Cancer du col de l’utérus : un nouveau diagnostic conçu par une équipe de l’Institut de Cancérologie de Lorraine

Cancer du col de l’utérus : un nouveau diagnostic conçu par une équipe de l’Institut de Cancérologie de Lorraine


L’Institut de Cancérologie de Lorraine met en place nouveau test de diagnostic des cancers du col de l’utérus à partir d’une simple prise de sang. Ce test biologique devrait permettre de diagnostiquer non seulement les cancers du col de l’utérus à un stade encore peu avancé, mais aussi les récidives débutantes de ces cancers, ce qui devrait favoriser leur traitement. Une étude clinique va être ouverte à l’Institut de Cancérologie de Lorraine pour évaluer précisément la sensibilité de ce test très innovant.

Plus de 3 000 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus sont diagnostiqués chaque année en France. Ce cancer est généralement provoqué certaines variétés de papillomavirus humains (HPV), virus transmis le plus souvent par voie sexuelle. Le dépistage des lésions précancéreuses par la réalisation régulière d’un frottis cervico-utérin et la prévention par vaccination des jeunes filles contre les principaux types d’HPV permettent de diminuer la fréquence de ce cancer qui reste toutefois grave, en particulier dans les formes évoluées. Les HPV sont aussi responsables de certains cancers de la gorge, de l’anus et des organes génitaux.

Le Dr Xavier Sastre-Garau, anatomopathologiste à l’ICL, travaille depuis plus de 30 ans sur les cancers associés aux HPV et a publié de nombreux travaux sur le rôle de ces virus dans le processus tumoral. Plus récemment, il a montré que des quantités très faibles d’ADN viral étaient détectables dans le sang des patients atteints de cancer associé à un HPV, non seulement les cancers du col de l’utérus, mais également les cancers de l’anus et certaines tumeurs de la sphère ORL. Parallèlement, en partenariat avec le Centre de Recherche de l’Institut Curie, un seuil technologique a été franchi grâce à l’introduction des technologies basées sur le séquençage à haut débit. Ces approches innovantes permettent une caractérisation complète des séquences virales, présentes dans la tumeur ou dans le sang, sans en connaître a priori la nature. Ces deux résultats lèvent un verrou technologique et ouvrent la porte à la conception d’un test sanguin de diagnostic des cancers associés aux HPV, quel que soit le type de virus en cause ou la localisation de la maladie. Les cliniciens et les biologistes de l’ICL ont immédiatement perçu le potentiel de cette approche nouvelle en oncologie clinique et ont su se mobiliser pour mettre en place, très rapidement, un protocole d’étude prospective. Cette étude, qui débutera dans les prochaines semaines, vise à valider cliniquement les résultats obtenus dans deux études rétrospectives.

Le protocole d’étude, dont l’ICL est promoteur en France, a ainsi été mis au point à sous l’impulsion du Dr Sastre-Garau, en partenariat avec le Laboratoire CERBA et le Centre de Recherche de l’Institut Curie. S’appuyant sur de nombreuses équipes de l’ICL, radiothérapeutes, chirurgiens, méthodologistes, biologistes, cette étude, dont les résultats sont attendus pour avril 2017, permettra de valider la sensibilité de ce test innovant pour porter avec certitude le diagnostic de ces cancers à partir d’une simple prise de sang. « Ce test ne remplacera pas les mesures habituelles, vaccinations des adolescentes et dépistage par frottis de col tous les trois ans, mais pourra permettre de diagnostiquer des cancers à un stade précoce et d’anticiper la prise en charge des patientes à risque de rechute. Il représente aussi un espoir dans les pays où le dépistage des pré-cancers par frottis n’est pas généralisé et où le diagnostic est généralement porté à un stade tardif. Ce test représente une véritable révolution dans le monde de la cancérologie et atteste du dynamisme des équipes de l’ICL vis-à-vis de l’innovation» explique le Pr Thierry Conroy, directeur général de l’ICL.

L’Institut de Cancérologie de Lorraine mène actuellement plusieurs projets de recherche et essais cliniques basés sur la recherche d’ADN dans le sang grâce aux dons et legs reçus. Une campagne d’appels à dons est en cours pour soutenir ce projet.


1 L’Institut de Cancérologie de Lorraine

L’Institut de Cancérologie de Lorraine (ICL) est un établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC) qui prend en charge tout patient présentant une suspicion ou une certitude de cancer. Il ne pratique ni secteur privé, ni dépassement d’honoraires.

Membre d’UNICANCER et fondateur en Lorraine du Pôle Régional de Cancérologie, l’ICL assure des missions de soins standards et hautement spécifiques pour les patients atteints de cancers gynécologiques, mammaires, bronchiques, ORL, digestifs, prostatiques, urologiques, de sarcomes, de mélanomes, des tumeurs du système nerveux ou de certains cancers de l’enfant.

Acteur majeur de la lutte contre le cancer dans le Grand Est, l’ICL dispose d’un plateau technique de radiothérapie classé parmi les plus complets et les plus innovants de France.
L’ICL est le seul établissement hospitalier de Lorraine qui consacre la totalité de son activité au diagnostic et au traitement des cancers. Avec le CHRU de Nancy et l’Université de Lorraine, il constitue le Centre Hospitalier et Universitaire de Lorraine. A ce titre, il développe des partenariats, parcours de soins et projets de recherche au profit des patients de la grande région.

Labellisé Centre de Recherche Clinique, l’institut est également très présent dans le domaine de la recherche, en participant à de nombreux projets nationaux et internationaux.
L’institut est très impliqué dans l’enseignement en cancérologie en Lorraine avec plus de 5 800 heures d’enseignements par an et de nombreux étudiants formés.

Reconnu d’utilité publique, l’institut collecte des dons et legs pour financer ses projets de recherche, d’innovation ou d’aide aux patients ...

Chiffres 2015
119 lits d’hospitalisation
33 places d’hospitalisation de jour
7 places de chirurgie ambulatoire
29 281 journées d’hospitalisation classique 10 340 journées d’hospitalisation de jour
1 513 journées de chirurgie ambulatoire 37 227 consultations
13 339 patients pris en charge
4 262 nouveaux patients


2 La recherche à l’ICL

Afin de permettre la mise à disposition rapide des dernière avancées de la recherche et de l’innovation pour le patient, l’ICL a renforcé en 2015 sa politique de partenariats et l’intégration des praticiens dans des équipes contractuelles dont certaines rattachées aux établissements Publics de Recherche et d’Enseignement supérieur.

Ainsi les activités de recherche fondamentale et de transfert sont menées en 2015 au sein de 4 unités/équipes dans lesquelles les personnels hospitalo-universitaires et les praticiens de l’ICL sont intégrés :
L’Unité Mixte de Recherche (UMR 7039) CNRS Centre de Recherche en Automatique de Nancy qui développe des activités transverses dans le domaine du cancer par une approche interdisciplinaire, L’équipe d’accueil EA 4360 APEMAC Maladies chroniques, santé perçue et processus d’adaptation. Approches épidémiologiques et psychologiques. L’équipe participe à la plateforme Nationale Qualité de Vie et Cancer.

L’Unité Mixte Recherche (UMR 7365) CNRS Ingénierie moléculaire et physiopathologie articulaire dans laquelle sont menées de nouvelles recherches dans le domaine de la radiobiologie, avec en particulier l’identification de nouveaux biomarqueurs prédictifs de la radiosensibilité.
L’Unité de Recherche Imagerie Adaptative Diagnostique et interventionnelle (INSERM U947) pour le développement de nouveaux concepts et matériels destinés à améliorer les IRM mammaires dans le cadre du dépistage du cancer du sein des femmes à risque.

De nouveaux partenariats sont en cours de construction avec notamment l’équipe INSERM UMR866 Lipides, Nutrition, Cancer et l’équipe INSERM et l’UMR INSERM 1052 de Lyon groupe de radiobiologie.

Chiffres 2015
3 thèses d’université soutenues à l’ICL
125 essais cliniquesouverts aux inclusions
540 patients inclus dans les protocoles de recherche clinique
88 publications scientifiques internationales
4 projets financés aux appels à projets ou avec un soutien industriel 2 776 814 euros investis sur les projets de recherche



3 Le diagnostic de cancer du col de l’utérus

3.1 Présentation de l’étude clinique

Le présent projet repose sur l’hypothèse qu’il est possible de porter le diagnostic de carcinomes infiltrant HPV+ à partir d’un test sanguin, quel que soit le stade de la maladie, y compris les tumeurs de petite taille encore accessibles à un traitement chirurgical curatif. L’objectif principal du projet est de valider cliniquement, par une étude prospective, la valeur diagnostique de ce nouveau test et d’en préciser la sensibilité et la spécificité.

Le projet repose sur un partenariat associant l’Institut de Cancérologie de Lorraine et le CERBA, laboratoire de Biologie Médicale de niveau international. Ce partenariat est particulièrement pertinent dans le cadre de ce projet. L’ICL dispose d’un recrutement clinique important en tumeurs gynécologiques et de la sphère ORL, et d’une expertise reconnue dans le domaine de l’analyse de génétique somatique des tumeurs. Le CERBA est un laboratoire disposant d’une expertise forte dans le domaine des biomarqueurs circulants. Le projet implique un transfert de technologie depuis le Centre de Recherche de l’Institut Curie vers ces deux partenaires, du Secteur Public et du Secteur Libéral.

On peut raisonnablement penser, en fonction des données préliminaires déjà acquises, que l’approche méthodologique nouvelle permettra d’assurer un diagnostic de cancer HPV+ à partir d’un prélèvement de sang, quelque soit le stade clinique. L’étude permettra d’évaluer le niveau de sensibilité et de spécificité de ce nouveau test biologique. Si ce résultat est validé, ce test facilitera grandement le diagnostic de cancer à partir d’un simple prélèvement sanguin pouvant être répété facilement. Les cancers diagnostiqués au stade de début peuvent être traités par chirurgie d’exérèse curative dans une large proportion de cas. Le bénéfice collectif peut être important dans une population où l’incidence du cancer du col utérin est élevée puisque ce cancer est associé au HPV dans plus de 90% des cas (4). Au plan économique, le coût du test devrait être compatible avec une prise en charge clinique car il est techniquement possible de grouper les analyses de plusieurs patients dans la même expérience. A plus long terme, cette approche innovante devrait servir de modèle clinique (intérêt de l’ADN tumoral circulant) et biologique (aspects méthodologiques) pour toute pathologie tumorale présentant un motif moléculaire caractéristique.

3.2 Biomarqueurs en oncologie

Le contexte des biomarqueurs émergents en cancérologie est en profonde évolution. Des développements biotechnologiques majeurs permettent d’obtenir une profondeur d’analyse inégalée à ce jour, dans un délai compatible avec une prise en charge médicale. Ces développement sont pour la plupart basés sur les technologies de séquençage à haut débit (NGS), techniques constamment évolutives mais ayant aujourd’hui atteint un niveau opérationnel. La conséquence directe est la possibilité de réaliser au cas par cas, en pratique courante, une caractérisation

moléculaire optimale des proliférations tumorales à l’aide de ces nouvelles approches, a visée diagnostique, thérapeutique ou de suivi biologique.

Parmi les paramètres de suivi biologique, l’ADN tumoral circulant (ctDNA), par sa sensibilité et sa spécificité, s’impose comme marqueur de référence, notamment pour préciser les indications thérapeutiques des maladies minimes telles que maladie résiduelle ou rechute infra-clinique. Dans la plupart des cas, l’analyse de la tumeur initiale est nécessaire pour définir les motifs moléculaires caractéristiques, plus ou moins complexes selon le modèle concerné.

Le présent projet a pour objectif le développement de nouveaux marqueurs biologiques utilisables en oncologie courante pour le diagnostic et le suivi des cancers associés aux papillomavirus humains (HPV).

3.3 Les cancers associés aux papillomavirus humains

Il existe de nombreux génotypes d’HPV, la plupart étant associés à des lésions bénignes de la peau (verrues) ou des épithéliums (papillomes). Toutefois des génotypes spécifiques, en particulier les types HPV16 et HPV18, ont la propriété d’infecter la muqueuse du tractus anogénital(1, 2) ou de la région oro-pharyngée (3), et d’y induire des lésions tumorales. La prévalence de l’association virale est différente selon le type de cancer. Cette prévalence est élevée pour les carcinomes du col utérin (96%) (4) et du canal anal (88%) (2). Elle est moindre, de l’ordre de 40%, pour les cancers de l’oropharynx (5) et de la vulve (6)

Les études sur l’histoire naturelle des cancers liés au HPV ont montré que le stade de cancer infiltrant est souvent précédé d’un stade de pré-cancer, généralement de durée prolongée, pendant laquelle les lésions néoplasiques restent localisées à l’épithélium de surface sans infiltrer le chorion sous-jacent. Elles ne présentent donc pas de risque d’extension à distance, dans d’autres organes. Ces lésions, bien étudiées au niveau du col utérin, sont désignées sous le terme de dysplasie cervicale ou de néoplasies intra-épithéliales cervicales (CIN pour Cervical Intraepithelial Neoplasia) (7). Généralement dépistées par frottis cervico-vaginal, elles sont diagnostiquées par analyse histologique d’un fragment biopsique. Les néoplasies intra-épithéliales de haut grade (CIN2/3) justifient d’un traitement d’exérèse, le plus souvent par conisation, L’analyse de la pièce opératoire permet de faire la part des lésions strictement intra-épithéliale et des lésions plus évoluées, ayant déjà infiltré le chorion, de façon minime (carcinome micro-infiltrant) ou plus étendue (carcinomes infiltrant).

Il est important de souligner que l’état physique des génomes viraux, présents dans le noyau des cellules infectées, est différent selon la nature des lésions. Dans les tumeurs bénignes ou les lésions intra-épithéliales, les génomes viraux se multiplient sous le forme de copies libres alors que dans les cancers infiltrant, une partie du génome viral est intégrée au génome cellulaire (8). Cette mutation par insertion, clonale et stable au cours du temps, constitue un marqueur moléculaire très spécifique. L’intégration virale est souvent associée à des modifications structurales

du génome de la cellule hôte au site d’insertion, notamment à une amplification des séquences virales et des séquences cellulaires de voisinage (9, 10). Les cellules tumorales peuvent également contenir des génomes viraux entiers, libres, en nombre très variable, de quelques copies à plusieurs centaines, répartis de manière hétérogène dans la population cellulaire.

L’ensemble de ces caractères explique pourquoi les cancers HPV-associés constituent un modèle privilégié pour l’étude de l’ADN tumoral circulant: (I) Le motif moléculaire cible est large (génome viral de 8 Kb) et souvent abondant en raison de l’amplification au site d’insertion et/ou de la présence de copies libres qui peuvent être nombreuses; (II) Malgré la grande variété des génotypes d’HPV, il est possible de concevoir une procédure d’isolement et de caractérisation de toutes les séquences d’HPV, quel qu’en soit le type, ce qui implique, que, dans ce modèle, la caractérisation du type viral associé à la tumeur primaire n’est pas un pré-requis indispensable pour la mise en évidence de ctDNA; enfin, (III) il existe une large population de tumeurs susceptibles de bénéficier de cette approche nouvelle : la plupart des cancers du col utérin et du canal anal, et environ 30% des cancers vulvaires et de la sphère ORL.

3.4 Données de la littérature et expérience pilote.

Données de la littérature : En dépit d’un contexte favorable, les travaux visant à mettre en évidence des séquences d’ADN d’HPV circulant (c-HPV DNA), n’ont pas permis la diffusion de l’approche en pratique courante, très vraisemblablement en raison d’une sensibilité insuffisante des techniques de PCR utilisées. La majorité des études ont porté sur les cancers du col utérin, Dans cette localisation, le taux de positivité rapporté dans les différentes séries varie de 6.9% to 50% (11- 17), correspondant à un taux global de 25.4% (141/556), un niveau insuffisant pour le développement d’applications cliniques.

Expérience pilote : Pour tenter de pallier ce manque de sensibilité des approches classiques, nous avons cherché à déterminer si la mutation insertionnelle pouvait constituer un marqueur plus sensible et plus spécifique que l’ADN viral seul pour la détection du ctDNA. Dans une étude pilote (18), nous avons analysé rétrospectivement le sérum de patientes présentant un cancer du col utérin de différents stades, à l’aide de deux types de sondes : des sondes spécifiques de la jonction génome viral-génome cellulaire, d’une part, et des sondes spécifiques de HPV16 ou HPV18, d’autre part. Nous avons pu démontrer que, dans la majorité des cas, le marqueur tumoral hautement spécifique que représente la mutation insertionnelle pouvait être détecté dans le sang circulant. Toutefois, comme les séquences virales, ce marqueur restait indétectable dans le sérum des patientes présentant une tumeur de taille inférieure à 20 mm. Malgré sa très grande spécificité, ce marqueur restait donc d’intérêt pratique limité pour le diagnostic ou le suivi clinico-biologique des patientes visant à détecter la maladie résiduelle ou les récidives infra-cliniques. Un travail récent concernant les cancers oropharyngé a rapporté un taux de positivité globale au diagnostic de 56%, la plupart des cas correspondant à des tumeurs cliniquement avancées de stade IV (19)


Au total, l’ensemble des données de la littérature et notre expérience propre ont permis de montrer la validité du concept. Mais elles ont aussi montré les limites de l’approche classique, en soulignant la nécessité de surmonter plusieurs difficultés pour permettre le développement des applications cliniques.

D’une part, la mise en évidence de motifs moléculaires spécifiques de chaque tumeur implique une analyse exhaustive des séquences virales et de leur interaction avec le génome cellulaire. Or, par approches classiques, une telle caractérisation est complexe : la grande diversité des génotypes viraux ainsi que la présence de fréquents réarrangements, -mutations ou délétion- du génome viral peuvent conduire à un résultat incomplet ou faussement négatif. Par ailleurs, les sites d’intégration, toujours différents au niveau moléculaire d’une tumeur à l’autre, sont parfois multiples et souvent difficiles à caractériser d’une manière complète par les approches traditionnelles. La nécessité d’une approche globale, générique, applicable à toutes les situations s’avère indispensable au développement des applications cliniques. D’autre part, une amélioration de la sensibilité de la technique de détection du ctDNA est nécessaire pour assurer un suivi biologique par des analyses répétées afin de détecter de manière fiable la maladie résiduelle, la maladie métastatique minime ou une récidive infra-clinique. Enfin, une fois ces avancées méthodologiques acquises, il est indispensable d’assurer une validation clinique de ces approches nouvelles par des études prospectives et de simplifier les procédures pour les rendre acceptables au plan médico- économique.

3.5 Résultats récents (2013-2015)

En 2012, en réponse à l’appel d’offre Programme d’Action Intégrées de Recherche (PAIR) en gynécologie, un financement a été obtenu pour un projet intitulé « Innovation pour l’identification standardisée des mutations insertionnelles d’HPV et des gènes cibles thérapeutiques dans les cancers du col utérin : vers le développement de biomarqueurs en oncologie clinique ». Ce programme de recherche comportait plusieurs objectifs: (a) élaborer et valider une procédure de caractérisation directe et exhaustive des séquences d’HPV associées aux cancers du col utérin, (b) diminuer le seuil de détection de l’ADN viral circulant et (c) identifier d’éventuelles cibles thérapeutiques grâce à l’analyse systématique d’une large série de gènes cellulaires impliqués dans le processus tumoral.

a) CAPT/HPV : Une approche diagnostique innovante.

La technique CAPT/HPV, mise au point à l’Institut Curie dans le cadre de ce programme de recherche, permet, en une seule expérience, d’assurer une caractérisation moléculaire complète des séquences d’HPV extraites d’un échantillon biologique, sans en connaître a priori la nature. Cette méthode comporte une première étape de filtrage et de rétention (« capture ») de toute séquence d’ADN d’HPV présente dans un échantillon. Cette capture est assurée grâce à l’utilisation d’un ensemble de 22.000 sondes nucléotidiques marquées par la biotine, couvrant l’intégralité du

génome de tous les génotypes d’HPV identifiés à ce jour. Dans un second temps, les molécules d’ADN viral retenues ayant été isolées grâce à un système avidine/biotine, leur séquence nucléotidique est déterminée par séquençage à haut débit (NGS). Le traitement bioinformatique des données permet ensuite d’obtenir une caractérisation génotypique complète des génomes viraux (génotypage), de définir leur statut –libre et/ou intégrés au génome cellulaire-, et de préciser leur profil d’intégration ainsi que la localisation moléculaire exacte des séquences virales intégrés. Ces données constituent autant de marqueurs biologiques très spécifiques pour chaque tumeur.

Cette approche méthodologique innovante vient d’être validée par l’analyse rétrospective d’une série de 70 prélèvements tissulaires cryopréservés provenant de cancers du col utérin de différents stades cliniques. La technique a donné un résultat significatif dans tous les cas, faisant preuve de sa robustesse. Par ailleurs, l’analyse détaillée des sites d’insertion a mis en évidence 5 types de signatures moléculaires, faisant référence à différents mécanismes d’insertion des séquences virales et correspondant à des données cliniques et virologiques distinctes.

Fait important, pour cinq patientes, un fragment de tumeur et un échantillon de sérum, prélevé au moment de la biopsie diagnostique, ont pu être analysés conjointement. Un résultat identique a été obtenu sur les deux types d’échantillons, démontrant la faisabilité de la détection et de la caractérisation des séquences d’HPV circulantes à partir d’un prélèvement sanguin, sans connaître a priori le génotype des séquences virales présentes dans cet échantillon. Ceci ouvre la possibilité d’un diagnostic de cancer HPV-associé à partir d’un prélèvement sanguin. Ces résultats sont en instance de publication (Holmes et al.,Mechanistic Signatures of HPV Insertions in Cervical Carcinomas, Nature GenomicMedicine, in press).

b) La PCR digitale: une technique sensible et spécifique pour la détection de l’ADN viral circulant.

Notre étude pilote ayant montré une sensibilité insuffisante de la PCR classique pour la mise en évidence de l’ADN viral circulant, nous avons cherché une méthodologie alternative susceptible d’accroitre la sensibilité du test. La technique de PCR digitale en goutte (ddPCR) a montré son haut niveau de sensibilité et de spécificité pour la détection de la charge virale chez les patients porteurs du VIH (20). Ceci nous a incités à comparer l’intérêt de la ddPCR par rapport à la PCR classique dans notre modèle. Une étude rétrospective a été menée sur une série de 70 sérums cryopréservés, prélevés au diagnostic chez des personnes présentant un cancer du col utérin, du canal anal ou de la sphère ORL, associé à HPV16 ou à HPV18. Cette étude a montré que, par technique de ddPCR, de l’ADN viral circulant était détectable dans 87% des cas, quelle que soit la localisation tumorale, alors que la PCR classique ne donnait un résultat positif que dans 68% des cas. Fait important, cette étude comportait deux cas de carcinomes micro-infiltrant du col utérin, avec une masse tumorale infra-millimétrique. Ces deux cas ont donné un résultat positif par ddPCR et négatif par PCR classique. La conclusion principale de cette étude rétrospective est que de l’ADN viral circulant est présent à un taux détectable dans des maladies infra-clinique, avec masse

tumorale faible. Ces résultats sont soumis pour publication (E. Jeannot et al. Circulating HPV DNA Detected in the Serum of Patients Diagnosed with HPV-associated Early Stage Carcinomas using ddPCR). Il est également important de souligner que lésions dysplasiques sont souvent liées à des HPV à pouvoir oncogène fort, en particulier à HPV16. Toutefois, comme ces lésions restent localisées à l’épithélium de la muqueuse, elles ne sont pas en contact avec le réseau circulatoire sanguin ou lymphatique et ne constituent donc pas des sources d’ADN tumoral circulant. A titre d’exemple, dans notre étude pilote, 18 cas de CIN2/3 associés à HPV16 ont été analysés à la recherche d’ADN viral circulant et aucun n’a été trouvé positif. Il est d’ailleurs à mentionner que les lésions cutanées HPV associées, telles que le verrues cutanées communes, sont fréquentes dans la population générale et ne diffusent pas d’ADN viral circulant. Ainsi le test sérique ne devrait pas donner de positivité chez les personnes présentant une lésion cutanée ou muqueuse HPV-associée qui n’est pas un carcinome infiltrant.

c) Dans le cadre du même projet de recherche, un groupe de chercheurs du Centre François Baclesse de Caen s’est intéressé à l’aspect de génétique somatique des cancers du col utérin. Utilisant un Oncopanel spécifique de 226 gènes, ce groupe a mis en évidence, dans les cancers du col utérin, des mutations délétères de gènes pouvant être ciblés par des molécules thérapeutiques agréées par la FDA. Dans la série analysée, 59% des tumeurs répondaient aux critères qui auraient permis d’ inclure les patientes dans des protocoles thérapeutiques innovants. Ce travail récemment publié (21) indique clairement que le cancer du col utérin, comme d’autres types de cancers, est susceptible de bénéficier de thérapeutiques ciblées.

En résumé, nos données récentes nous ont permis d’obtenir plusieurs résultats critiques: (1) CAPTHPV est une méthode innovante sensible et fiable permettant, en une seule étape, de caractériser, de manière exhaustive toutes séquences d’ADN d’HPV présentes dans un échantillon biologique, sans connaître a priori la nature de ces séquences. (2) Dans cinq cas non sélectionnés, cette approche innovante a été utilisée avec succès en utilisant l’ADN extrait rétrospectivement d’échantillons de sérums cryopréservés, prélevés au moment du diagnostic chez des patientes présentant un cancer du col utérin. Ceci implique que, dans notre modèle, l’analyse d’un fragment de tissu tumoral n’est pas une étape préalable indispensable pour la détection des marqueurs tumoraux au niveau sanguin; (3) de l’ADN viral est présent dans le sang des patientes présentant une masse tumorale très faible, ce qui rend opérationnelle une stratégie d’analyses itératives longitudinales au cours du suivi des patientes ; Enfin, (4) il existe fréquemment des possibilités de traitements ciblés des cancer du col utérin, ce qui justifie un suivi sérologique régulier des patientes traitées, pour assurer le diagnostic des récidives au stade précoce et proposer un traitement spécifique susceptible d’améliorer le pronostic des cancers du col en rechute qui est le plus souvent sévère.


3.6 Objectifsde la recherche

Montrer que le test CaptHPV, appliqué à un échantillon sanguin, fournit un marqueur sérique diagnostique des carcinomes infiltrant HPV+.
Le test de référence sera le test CaptHPV sur la tumeur. Les cas positifs correspondent aux patients porteurs d’un carcinome infiltrant chez qui le test CaptHPV sur la tumeur sera positif. Les cas négatifs correspondent aux patients avec un carcinome infiltrant chez qui le test CaptHPV sur la tumeur sera négatif et aux patients porteurs d’une lésion HPV-associée qui n’est pas un carcinome infiltrant.

Montrer que CaptHPV appliqué à un échantillon sanguin fournit un marqueur sérique diagnostique des carcinomes infiltrant HPV pour chaque stade clinique : la comparaison avec les données cliniques sera importante, notamment avec la taille tumorale et le stade clinique. L’intérêt majeur du test sera sa capacité à détecter les tumeurs de petite taille et peu évoluées. Une analyse du résultat du test par stade sera ainsi réalisée afin de déterminer la sensibilité du test en fonction du stade clinique.

Montrer que CaptHPV appliqué à un échantillon sanguin fournit un marqueur sérique diagnostique des carcinomes infiltrant HPV associé pour les cas de diagnostic de rechute chez des personnes antérieurement traitées pour un tel type de cancer.

Analyser les discordances entre les données de virologie obtenues par l’analyse du prélèvement sanguin et celle obtenues par l’analyse du prélèvement tumoral chez un même patient (particulièrement informative pour évaluer la valeur du test).
Comparer dans la tumeur et dans le sang circulant les caractéristiques moléculaires liées à l’intégration virale.

3.7 Patients sélectionnés pour l’étude

Patients pris en charge pour une néoplasiedu col utérin, de la vulve, du canal anal ou de l’oropharynx.

    >  Patient adulte de plus de 18 ans

    >  Patient présentant une néoplasie du col utérin, de la vulve, du canal anal ou de l’oropharynx

    >  Patient naïf de tout traitement pour cette pathologie

    >  Patient capable et acceptant de suivre toutes les procédures de l’étude en accord avec le protocole.

    >  Patient ayant compris, signé et daté le formulaire de consentement communiqué le jour de l’inclusion.

    >  Patient affilié au régime de la sécurité sociale


3.8 Déroulement de la recherche

L’étude sera proposée au patient lors d’une consultation habituelle de sa prise en charged’une néoplasie du col utérin, du canal anal, de la vulve ou de l’oropharynx.

Après information et signature du consentement et vérification des critères d’inclusion et de non inclusion, les patients seront inclus dans l’étude.

La procédure pratique consistera, pour tout patient présentantune néoplasie du col utérin, du canal anal, de la vulve ou de l’oropharynx à analyser indépendamment un prélèvement biopsique de la tumeur (réalisé pour le diagnostic histologique classique) et un prélèvement sanguin de 10 mlprélevé au moment du diagnostic avant traitement ou au moment de la suspicion de rechute. En cas de suspicions de rechute, le test sera réalisé sur le prélèvement micro biopsique ou cytologique qui est habituellement pratiqué pour confirmation du diagnostic.

Les prélèvements tissulaires et sanguins seront réalisés à l’Institut de Cancérologie de Lorraine.Les échantillons sanguins seront transférés pour analyse au Laboratoire CERBA.

Les prélèvements tissulaires seront centralisés dans le département de Biopathologie de l’ICL. La plateforme de diagnostic moléculaire de l’Institut de Cancérologie de Lorraine (Dr Alexandre HARLE) assurera la prise en charge des analyses tissulaires : analyse histologique, Capt/HPV à partir de l’ADN extrait du tissu tumoral fixé et/ou cryopréservé.


3.9 Références bibliographiques

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