usage, c’est-à-dire l’absence de consommation (2,3 millions de personnes de 11 à 75 ans n’ayant jamais consommé en 2014 d’après l’Office français des drogues et toxicomanies (OFDT)5) ;
- l’usage social ou à faible risque, (c’est le cas des 8,8 millions de buveurs réguliers dont 4,8millions de buveurs quotidiens) où la consommation est inférieure aux seuils de 21 verres par semaine ou 3 verres par jour pour les hommes, de 14 verres par semaine ou 2 verres par jour pour les femmes, de moins de 4 verres en une seule occasion et une abstinence complète pour les femmes enceintes ;
- le « mésusage » qui se décompose en trois sous-populations de consommateurs réguliers :
1) l’usage à risque qui se définit par une consommation supérieure aux seuils susmentionnés et qui entraîne une augmentation des risques de développer un cancer, une maladie du foie (cirrhose), des problèmes cardiovasculaires et digestifs, ainsi que des troubles psychiques (dépression, anxiété): il caractérise les buveurs réguliers excessifs (BRE) estimés à 3,4 millions de personnes en 2014 ;
2) l’usage entraînant l’apparition effective de complications liées à la consommation d’alcool, qu’elles soient somatiques, psychologiques ou sociales, sans être associé à une dépendance ;
3) l’usage avec dépendance qui se caractérise par la perte de contrôle de la consommation et est associé à des complications diverses.

Parmi les consommations à risque, la consommation sous forme d’alcoolisation ponctuelle importante (API), plus connue dans son expression anglaise « binge drinking », est généralement définie par la consommation de cinq verres ou plus pour les hommes et de quatre verres ou plus pour les femmes, soit 50 ou 40 g d’alcool pur sur une durée brève (2 heures ou plus).

Un verre « standard » contient 10 g d’alcool pur, soit une unité d’alcool, ce qui correspond à 2,5 cl de spiritueux, 7 cl d’apéritif, 10 cl de vin ou à 25 cl de bière ou de cidre.

À défaut de pouvoir évaluer une politique mise en œuvre et pilotée par un chef de file clairement identifié, la Cour a analysé les actions menées par les différents acteurs en examinant leurs objectifs, les moyens qu’ils y consacrent, les résultats obtenus et leur impact global sur la société. À cette fin, elle s’est référée au cadre d’action défini au niveau international et mis en œuvre dans les pays les plus volontaristes en matière de politique de santé.

L’évaluation conduite par la Cour a consisté à examiner la disponibilité des données, à analyser les différents paramètres qui caractérisent les consommations nocives d’alcool au regard de l’état des connaissances cliniques et épidémiologiques, à passer en revue les principaux leviers d’action mis en œuvre par les différents acteurs concernés et relevant de la réglementation de la distribution du produit et des déterminants de son prix, de la santé publique, de la sécurité publique, à en documenter les résultats. Elle s’est attachée à ce que tous ses constats soient traçables et vérifiables.

Des effets multiples sur le système nerveux
Les travaux conduits sous l’égide de la société française d’alcoologie mettent fortement l’accent sur les effets multiples de la consommation d’alcool sur les neurones. En effet, contrairement aux autres drogues, l’éthanol n’a pas de récepteurs spécifiques dans le cerveau mais agit sur de nombreuses cibles dont il modifie l’activité. La transmission de plusieurs signaux nerveux excitateurs et inhibiteurs s’en trouve perturbée. L’alcool stimule notamment la libération de dopamine, neuromédiateur du plaisir, impliqué dans la dépendance.

À forte dose, l’alcool entraîne un remodelage des connections entre les neurones qui permet au cerveau de s’adapter à cette consommation, d’en amoindrir les effets et crée un appel à la consommation. Ce phénomène explique le danger que représente l’alcool au cours de l’adolescence. Jusqu’à l’âge de 20 ans, le cerveau continue de se développer. La consommation d’alcool au cours de cette période perturbe le développement normal du cerveau et augmente le risque de dépendance6.

Plus de 150 personnes ont été rencontrées en France et à l’étranger. Trois tables rondes régionales ont été organisées sous l’égide des préfets à Nîmes, Arras et Rennes et ont été précédées de rencontres avec les acteurs locaux. Un sondage a été réalisé par l’IFOP auprès de médecins généralistes sur le thème du « repérage précoce et intervention brève »7 (ou RPIB) et des enquêtes à fin de parangonnage international ont été conduites dans différents pays européens : Danemark, Norvège, Suède, Royaume-Uni (Angleterre et Écosse) et Italie, ainsi qu’auprès de la Commission européenne, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS Europe) et de l’OCDE.

Le comité d’accompagnement a permis des échanges méthodologiques et de fond très fructueux et une information réciproque aux différents stades de l’instruction, puis à l’issue de la contradiction sur le projet de rapport public avant son adoption définitive. La Cour remercie les membres du comité du temps qu’ils ont bien voulu consacrer à cette évaluation.

Le présent rapport présente d’abord la situation singulière de la consommation d’alcool en France, dont les conséquences ne font pas l’objet de consensus (chapitre I). Il évalue ensuite l’impact des différents leviers d’action sur les comportements : prévention, réglementation de l’accès au produit, de la publicité et du lobbying, action sur les prix et la fiscalité, modalités de prise en charge sanitaires (chapitre II). Il explique la faiblesse des résultats obtenus par une juxtaposition et un défaut de pilotage des politiques menées, qui sont à la fois peu fondées sur des données éprouvées et peu évaluées (chapitre III). Il propose enfin de faire de la lutte contre les consommations nocives d’alcool une priorité de l’action publique (chapitre IV) et formule à cette fin plusieurs recommandations.

Une tradition bien ancrée de production et de consommation
Un secteur économique important
Le poids économique du secteur des boissons alcoolisées en France explique l’extrême sensibilité des acteurs envers toute remise en cause, au nom de considérations de santé publique, de la place de l’alcool et du vin en particulier.

Selon les comptes de l’agriculture, le chiffre d’affaires hors taxes de la filière française de l’alcool représentait, en 2013, près de 22 Md€ se répartissant comme suit : 15 Md€ pour la vitiviniculture ; 4,4 Md€ pour les spiritueux (whisky, rhum, etc.) et les eaux de vie naturelles (cognac, armagnac, etc.) ; 2,5 Md€ pour le secteur de la bière.

La production des 68 500 exploitations spécialisées du secteur vitivinicole est valorisée par l’INSEE, en 2013, à 10,63 Md€, représentant le quart de la production végétale et 16 % de la production agricole française. La valeur des exportations atteignait cette même année près de 7,73 Md€, soit 26,6 % des exportations agro-alimentaires.

La filière représente, selon les syndicats professionnels et le ministère de l’agriculture, 250 000 emplois directs, dont 142 000 dans la viticulture et près de 70 000 dans la distribution et la vente du vin (coopératives viticoles, courtage et négoce, grande distribution et cavistes, etc.). Avec les emplois indirects évalués à 300 000 (tonnelage, chaudronnerie, verre, logistique, etc.), le total atteindrait 550 000 emplois. Ces chiffres ne sont cependant pas confirmés par le dernier recensement agricole effectué par le service de la statistique et de la prospective du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, selon lequel les emplois directs et indirects de la filière viticole sont estimés à 286 000.

La viticulture française bénéficie d’aides européennes à travers les crédits de l’organisation commune des marchés (OCM) qui sont affectés par FranceAgriMer, opérateur du ministère de l’agriculture chargé notamment de gérer les aides au soutien du marché des produits agricoles et de la pêche. Ces crédits ont représenté près de 1,2 Md€ au titre des campagnes 2008 à 2013, dont 111,4 M€ pour les aides à la promotion du vin, soit 9,5 % des actions menées en faveur du secteur vitivinicole.

Pour les seules dépenses de promotion et de communication en faveur des produits agricoles et de la pêche pour les exercices 2010 à 2014, le secteur du vin occupe une place prépondérante avec 58 % des crédits, alors que les vins ne représentent que 24 % de la valeur des exportations de produits alimentaires, selon les comptes de l’agriculture.

La France est le premier exportateur mondial de vin et, selon les années, le premier ou le deuxième producteur avec l’Italie.

Le secteur de la bière a un poids économique moindre. La France a produit, en 2013, 18,3 millions d’hectolitres de bière, soit 5,9 % de la production européenne. Elle est le cinquième producteur européen mais l’avant-dernier (avant l’Italie) en termes de consommation par habitant (30 litres / an). La consommation française en 2013 est de 19,4 millions d’hectolitres et la balance commerciale est déficitaire.
La production française de spiritueux est d’environ 6 millions d’hectolitres en 2012, soit 5 % de la production mondiale. La France est le troisième producteur européen et le neuvième producteur mondial.
Les exportations françaises de vins et de spiritueux représentent, en 2014, 11,22 Md€ dont 7,73 Md€ pour les vins et 3,49 Md€ pour les spiritueux. Les importations s’élèvent à 1,71 Md€, dont 1,09 Md€ de spiritueux et 620 M€ de vins. Le solde commercial est donc largement positif pour ces deux produits et représente en 2015 le deuxième poste excédentaire après l’aéronautique.

Un enjeu pour la culture et les modes de vie
En France, le vin et l’alcool en général font partie intégrante de la culture et de l’art de vivre. Leur consommation est associée aux grands événements de la vie, familiale ou professionnelle, comme aux manifestations festives et culturelles. Chacun a en tête cette élégie du vin écrite par Charles Baudelaire : « Quiconque a eu un remords à apaiser, un souvenir à évoquer, une douleur à noyer, un château en Espagne à bâtir, tous enfin vous ont invoqué, dieu mystérieux caché dans les fibres de la vigne »8.

La culture de la vigne contribue à l’image internationale de la France, comme en témoigne le récent classement par l’UNESCO des coteaux, maisons et caves de Champagne ou des « climats » de Bourgogne au patrimoine mondial dans la catégorie des «paysages culturels ».

Cette forte sensibilité culturelle du rapport à la consommation d’alcool chez une grande partie des Français, comme les enjeux économiques du secteur, rendent particulièrement délicate la mise en œuvre d’une politique de lutte contre les consommations nocives d’alcool et contribue à réduire fortement l’influence des mesures répressives ou préventives sur les comportements.

Une consommation qui baisse mais reste supérieure à celle des autres pays comparables
La France enregistre, depuis le début des années 1960, une baisse de sa consommation globale liée principalement à des changements d’habitudes, mais l’usage nocif de l’alcool y reste préoccupant pour la santé des publics les plus exposés, comme les jeunes et les femmes enceintes, ainsi que pour la sécurité publique et la vie sociale.

Une baisse régulière de la consommation moyenne
En France, la consommation moyenne d’alcool a beaucoup diminué depuis 50 ans, à un rythme régulier de 1,7 % par an depuis 1960. Cette diminution est essentiellement due à la baisse de la consommation de vin, et surtout du vin de table, le phénomène étant pour l’essentiel lié à l’évolution des modes de vie. La part des 15-75 ans consommant de l’alcool quotidiennement est ainsi passée de 24 % en 1992 à moins de 10 % en 2014.

En 2014, la consommation moyenne d’alcool pur par habitant, mesurée à partir des ventes (hors exportation), était stable en France par rapport à 2012 et estimée à 11,98 litres par habitant âgé de 15 ans et plus. Un peu plus de 58 % ont été consommés sous forme de vin, près de 18,8 % sous forme de bière et le solde, soit 23,2 %, en spiritueux. La tendance à la baisse de la consommation de vin est, en partie, compensée par l’augmentation de la consommation de bière9. Cette évolution est en soi un acquis de santé publique mais l’objet de l’évaluation de la Cour est d’objectiver les constats sur l’efficience et l’efficacité des politiques publiques sur les comportements.

Dans le même temps, on constate une augmentation préoccupante des alcoolisations ponctuelles importantes ou API (+ 2,3 points entre 2005 et 2010) et des ivresses répétées et régulières (+ 1,2 point). Ces tendances, particulièrement marquées chez les femmes, illustrent le rapprochement des comportements entre les sexes, également observé parmi les jeunes.

Une consommation supérieure à celle des autres pays
Les comparaisons internationales menées par l’OCDE font ressortir une homogénéisation progressive des niveaux et des modes de consommation au cours des deux dernières décennies, comme le montre le graphique suivant.
Graphique n° 3 : évolution des consommations d’alcool par habitant dans différents pays de 1960 à 2013
ource : OCDE

La France fait partie des pays qui ont enregistré une réduction régulière de la consommation. Elle est même, après l’Italie, le pays de l’OCDE dont la consommation a le plus baissé entre 1992 et 2013.

Cette évolution, jugée positive par les épidémiologistes, doit cependant être nuancée par le constat que la France occupe le troisième rang des pays membres de l’OCDE les plus consommateurs derrière la Lituanie et l’Estonie – elle occupait le premier rang mondial à la fin du XIXème siècle10 – et que sa consommation reste aujourd’hui nettement supérieure à la moyenne des pays européens membres de l’OCDE : de près de 30 % en 2012 (11,7 litres d’alcool par habitant en France, contre 9,1 litres en Europe), et de 25 % en 2013 (11,1 litres d’alcool par habitant en France, contre 8,9 litres en Europe)11. En outre, certaines pratiques, observées habituellement dans les pays anglo-saxons, se sont diffusées dans la population (épisodes de consommations importantes et acceptation sociale plus élevée de l’ivresse publique).

Les comparaisons internationales sont intéressantes pour apprécier la manière dont ont été conduites les politiques de santé publique face à des évolutions de consommation à la hausse ou à la baisse, mais aussi pour mesurer l’efficacité des actions engagées sur les comportements à risque.
L’Australie, dont la consommation a retrouvé en 2012 le niveau de consommation de 1992, soit 9,9 litres après une hausse qui atteint un pic de 10,8 litres en 2006, a été le premier pays membre de l’OCDE à expérimenter en 2011 le prix minimum, tout en réglementant strictement la publicité des
boissons alcoolisées.

La Belgique, dont la consommation a baissé sur la même période, passant de 11,7 litres à 9,8 litres, a adopté un plan alcool 2014-2018 qui se fixe pour objectif la diminution de l’usage nocif de l’alcool et qui prévoit l’évaluation de ses résultats en 2019.

La Cour a analysé plus particulièrement les politiques publiques conduites en Norvège, en Suède, en Angleterre et en Écosse qui ont dû faire face à une hausse du niveau moyen de consommation, et en Italie qui a enregistré une tendance inverse12.

La Norvège et la Suède affichent des niveaux de consommation d’alcool parmi les plus faibles de l’OCDE (respectivement de 6,2 litres d’alcool pur par an en Norvège en 2012, et de 7,4 litres d’alcool pur par an en Suède en 2013). Elles doivent ces résultats à une politique publique très construite qui va du contrôle de la vente, spécificité des pays nordiques, à un ensemble de mesures draconiennes en matière d’alcool (fermeture dès 20 heures le samedi, pas de ventes le matin pour les spiritueux, limite d’âge portée à 20 ans pour les boissons affichant une teneur en alcool supérieure à 22degrés, portiques de détection «alco-gates» à l’arrivée des ferries, peines lourdes automatiques pouvant aller jusqu’à la prison ferme pour les conducteurs contrôlés avec des taux supérieurs à 1,2 g/l) en passant par des outils de suivi épidémiologiques performants. Le cas de la Suède est particulièrement digne d’être étudié pour sa capacité d’anticipation. Ce pays a ainsi eu le souci de maîtriser les conséquences possibles de l’entrée dans l’Union européenne sur les achats d’alcool ou celles de l’arrivée de l’internet. Il a également recherché à l’égard des contrevenants des peines de substitution à la prison telles que l’obligation d’équiper son véhicule d’un éthylotest anti-démarrage.

Au Royaume-Uni où la consommation est passée de 11,7 litres en 2004 à 9,7 litres en 2012, le Premier ministre a fait adopter par le Gouvernement, en 2012, une stratégie de lutte contre les consommations « irresponsables » d’alcool. L’action publique a entendu s’inscrire dans une démarche fondée sur les preuves scientifiques. Les données épidémiologiques sont ainsi nombreuses au niveau national, avec un ciblage particulier sur les inégalités sociales en matière d’alcool (mesurées en fonction des taux de décès par catégorie socio-professionnelle). Les droits d’accises sont deux fois supérieurs à ceux observés en France (35,4 € contre 16,9 € par litre d’alcool pur en moyenne) et les recettes fiscales sur l’alcool rapportent 14,4 Md€ contre seulement 4 Md€ hors TVA pour la France. En Écosse, l’interdiction des rabais depuis 2010 a permis une réduction de la consommation de l’ordre de 2,6 %.

La comparaison entre la France et l’Italie est plus intéressante encore, compte tenu de leur culture latine commune et des enjeux économiques de production et d’exportation de vin. L’Italie, en effet, a connu dans la population générale la plus forte baisse structurelle de consommation d’alcool depuis 40 ans, consommation qui a été ramenée autour de 6 litres d’alcool pur par an et par habitant.

Diverses raisons peuvent être invoquées à l’appui de cette performance remarquable du point de vue épidémiologique qui se mesure par le creusement des écarts de consommation moyenne avec la France (0,5 litre en 1975, 3 litres en 2000, 5,8 litres en 2014). La principale tient à la modification des comportements sociaux (urbanisation et entrée massive des femmes dans le monde du travail, plus tardives qu’en France) qui a entraîné mécaniquement une baisse de la consommation de vin de table. On note cependant une politique très déterminée qui a notamment consisté à fixer dans une loi-cadre de 2001 des objectifs forts de réduction de la consommation (de - 20 % de la prévalence des buveurs réguliers et de - 30 % des buveurs entre les repas). De même, la loi a interdit la consommation de tous types d’alcool sur le lieu de travail et a mis en place des outils de suivi annuels dont les résultats sont transmis au Parlement. Les travaux d’une conférence de consensus d’experts ont débouché sur une baisse des repères de consommation à deux unités d’alcool pour les hommes et à une unité pour les femmes. En revanche, l’Italie ne cherche pas à renchérir le prix pour réduire la consommation d’alcool, le vin bénéficiant d’accises à taux zéro.
Extrait du rapport de la Cour des Comptes sur les bilans des politiques de lutte contre les consommattions nocives d’alcool.

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