LES BIOTECHNOLOGIES pour produire les médicaments d’aujourd’hui et de demain ?


Mercredi 18 mai 2016 9 h 30 à 17 h 00 Salle des Actes
Faculté de Pharmacie de Paris Université Paris Descartes
4 avenue de l’Observatoire Paris 75006
Ouverture de la séance par Claude MONNERET,
Président de l’Académie nationale de Pharmacie

Introduction de la séance par Jean-Marc GROGNET,
membre de l’Académie nationale de Pharmacie

LES BIOTECHNOLOGIES pour produire les médicaments d’aujourd’hui et de demain ?

 

MATIN

9 h 50 « Des premières molécules d’origine biotechnologique à la biologie synthétique »
Jean WEISSENBACH, membre associé de l’Académie nationale de Pharmacie, membre de l’Académie des Sciences, CEA/Institut de Génomique/Genoscope

L'utilisation de systèmes vivants pour la préparation de produits d'intérêt pour la pharmacie remonte à la nuit des temps. La chimie de synthèse est venue révolutionner ces pratiques au 19ème siècle. Mais depuis une centaine d'années on a aussi recours à des méthodes de microbiologie industrielle pour obtenir des molécules actives. L'utilisation de processus de fermentation s'est cependant limitée à un nombre assez faible de molécules organiques. Avec le développement du génie génétique, la panoplie des produits a été étendue à de nombreuses protéines recombinantes. Le génie génétique a lui-même fortement évolué en s'appuyant (1) sur la séquence de nombreux génomes microbiens et d'autres données biologiques issues des approches à grande échelle (omiques) et (2) sur une maîtrise sans cesse accrue des systèmes de régulation génétique. Cette évolution a abouti depuis une dizaine d'années à la naissance d'un génie génétique de deuxième génération, à savoir la biologie synthétique. La biologie synthétique est récente mais a déjà une histoire, à défaut d'avoir une définition consensuelle. Selon une définition plutôt large, on peut la considérer une ingénierie de systèmes biologiques visant à obtenir des objets répondant aux spécifications définies par le concepteur. Comme les autres sciences de l'ingénieur, elle fait appel à une multiplicité de techniques qui dans ce cas s'appliquent à des processus biologiques variés en cherchant à modifier certaines de leurs caractéristiques et leurs modalités de fonctionnement. Le champ d'application de cette discipline est immense et il est illusoire de vouloir le couvrir dans sa globalité. La biosynthèse de molécules organiques à haute valeur ajoutée, telles que des molécules pharmaceutiques, est un des domaines ayant vu les premières applications de la biologie synthétique. Nous passerons en revue les progrès réalisés depuis une dizaine d'années dans la maîtrise de certains processus biologiques clés. Ces progrès concernent diverses ingénieries : ADN, protéines, circuits de régulation et de contrôle de l'expression génétique, voies métaboliques, processus de signalisation, etc. Dans de nombreux cas, ces ingénieries restent cependant rudimentaires et font souvent appel à des optimisations reposant sur des approches testant en parallèle de grands nombres de combinaisons expérimentale.

10 h 30 « L’histoire de l’hydrocortisone dans la levure »
Bruno DUMAS, Senior Scientist, Expression Systems, Advanced Bioinnovation Therapeutics, Sanofi R&D, Vitry / Seine Sanofi est un producteur historiquement reconnu de stéroïdes, en particulier d’hydrocortisone. Pour rester compétitif sur ce marché estimé à plus d’une centaine de tonnes, il faut continuellement innover. Dans les années 1990, parallèlement à son abandon de la voie déoxycholate à partir de bile de bœuf pour produire de l’hydrocortisone à partir de stérols de plantes, Sanofi initie un programme ambitieux de synthèse de l’hydrocortisone dans un microorganisme. L’idée était d’utiliser la voie naturelle efficace de synthèse de l’hydrocortisone des mammifères et de la transférer dans un hôte microbien. La levure S.cerevisiae est apparue rapidement comme une hôte de choix pour ce genre d’ingénierie métabolique pour de multiples raisons : plasticité de son génome, compartimentation cellulaire, qualité et quantité des outils disponibles en biologie moléculaire, connaissances sur la physiologie des cellules, existence de fermentations grands volumes, savoir-faire existant en France. Sous l’impulsion de Sanofi, deux équipes, l’une académique au CNRS de Gif-sur-Yvette, l’autre industrielle à Strasbourg (Transgène) ont été recrutées pour travailler près d’une dizaine d’années sur ce projet. La synthèse de l’hydrocortisone a été divisée en six étapes de conversion réparties entre les deux équipes. Sur ces six réactions, quatre réactions sont catalysées par des enzymes à P450 : deux réactions de clivage de la chaine latérale et d’hydroxylation en 11 du noyau, naturellement détectées dans la mitochondrie et deux réactions d’hydroxylation en 17 et 21, naturellement localisées dans le Reticulum Endoplasmique. La première étape était la prise de stérols exogènes par la levure. Incompatible avec un usage industriel, elle a été remplacée par un détournement de la voie naturelle de synthèse des stérols vers un stérol de plante dont la chaine latérale pouvait être clivée par la première enzyme à P450 de la voie. La deuxième P450 mitochondriale a été maintenue fonctionnelle dans la mitochondrie en utilisant un transporteur d’électrons endogène bien que S.cerevisiae ne produise pas de P450 mitochondriale. Parmi la liste des problèmes résolus, on peut citer : solubilité des substrats, expression des enzymes à P450, localisation et équilibrage des différentes réactions, réglage du flux d’électrons, identification et éliminations des réactions parasites ou secondaires, identification des substrats et produits, expression de neuf protéines recombinantes dans une seule cellule. Dans les années 2000, des premières souches prototypes, obtenues après treize transformations exprimant neuf protéines recombinantes, produisaient de l’hydrocortisone comme stéroïde majoritaire à partir d’éthanol.

 

11 h 00 « Production microbienne de principes actifs pharmaceutiques - challenges pour le développement des souches » Claus LATTEMANN, Directeur Devlopment C&BD Biochemistry, Sanofi chimie, Vitry/-Seine
Dans l’industrie pharmaceutique, bon nombre de principes actifs tels que des antibiotiques ou des protéines thérapeutiques sont produites par la mise en œuvre de microorganismes.

11h 30 TABLE RONDE « Biologie de synthèse et médicaments » animée par Jean WEISSENBACH et Jean- Christophe PAGES, INSA

APRÈS-MIDI
14 h 30 « Du _Molecular Pharming_ au traitement personnalisé des allergies » Véronique GOMORD, Directeur scientifique, ANGANY Genetics, Val de Reuil, France

ANGANY Genetics développe et commercialise des produits de haute qualité pour le diagnostic et le traitement des allergies, qui affectent environ 500 millions de personnes et qui, évoluant sans cesse, constituent aujourd’hui le quatrième plus grand problème de santé publique dans le monde. Directement liées à l'urbanisation, elles sont amenées à s’intensifier et à menacer gravement la santé mondiale, alors que les traitements actuels peinent à répondre, même dans les pays développés. Le secteur de L'allergie en santé humaine souffre des mêmes limitations que le secteur des vaccins avant l'introduction de technologies du Recombinant et l'obtention de biomédicaments de qualité à des coûts abordables. Ainsi :
• D'un côté, les bases immunologiques de l'allergie sont de mieux en mieux connues, ce qui permet de développer de nouveaux produits et de nouvelles approches d'immunothérapie ;_

• de l'autre côté, on est confronté à des technologies de fabrication obsolètes et extrêmement limitatives ne permettant pas de produire des produits de diagnostic standardisés, ni d'offrir une complémentarité entre le diagnostic et la conception de la thérapie, et donc inutilisables pour créer de nouveaux produits plus efficaces sur le marché.

Les traitements de l'allergie sont en attente d'une rupture technologique pour le développement de nouvelles thérapies efficaces. Pour répondre à ce besoin, ANGANY Genetics a développé AllergoPur TM, une plateforme de production basée sur l'expression transitoire de protéines recombinantes dans Nicotiana benthamiana. Compte tenu de leur faible coût, de leur qualité et de leur pureté, les allergènes produits sur cette plateforme sont les seuls qui peuvent raisonnablement soutenir le développement d'un large gamme de produits personnalisés pour une immunothérapie moins invasive, moins coûteuse et plus efficace.

15 h 00 « Expression et production de protéines thérapeutiques recombinantes par l’animal ou par culture
de cellules animales » Roland BELIARD, Directeur de la Bioproduction Europe de LFB Biomanufacturing

La bioproduction concerne la fabrication de médicaments à partir de matières premières d’origine biologique ou par la mise en œuvre de biotechnologies. Les « biologics » sont parfois des protéines si complexes qu’elles ne peuvent être fabriquées que par des organismes vivants ou plus spécifiquement par des cellules eucaryotes.

Pour certaines catégories de protéines, non présentes naturellement dans l’organisme ou exprimées en quantité insuffisante, il est possible de faire fabriquer par une cellule de mammifère en culture une protéine dite recombinante qui peut soit se substituer à la protéine naturelle auparavant extraite, soit être développée contre des cibles thérapeutiques particulières, dans le cancer notamment. Pour répondre aux besoins de production de ces produits recombinants, de récentes technologies d’usage unique sont venues apporter une vision nouvelle de l’industrialisation. Avec l’optimisation des rendements de production et les bioréacteurs « single use » on est passé de l’ère du tout inox et des immenses bioréacteurs de 15 000 voire 20 000 litres à des ateliers et des usines beaucoup plus dépouillés ou les bioréacteurs de 1 000 à 2 000 L constituent des échelles de fabrication pour les phases de développement clinique et même les phases commerciales. Plus innovante encore est l’approche qui consiste à transférer le gène d’intérêt dans la ou les cellules d’un organisme complexe, plante ou animal. La plateforme rPRO TechnologyTM permet par exemple de coupler un gène d’intérêt à un gène codant pour une protéine du lait. Dans ce cas, ce sont les animaux, chèvres ou lapines, qui expriment la protéine d’intérêt et constituent la première étape du manufacturing par la production du lait dont sera extrait le principe actif. Ce mode d’obtention de protéines thérapeutiques dites lactorecombinantes pouvant avoir des caractéristiques ciblées, apporte une capacité d’expression importante avec une flexibilité industrielle pour ajuster l’échelle de production souhaitée.

15 h 30 « De la cellule au médicament : métiers et formation » Brigitte LINDET, Professeur Bordeaux INP, Directrice ENSTBB-Bordeaux INP (École Nationale Supérieure de Technologie des Biomolécules de Bordeaux) La production d’un biomédicament fait appel à de nombreuses fonctions et métiers assurés par des chercheurs, opérateurs, techniciens, ingénieurs et pharmaciens, depuis la conception du biomédicament jusqu’à sa production, que ce soit pour le « process » de production (R&D, développement, gestion de la production) ou pour les fonctions « support » (assurance qualité, essais cliniques, support technique, vente, marketing...). Ces métiers nécessitent de multiples compétences, bien souvent transversales :
- des compétences scientifiques et techniques en biotechnologies, pour la mise au point, le développement et la réalisation du procédé de fabrication.

- des compétences en assurance qualité, contrôle qualité, pharmacovigilance, affaires réglementaires, commerce ou marketing, pour assurer les missions « support » accompagnant la vie du biomédicament.

La formation des cadres qui participent au développement et à la production des médicaments d’aujourd’hui et de demain doit leur assurer d’acquérir l’ensemble de ces compétences. Les formations d’ingénieurs en biotechnologie, les doubles cursus ingénieur biotech/pharmacien apportent des réponses à ce besoin de compétences transverses.
16 h 00 « Une approche originale de l’interface public/privé : la création d’EnobraQ, par Toulouse White Biotechnology » Pierre MONSAN, Directeur Fondateur de Toulouse White Biotechnology, Professeur émérite INSA,
Université de Toulouse, Président de la Fédération Française des Biotechnologies, Membre de l’Académie des Technologies.

Toulouse White Biotechnology (TWB) est un démonstrateur pré-industriel dont l’objectif est d'accélérer le développement des biotechnologies industrielles en facilitant les échanges entre la recherche publique et l'industrie. Il a pour vocation de contribuer à l’essor d’une bio-économie fondée sur l'utilisation du carbone renouvelable dans divers domaines (chimie- biochimie, matériaux, énergie...). Différents types de projets collaboratifs de recherche et développement sont proposés ainsi que des prestations de service personnalisées pour les entreprises. Lauréat en mars 2011 de l’appel à projets pour le Programme Investissements d’Avenir (PIA), TWB bénéficie d’une aide d’Etat via l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). TWB est une Unité Mixte de Service (UMS) gérée par l’INRA, sous la triple tutelle INRA/INSA/CNRS. Parmi ces projets collaboratifs, EnobraQ, est une entreprise qui développe une levure capable d’utiliser le CO2 (atmosphérique ou d’une autre origine) et de le transformer en molécules d’intérêt pour l’industrie chimique. Elle est basée sur une innovation de rupture qui consiste à concevoir un micro-organisme synthétique (Saccharomyces cerevisiae) capable, à l’instar des plantes et des micro- algues, d’utiliser le CO2 pour produire une large gamme de molécules chimiques d’intérêt économique. Installée au sein des laboratoires de TWB, l’entreprise, dont le procédé est protégé par trois brevets déjà déposés, prévoit d’accélérer rapidement son développement et devrait compter une quinzaine de chercheurs début 2016.

16 h 30 TABLE RONDE « Quel avenir pour les nouvelles biotechnologies dans la production de médicaments : économie et bio-sécurité » Animée par Jean-Marc GROGNET et Pierre MONSAN
Avec les représentants des Pouvoirs Publics :
• • •
17 h 00
Ministère de l’industrie et de l’économie :Benjamin LEPERCHEY, Sous-Directeur en charge des produits de santé ; Ministère de la Recherche : Pierre VALLA, Directeur Adjoint de la Recherche et de l’Innovation ;

LEEM : Isabelle DIAZ, Direction des Affaires Scientifiques ; Directeur Biotechnologies et Recherche
Conclusions et clôture par Claude MONNERET, Président de l’Académie nationale de Pharmacie

 

ACADEMIE NATIONALE DE PHARMACIE
SANTE PUBLIQUE - MEDICAMENT - PRODUITS DE SANTE - BIOLOGIE - SANTE ET ENVIRONNEMENT

Fondée le 3 août 1803 sous le nom de Société de Pharmacie de Paris Reconnue d’utilité publique le 5 octobre 1877